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Un an après l’Eyjafjöll : Les relations clients des compagnies font débat

Bien que souvent pénalement irresponsables, les compagnies ont fait beaucoup d'efforts, pour des raisons commerciales, après l'éruption de l'Eyjafjöll et les chutes de neige de décembre. Dans ce face-à-face, c'est la qualité des relations clients qui sort plutôt gagnante.

L'an dernier, un volcan islandais au nom imprononçable envoyait ses cendres dans le ciel européen et bloquait le trafic aérien durant plusieurs jours. Quelques mois plus tard, c'était au tour de la neige d'immobiliser les avions et de semer la pagaille dans le ciel européen. À chaque fois, les compagnies se sont retrouvées en première ligne pour affronter le mécontentement des passagers, qui se sont dévoilés, à l'occasion, être de redoutables consommacteurs. Au point d'avoir obtenu une procédure inédite de médiation entre eux et l'industrie aérienne. Ces crises ont ainsi permis de montrer combien les relations entre le passager et la compagnie aérienne avaient évolué. Jusqu'à menacer le secteur ? C'est à cette question que les invités du quatrième petit déjeuner de l'aérien de L'Écho touristique ont tenté de répondre. Philippe Brieu, DG France d'Air Mauritius, se souvient bien de la neige de décembre et du volcan islandais : « Durant l'épisode neigeux, l'équipage n'a pas pu embarquer car les bus étaient interdits de circulation, ensuite les aires de stationnement et les accès aux aéroports n'étaient pas déneigés. On a payé énormément de nuitées à notre personnel pour les garder sur place. Ce fut la même chose pour le volcan. Nous avons fait exactement l'inverse de ce que préconisait la réglementation, c'est-à-dire que nous avons d'abord ramené les clients qui avaient été bloqués le plus longtemps sur place. Il a fallu affréter un avion, mais comme nous n'avions pas leurs coordonnées nous n'avons pas pu vérifier si tous étaient encore sur place et notre avion s'est retrouvé avec plus d'une centaine de places vides. Je n'ai pas besoin de dire combien cela coûte de faire voler un 747 durant onze heures, avec des équipages, plus l'amortissement de l'appareil : une fortune. J'ai fait ça en toute honnêteté et je n'ai pas besoin d'avoir un juge dans le dos pour le faire. » Les efforts déployés par les professionnels ont toutefois été grandement contraints : « Les agences refusent obstinément de nous donner les coordonnées de leurs clients. Nous avons calculé, durant la neige, que seulement 8 % des dossiers comportaient des contacts fiables, assure Philippe Brieu. Il faut obligatoirement passer par les agences, mais si celles-ci ne relaient pas l'information, ce sont elles qui s'exposent à des poursuites. » « Les agences ne communiquent pas les contacts de leurs clients car elles ont peur de les voir s'adresser directement aux compagnies par la suite », réplique Béatrice de Rotalier, DG France de Delta Air Lines. « Avoir un contact est pourtant extrêmement important pour éviter de mettre les clients dans ce qui devient une souricière, comme ce fut le cas avec la neige », ajoute Catherine Colbus, directrice marketing opérationnel d'Air France. « Sur la partie low cost, j'avais les contacts de mes clients, notre site permettait de les informer en temps réel et nous avons envoyé des SMS. Mais c'est empirique, nous n'avons pas pu récupérer tout le monde », ajoute Hélène Abraham, vice-présidente de Transavia. « Oui mais, de toute façon, même si nous avions eu les numéros de nos clients, nous ne savions pas ce qui aller se passer, que ce soit pour le volcan ou la neige », reconnaît Olivier Besnard, directeur commercial de Corsairfly. « Et si nous les avions eus, nous n'aurions pu contacter que 50 % des passagers bloqués en France, les autres étant étrangers, ajoute Jean-Pierre Sauvage, président du Board of Airlines Representatives. Et de conclure : En fait, je crois que l'année 2010 ne nous permet pas de changer quoi que ce soit à partir du moment où ce qui est arrivé est exogène. » Mais tout le monde n'est pas de cet avis : « Nous avons fait tout de même des progrès dans la prise en charge des passagers et la gestion de crise », estime Béatrice de Rotalier. « Il y a une véritable évolution dans la prise en charge et la considération du passager », admet Arnaud de Blauwe, rédacteur en chef adjoint du magazine Que Choisir. « Des vraies réponses ont été apportées et les compagnies ont fait de gros efforts dans la relation client, le marketing, le service après-vente Ce n'est pas encore parfait, mais l'épisode neigeux a accéléré la prise de conscience. » « Nous sommes passés du passager au client », lance joliment Catherine Colbus. « Dans le cadre de la relation client, nous sommes devenus de plus en plus proactifs. Par exemple, nous avons envoyé une lettre à tous nos adhérents Flying Blue pour leur expliquer ce qui s'était passé et les informer. Les clients sont en attente d'informations sur tous les supports et 24h/24 », poursuit-elle. « Je pense qu'on est en effet désormais très aidés par la technologie. On peut les retrouver, on peut communiquer directement avec nos clients via SMS, Facebook, même si ces innovations demandent des investissements lourds », reprend Béatrice de Rotalier. « On a transformé un événement négatif en relation positive pour le client. Il voit qu'il est pris en charge. On se doit de tirer parti de ce que nous font remonter nos clients au jour le jour. On essaie de structurer cette richesse et de l'utiliser de manière positive en améliorant le produit, le service au sol, en vol, sur la réservation, sur le Web, à l'émission et au service après-vente », sourit Catherine Colbus. « Et cette relation le fidélise », ajoute Béatrice de Rotalier. Et pourtant, malgré ce satisfecit, les tendances sont inexorables : « Nous constatons de plus en plus de plaintes de la part des clients », remarque Emmanuelle Llop, avocate chez Clyde et Co. « Je crois que le transport aérien est encore nébuleux pour le client. Il cherche à se prémunir par tous les moyens. Au moindre aléa, il veut des réponses immédiates, ce qu'on ne peut pas toujours faire », excuse Béatrice de Rotalier. Mais elle s'agace un peu tout de même : « Il faut dire que certains passagers prennent le transport aérien pour un transport public. » « C'est particulièrement vrai pour Air France », regrette Catherine Colbus. « Il se croit chez Ikéa. C'est ça, la montée du consumérisme », lance, fataliste, Jean-Pierre Sauvage. Le mot est lâché. « Le consumérisme a un danger : plus on devra traiter les cas de façon formelle – et coûteuse – moins on pourra les traiter de façon humaine, alors que c'est l'attente du client », pronostique Philippe Brieu. « Ce qui est sûr, c'est que ce phénomène ne modifie pas notre comportement opérationnel et commercial. Il faut toutefois anticiper les réclamations, en étant proactif », continue Béatrice de Rotalier. Pour Emmanuelle Llop, les compagnies n'ont pas d'autre choix que de tenir compte du client et de son comportement de plus en plus consumériste. « Les services sont de plus en plus industriels. Leur qualité et leur diversité poussent les clients à être encore plus exigeants. C'est un peu une course à l'échalote », constate Arnaud de Blauwe. « La défiance vis-à-vis des compagnies sera d'autant moins forte que les règles commerciales et tarifaires seront transparentes. » Attention à ne pas trop faire dans la communication. « Le gouvernement a édicté des mesures pour éviter les erreurs de l'épisode neigeux », argumente Jean-Pierre Sauvage. « Deux mesures concernent les compagnies : les coordonnées, qui font débat et la rapidité du remboursement, à tel point que le gouvernement exigeait qu'on mette des bornes de remboursement dans les aéroports. Comment peut-on demander cela, alors que même le règlement 261-2004 prévoit bien un délai de sept jours pour rembourser ? Le gouvernement a donc dû rectifier. Et finalement, ces mesures sont comme une montagne qui a accouché d'une souris, car la réglementation existe déjà. » « Ce genre de mesures est en effet irréalisable », appuie Hélène Abraham. Est-ce à dire que les compagnies aériennes poussent les clients, mais aussi les pouvoirs publics à des effets d'aubaine ? « L'État appuie les attitudes consuméristes des clients en matière de transport aérien », approuve Arnaud de Blauwe. « Mais l'individualisme, l'opportunisme, la communication commerciale qui est faite sur le service et sur le prix et fait monter le niveau d'exigence et en retour, l'impatience », sont d'autres facteurs à prendre en compte, jugent les participants. « Le transport aérien n'est pas le Père Noël », conclut Jean-Pierre Sauvage.

 

Les compagnies ont été en première ligne pour affronter le mécontentement des passagers qui se sont dévoilés être de redoutables consommacteur

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