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Olivier Mathiot, Digital Angel

Olivier Mathiot est le président de PriceMinister, une entreprise qu'il a cofondée avec son cousin Pierre Kosciusko-Morizet. Cette figure emblématique de l'e-commerce est aussi un business angels, qui a côtoyé, de près ou de loin, 300 start-up en 2014. À travers la conversation qu'il nous accorde, ce quadragénaire hyperactif évoque les jeunes pousses frança

L'Écho touristique : PriceMinister affiche une audience de 6 à 7 millions de visiteurs uniques par mois. Quels sont les autres chiffres-clés du groupe ?

Olivier Mathiot : Nous sommes une place de marchés, qui réalise 70 % de son volume d'affaires en BtoBtoC, soit via des marchands professionnels. Le CtoC est devenu minoritaire. Depuis le rachat par Rakuten en 2010, nos ventes ont triplé. Nous vendons environ 50 000 produits par jour, sur un catalogue de 200 millions de produits. Nos investissements prioritaires concernent le mobile, qui enregistre 80 % de croissance en glissement annuel.%%HORSTEXTE:1%%

En 2007, PriceMinister a racheté pour 200 ME le français Voyagermoinscher. Aujourd'hui, tout laisse à penser que Rakuten, qui a acquis votre entreprise, n'a pas de fortes ambitions sur ce comparateur de voyages.

Comme tous les comparateurs de prix, quels que soient les produits, Voyagermoinscher a été victime de Google. Le moteur de recherche a récupéré une partie de la comparaison en direct, dans le voyage. Il faut maintenant trouver des ressorts afin de diminuer notre dépendance à Google. C'est une préoccupation majeure pour Voyagermoinscher comme pour PriceMinister. Le mobile sera une des réponses. Nous avons d'ailleurs récemment lancé la version mobile de Voyagermoinscher, avec une ergonomie complètement repensée par rapport à la version PC.%%HORSTEXTE:3%%

Quelles synergies peuvent être envisagées entre Rakuten Travel et Voyagermoinscher ?

Rakuten Travel est au Japon un vrai voyagiste, comme Expedia par exemple. C'est une marque qui cible surtout les Japonais. Sa base de clientèle est considérable, et son rayonnement couvre l'Asie du Sud-Est. Pour son développement, nous recrutons actuellement des personnes au sein de Rakuten Travel France, afin de référencer de nouveaux hôtels. Rakuten se positionne ainsi comme un apporteur d'affaires auprès des hébergeurs européens. La question que nous nous posons est la suivante : veut-on lancer en Europe – et non en France seulement – un vrai voyagiste, un Rakuten Travel qui utiliserait Voyagermoinscher comme base de réflexion ? Nous n'avons pas encore la réponse. Mais ce qui est sûr, c'est que Rakuten ne veut pas jouer un rôle secondaire, face à de puissants acteurs européens et américains. Le groupe préfère renoncer quand le business lui semble trop petit.

En tant que business angel, vous avez investi dans plusieurs start-up. Dans quels domaines ? Le tourisme en fait-il partie ?

J'ai investi dans une vingtaine de start-up, avec un ticket moyen de 50 000 euros. Parmi ces jeunes pousses, qui ont récemment levé des fonds, figurent la place de marché 1001 Pharmacies. Il m'arrive parfois de soutenir financièrement d'anciens salariés de PriceMinister. C'est le cas de Prêt d'Union, qui propose des crédits entre particuliers, et de ZeTops. Le tourisme est faiblement présent, dans mon portefeuille d'investissement. Je suis souscripteur du fonds ISAI, qui est actionnaire d'Evaneos.com. C'est un site qui a bien su désintermédier, à l'image de PriceMinister dans le commerce traditionnel de la distribution. L'industrie du voyage me paraît déjà très concentrée, avec de grands acteurs. Et surtout, Rakuten Travel est un important opérateur au Japon, nous avons aussi Voyagermoinscher. Je préfère ne pas me mettre en situation de conflit d'intérêt, compte tenu de mon rôle de président de PriceMinister et de Rakuten France.

Il semblerait que vous receviez un dossier de start-up par jour…

Oui, presque. J'ai reçu 300 dossiers l'an passé. Les dossiers me parviennent par des effets de réseaux, via Twitter, LinkedIn, Facebook, mes amis, l'association France Digitale dont je suis le coprésident. Souvent, les business angels échangent ensemble, et se consultent. Nous faisons beaucoup de cooptation par réseaux.

D'après vous, pourquoi les start-up françaises lèvent moins d'argent que leurs consoeurs américaines ?

Depuis le mouvement des pigeons (dont Olivier Mathiot était porte-parole, Ndlr), qui a révélé l'incompréhension entre le digital et le gouvernement, l'attractivité de la France s'est améliorée. Nous avons pu observer des efforts de la part de certains politiques. Fleur Pellerin, Emmanuel Macron, Axelle Lemaire, et même le président et le Premier ministre parlent de digital. Des lois numériques sont apparues. Mais nous devons faire mieux. Dans tous les recoins de la République, nous devons développer la culture du risque et le capital-risque. Les start-up créent beaucoup d'emplois, ce qui doit attirer l'attention des pouvoirs publics. J'ai souvent des réunions à l'Elysée pour discuter de l'attractivité de la France. Il est indispensable de changer l'image de notre pays, qui ne doit pas être cantonnée à un musée pour les touristes, un pays où il fait bon faire du shopping et bien manger.

Comment changer cette image ?

L'attractivité de la France existe au niveau du tourisme. Il faudrait notamment croiser le tourisme et le numérique, le luxe et le numérique, la gastronomie et le numérique… Pour attirer des capitaux, nous devons aussi communiquer autour de l'innovation. Il faut rappeler que la France est un terreau de start-up. Nous avons de vieux groupes dans le CAC 40. Nous avons aussi de jeunes entreprises françaises, susceptibles de devenir des champions du monde, qui ont besoin d'argent. Ce n'est pas assez reconnu. Le France Digital Day a été l'occasion de lancer ce message : il faut inscrire le numérique dans le programme politique de 2017, pour combler des déficits d'image et des carences. Nous vivons une pénurie de mains-d'oeuvre, sur fond de chômage. Nous manquons de développeurs dans le mobile par exemple. Nos équipements sont également insuffisants. Pour le tourisme notamment, il faudrait des connexions wifi dans le métro et les TGV. La compétition entre les grandes villes est forte dans le monde.

France Digitale, qui regroupe entrepreneurs et investisseurs du numérique, a tenu à Paris son événement annuel le 15 septembre, le France Digital Day. Un bilan ?

Cette édition 2015 était plus européenne, avec la participation d'entreprises qui sont d'énormes succès : l'allemand Zalando, le néerlandais Ayden, le britannique Citymapper. L'étude que nous avons publiée à cette occasion, avec le cabinet EY, montre la dynamique de la France : les start-up ont un chiffre d'affaires en forte progression, surtout grâce à l'international, et créent de l'emploi. Cette enquête ne pose pas de question au niveau de la rentabilité. Lorsqu'on cherche à trop optimiser, on ne grandit pas assez vite, ce qui éloigne le point d'équilibre. La course à la taille est primordiale, les profits viennent après.

C'est d'ailleurs un message que vous adressez aux start-up, en les invitant à s'internationaliser plus vite que PriceMinister…

Tout à fait. Je suis admiratif d'entreprises comme les français BlaBlaCar et Criteo, qui ont su très rapidement s'exporter. Les start-up doivent raisonner au niveau mondial dès leur démarrage, y compris dans le tourisme. Les américains Airbnb et Uber rencontrent d'ailleurs un beau succès en France. Les sociétés restant à l'échelle nationale risquent d'être prises de vitesse par des concurrents, qui auront développé leur stratégie à l'international.

En plus de l'international, quel autre conseil aimeriez-vous adresser aux start-up ?

Faire preuve de sérendipité : cette faculté de découvrir, par hasard, ce que l'on ne cherchait pas. Je me lance, et je peux ensuite faire toute autre chose. C'est en quelque sorte l'art de se laisser surprendre, et le contraire de la procrastination.

Quel est le défaut de nos jeunes pousses françaises ?

Leur point négatif, c'est leur faible féminisation. 91 % de leurs dirigeants sont des hommes.

Revenons à PriceMinister. Son rachat a commencé par un e-mail. Pouvez-vous raconter cette anecdote ?

Oui, un opérateur du service après-vente a reçu un e-mail du groupe Rakuten, qui expliquait vouloir nous rencontrer à l'occasion d'un voyage d'affaires en Europe. Rakuten n'est pas beaucoup connu aujourd'hui, il ne l'était pas du tout à l'époque. Mais l'e-mail a bien été transmis, à Pierre Kosciusko-Morizet, et la transaction a eu lieu.

Comment interprétez-vous le récent rachat de RueduCommerce par Carrefour ?

Le groupe Carrefour n'est pas à la hauteur en e-commerce, même s'il progresse et investit dans le digital. Le rachat de Rueducommerce devrait l'aider à rattraper son retard par rapport à l'américain Walmart ou au britannique Tesco, qui ont pris plus tôt le virage Internet. La convergence entre les centres commerciaux et un site web est un projet intéressant.

La bulle Internet a explosé au moment du lancement de PriceMinister. Pensez-vous que nous puissions assister

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