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Un marché alléchant mais difficile

Contrairement aux Anglo-Saxons, friands d’une consommation spécifiquement gay, le tourisme homosexuel reste une niche en France. Quelques spécialistes, qui se sont lancés dans l’aventure, livrent leurs conseils pour s’imposer sur ce marché.

Ce 26 juin, comme chaque dernier samedi de juin, des dizaines de milliers d’homosexuel(le)s défileront pour la Gay Pride dans les rues de Paris. L’occasion pour cette communauté estimée entre 6 et 8 millions de personnes en France, de montrer sa force, présente dans tous les métiers et dans toutes les couches de la société. Elle dispose aujourd’hui de ses restaurants, de ses bars, de ses journaux, de ses boutiques et, à partir du 25 octobre, de sa chaîne de télévision Pink TV.

Les gays représentent depuis plusieurs années un marché en or pour les publicitaires, qui ont développé le concept du dink pour double income no kids, soit deux revenus, pas d’enfants. Ce marché est ainsi évalué à 3 milliards d’E par an, avec une population qui, selon les clichés, aime sortir, faire du shopping, partir en voyage… Une clientèle de niche que les professionnels du tourisme ont décidé de draguer depuis quelques années. Mais l’aventure n’est pas si facile.

Pour preuve, la déconvenue rencontrée par Oléa. Cette société devait ouvrir, du 22 mai au 30 octobre, le premier club gay et lesbien européen, dans l’enceinte du Club Med Mare Nostrum (près d’Athènes). Cinq mois ! Un pari un peu fou compte tenu de la taille de l’établissement (300 chambres) et des prix pratiqués (de 1 300 EEà 1 800 Epar personne selon la semaine, avec les vols), qui n’aura même pas eu le temps de démarrer. Oléa a jeté l’éponge mi-juin, n’étant pas en mesure de payer le Club Med. Le projet était trop ambitieux. Même les Anglais ont des difficultés pour remplir leurs clubs gays aux Canaries à certaines dates, fait valoir Basilio Simoes, directeur de l’agence parisienne Eurogays.

L’esprit communautaire des Anglo-Saxons

Il est vrai qu’en France, on est encore loin des dizaines de milliers d’Américains, d’Anglais ou d’Australiens, à l’esprit communautaire très développé, qui consomment gay et voyagent en utilisant les services d’agences et TO spécialisés. Surtout, moyennant quelques réductions, ils réservent jusqu’à un an à l’avance des séjours en clubs ou sur des paquebots. A l’image de la croisière organisée du 19 au 28 février 2005 par RSVP, le TO gay n° 1 aux Etats-Unis, sur le Westerdam, un paquebot de 1 850 personnes ! Ces clients fidèles assurent un remplissage minimum, permettant aux TO gays de mener à bien ces opérations.

Les structures dédiées à la clientèle gay sont donc peu nombreuses en France. Elles se comptent même sur les doigts des deux mains (voir tableau p. 22). Eurogays, la pionnière, créée en 1994 (quatre salariés), réalise 2,5 ME de chiffre d’affaires par an, pour 4 500 clients. L’été, le TO (qui revend sa production en direct) n’hésite pas à alloter des sièges sur les vols vers Ibiza et Mykonos, et des chambres dans les hôtels de ces deux destinations ainsi qu’à Barcelone et Sitges (Espagne). Autant de destinations très gay friendly. Le travail est difficile pour convaincre ces hôteliers. Leurs établissements sont petits et ils n’ont pas besoin de nous pour les remplir, précise Basilio Simoes. Il ne dispose ainsi que de quatre chambres sur 40 au Rochari, à Mykonos.

Les provinciaux, première clientèle des spécialistes

Ancien membre de l’équipe d’Eurogays, Stéphane Loiselier a créé, en février, le TO Attitude Travel. Son point de vente ultramoderne est installé rue des Archives à Paris, au coeur du Marais, le quartier gay de la capitale. Revendu aussi par une trentaine d’agences qui reçoivent une commission de 7 à 8 % ou prennent des frais de dossiers, il revendique déjà 1 500 clients.

Sont également actifs sur ce marché les agences OK Tours/Afat Voyages et Sait Voyages (dont 60 % de la clientèle est gay), également implantées dans le Marais, et les voyagistes Gaytitudes, Hors Série et Gay-Voyages, pour qui Internet constitue le principal mode de distribution. Enfin, dans le cadre de la segmentation de sa production, Croisitour a créé gayvasion.com il y a un an, un site que le TO peut mettre à la disposition des agences classiques en marque blanche.

Ces agences et TO se caractérisent d’abord par le nombre de leurs clients résidant en province : 70 % chez Eurogays, 85 % chez Attitude Travel… Les clients n’osent pas entrer dans une agence habituelle pour acheter un séjour avec leur compagnon à Ibiza dans un hôtel gay, et demander un grand lit, précise Basilio Simoes. Tous mettent en avant la connaissance parfaite des hébergements sélectionnés et le conseil apporté, car il existe plusieurs types de clientèles gay : des jeunes qui veulent aller s’éclater à Ibiza, aux quinquagénaires à la recherche de produits plus traditionnels, avec davantage de confort.

Il y a aussi toute une frange de la population à qui on n’apporte pas les bons produits, reconnaît Jean-Luc Dufrenne, créateur, en 1998, du tour-opérateur lillois Hors Série (300 000 E de chiffre d’affaires par an pour 1 000 clients environ). Certains ne souhaitent pas descendre en établissement gay et recherchent tout simplement un hôtel classique dans un environnement gay.

Un vendeur gay pour vendre aux gays

Pour développer ce marché, tous les spécialistes s’accordent sur le fait qu’un vendeur gay ou lesbien doit travailler dans l’agence ou chez le TO. Cela permet au client d’être plus à l’aise. Même si l’agent de comptoir est gay friendly, ce n’est pas pareil, assure Stéphane Loiselier. C’est important pour coller à la sensibilité et au mode de vie des client(e)s. Le vendeur connaîtra mieux leurs attentes, ajoute Bénédicte Lebrun. Elle a créé le TO et le site gaytitudes.com, grâce la présence d’un vendeur gay dans son agence BLB Tourisme à Auray (56).

C’est pour cette raison que Jean-Luc Dufrenne a décidé de revoir sa copie. Hors Série reposait sur une brochure et un numéro Azur, qui renvoyait les clients vers une douzaine d’agences Afat Voyages partout en France. Les agences sont toujours mentionnées sur notre site Internet, mais pour que cela marche véritablement, il faudrait qu’elles embauchent un vendeur gay, reconnaît-il.

Le redéploiement de Hors Série passe désormais par l’envoi chaque mois à 800 personnes d’une lettre d’information par mail. Nous n’avons pas jugé bon d’éditer de brochure cette année. Elle n’était d’ailleurs qu’un support car nous faisons beaucoup de à la carte, ajoute Jean-Luc Dufrenne, qui avait choisi de reprendre dans son catalogue les produits d’Asia, Pacha Tours, Mundicolor, Solea, Vacances Fabuleuses, TransEurope ou Kuoni. Des TO qui sont également vendus par Eurogays, Ok Tours, Gaytitudes et Attitude Travel, ce dernier ayant même reçu l’agrément Club Med !

Grande Canarie, une destination qui monte

Etre positionné sur le créneau gay implique en outre de développer une communication spécifique, marquée par la distribution régulière de flyers et de brochures dans les bars, restaurants, discothèques gays… Des encarts dans le magazine Têtu (très lu en province), mais aussi dans la presse parisienne gratuite (Illico, Em@le…) sont également nécessaires. OK Tours parie pour sa part sur le sponsoring d’événements et offre des voyages lors de soirées en discothèque.

Avec un budget moyen de 800 E par personne l’été et de 1 500 E l’hiver, les destinations gays évoluent peu. Ibiza, Mykonos, Sitges et Barcelone arrivent toujours en tête, attirant une population âgée de 20 à 40 ans. Plus loin, San Fran- cisco, Miami, Le Cap, Rio, sans oublier Sydney et son Mardi gras, sont plébiscitées. Depuis deux ans, Ibiza marque le pas, remarque Basilio Simoes, en raison de sa mauvaise image et des prix prohibitifs. Sitges, au contraire très abordable et, surtout Grande Canarie sont en revanche de plus en plus prisés. L’île, mise en avant par les tour-opérateurs spécialisés anglais et allemands, compte déjà une douzaine d’hôtels et une cinquantaine d’établissements gays.

Les professionnels entendent néanmoins briser l’idée reçue selon laquelle les clients homosexuels auraient plus d’argent. Tous n’ont pas de grosses situations, insiste Evelyne Birot d’Ok Tours. Ils paient davantage d’impôts en tant que célibataires, rappelle par ailleurs Basilio Simoes. Et ils dépensent beaucoup en matière d’habillement, de loisirs, de nouvelles technologies… Aussi, s’ils voyagent plus que les autres, ils sont à la recherche des meilleures opportunités. Ce n’est pas un hasard si la nouvelle compagnie low cost Vueling (qui relie Paris à Barcelone, avec continuation sur Ibiza) fait un tabac auprès des gays parisiens ! Le principal concurrent des agences gay est d’ailleurs constitué par Internet, dont une très grande majorité des gays sont équipés. Notre clientèle est très individualiste et particulièrement débrouillarde, assure-t-on chez Eurogays.

Toujours à la recherche de la bonne affaire

Comme un client classique, le gay achète donc beaucoup en dernière minute, à la recherche de la bonne affaire. Le groupe Karavel/Promovacances ne s’y est d’ailleurs pas trompé en créant spotgay.fr.On peut donc se demander si, avec une poignée de tour-opérateurs, il n’y a pas déjà trop de monde sur le marché. Non, assure Basilio Simoes. Mais il n’y a pas d’intérêt à créer un Eurogays bis. Chaque acteur doit apporter quelque chose de différent en termes de produits, d’hôtellerie…, assure de son côté Jean-Luc Dufrenne. Et de conclure : Il ne faut pas se leurrer, les marges sur ce marché ne sont pas plus élevées. Pour survivre, les spécialistes des gays ont d’ailleurs tous développé des activités groupes, comités d’entreprise ou séminaires, destinées à une clientèle plus traditionnelle !

Les professionnels entendent briser l’idée

reçue selon laquelle les clients homosexuels

auraient plus

d’argent que les autres.

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