Tourisme : « On a besoin de faire venir plus de capitaux privés français et étrangers » – Eric Lombard
Les ministres de l’Economie et du Tourisme ont convié de nombreux fonds, investisseurs et entrepreneurs à Bercy lundi 28 avril 2025. Objectif : encourager l’investissement privé.
Si l’Etat a mis la main au portefeuille pendant la crise sanitaire, il compte désormais surtout s’appuyer sur les acteurs privés pour les investissements dans la filière.
« Ces cinq dernières années, l’Etat a investi 50 milliards d’euros dans l’écosystème, avec le plan de relance », a souligné Eric Lombard, en ouverture d’un petit-déjeuner sur les enjeux de l’investissement dans l’industrie touristique française à Bercy.
Eric Lombard, VRP du tourisme dans les pays du Golfe
« On a besoin de faire venir plus de capitaux privés français et étrangers », a-t-il ajouté. Avec un objectif majeur, déjà annoncé par Jean Castex quand il était Premier ministre : positionner la France comme première destination durable mondiale, à travers « le verdissement » et « la modernisation » de la filière. Le Sommet Choose France, organisé le 19 mai, permettra de le marteler.
« Avec Nathalie Delattre, nous allons veiller à ce que les investisseurs mettent bien le tourisme sur leur carte », a complété Eric Lombard. Ajoutant qu’il se rendait le week-end prochain aux Emirats arabes unis « pour rappeler aux investisseurs l’intérêt de ce secteur ». Parmi les segments qui manquent d’argent figurent selon lui le tourisme social, le thermalisme, le patrimoine. Le ministre de l’Economie rêve d’ailleurs de « paradores à la française », avec une marque française bien sûr.
Un besoin chiffré à 25 milliards d’euros
« L’investissement touristique pourrait s’élever à 25 milliard euros par an d’ici 2030 », a assuré ce matin Nathalie Delattre, ministre chargée du Tourisme.
A quoi correspond ce montant ? « 25 milliards, c’est la projection d’investissement privé estimée à l’horizon 2030 », nous précise son entourage. Et ce, pour « faire face au mur d’investissement qui va se dresser devant nous pour rester compétitif face à une concurrence européenne accrue ». L’Espagne et l’Italie s’érigent comme concurrents de premier plan. Le pays de Dali a accueilli 94 millions de touristes étrangers l’an passé, contre 100 millions pour la France aux recettes moindres (71Mds €).
« L’investissement est donc sur une dynamique positive, mais il faut le mettre au regard des besoins d’investissements pour moderniser et assurer la transition du secteur », complète l’entourage de Nathalie Delattre.
En 2022, les investissements touristique ont atteint 18,6 milliards d’euros (+4,5% vs 2019).
Se débarrasser du poids des PGE
La France a réalisé une bonne année touristique 2024, mais ne doit pas se reposer sur ses lauriers, d’après Nathalie Delattre.
« Il y a déjà, et de manière transversale, des difficultés conjoncturelles puisqu’une partie de notre tissu économique n’a pas encore reconstitué ses niveaux de marge et de trésorerie suite à la crise Covid et à l’inflation de ces dernières années », a-t-elle souligné.
Suite à la pandémie, les Prêts garantis par l’Etat (PGE) ont fortement plombé la dynamique des entreprises. Leur remboursement, le 31 décembre 2026 au plus tard, grève les capacités d’investissement.
Pour la ministre, l’hôtellerie et les campings ont souvent trouvé des financements (pour leur montée en gamme). A contrario, les acteurs du tourisme social, du thermalisme, du tourisme de patrimoine et de la travel tech en manquent.
Des freins multiples
Les deux tables rondes qui ont suivi ce matin à Bercy, ont permis d’identifier d’autres freins et faiblesses du secteur du tourisme, au demeurant résilient.
Jean-Marc Palhon, président d’Extendam, a évoqué la stagnation depuis dix ans du parc hôtelier (18 000 hôtels) « vieillissant et de faible capacité ». Jérôme Bosc, cofondateur d’Alborran a pointé la nécessité de développer l’attractivité des villes de province, pour sortir de l’axe Paris-Nice-Alpes. Pascal Savary, président d’Atream, a insisté sur l’importance d’accompagner des entrepreneurs, citant des « bâtisseurs » de l’industrie comme Pélisson, Trigano, Dubrule, Brémond. Pour Eric Bismuth, président de Montefiore, c’est essentiel afin de faire émerger de ETI. Le secteur reste dominé par des TPE (2,4 personnes par entreprise).
Quant à Philippe Chérèque, directeur général de Certares (ex-Amadeus), il regrette des difficultés liées à la distribution de l’offre. « On supprime de plus en plus l’avion en France pour le train, très bien, a-t-il relevé. Sauf que les billets de train, il est possible de les réserver à seulement trois mois. Or les Américains qui viennent cet été achètent leurs prestations de voyage fin 2024. »
D’autres observateurs déplorent aussi des lourdeurs administratives et des difficultés liés au droit d’urbanisme. Architectes et Bâtiments de France peuvent ralentir ou bloquer des projets.
Nouveau prêt Tourisme
Bpifrance a annoncé deux nouveaux dispositifs : le Prêt Tourisme va être reconduit. Le dispositif « sera lancé dans les jours qui viennent », a annoncé Serge Mesguich, directeur du pôle tourisme et loisirs/directeur du fonds FIT de Bpifrance. « On relance un dispositif de prêt de transmission d’entreprise qui est un prêt sur une durée longue », a-t-il ajouté.
Pascal Savary, président d’Atream, actionnaire notamment de Pierre & Vacances Center Parcs, croit à « l’investissement public-privé ». « Bpifrance fait partie de notre tour de table et nous travaillons régulièrement avec la Banque des territoires », a-t-il rappelé. Atream a annoncé le lancement prochain d’un fonds tourisme « pour la France, dans les territoires ».
La filière du tourisme contribue à hauteur de 16 milliards à la balance des paiements, selon Atout France.