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Le voyage doit s’adapter

Le marché : Les agences spécialisées et les associations dominent le marché des voyages pour les personnes handicapées.La loi : La France veut rendre les transports publics et tous les établissements recevant du public accessibles d’ici à 2015. Incluant les agences de voyages. L’évolution : Les agences doivent s’ouvrir aux demandes spécifiques, et proposer des voyages adaptés. Communication, information et formation sont les points clés.

Marie-Odile Vincent connaît la question du tourisme associé au handicap. Voyageuse au long cours, tétraplégique, elle est consultante voyages accessibles pour Comptoir, marque du groupe Voyageurs du Monde. « Quand je voyage, je perds 90 % de mon autonomie, d’autant que je n’ai aucune force dans les bras, raconte-t-elle. Partir en individuel, c’est un beau défi sur le chemin de l’autonomie. À chaque fois, j’ai l’impression d’être un sportif de haut niveau. » Il y a souvent un dépassement de soi dans la motivation de départ. Pourtant, plusieurs obstacles sont à surmonter pour le voyageur, quel que soit son handicap (moteur, auditif, visuel, mental), comme pour l’organisateur : réglementaire, logistique, psychologique. Marie-Odile Vincent se présente comme une « accompagnatrice », qui choisit les produits et forme les équipes de Comptoir. Dès la genèse du projet, il était hors de question d’ouvrir un Comptoir dédié à la clientèle handicapée. « Nous refusions de créer un ghetto dans l’entreprise, même si c’eut été plus simple par certains aspects. » En général, les clients handicapés rêvent au contraire d’insertion, notamment par le voyage. Pour autant que le handicap ne requiert pas un encadrement lourd, ils souhaitent dormir dans des hôtels classiques, et participer aux activités à leur rythme.

Une réglementation contraignante

Jorge Gomes est président du Snav Centre et DG de Go Tours, une agence classique qui a développé la marque Akhor Voyages pour organiser des voyages destinés aux handicapés mentaux. Principalement en France, mais aussi à l’étranger. Pour ses clients, il est vital de bien encadrer le séjour, avec du personnel spécialisé et renforcé. « Nous devons gérer avec attention des problèmes d’encadrement, de distribution de médicaments, de fugue. Le moindre souci peut être lourd de conséquences. » Mais sa motivation reste indéfectible. « Humainement, c’est extraordinaire. Les personnes sont très attachantes, respectueuses des autres, et reconnaissantes. » Un point de vue que partage Alain Desains, DG de Nouveaux Continents, spécialiste de l’Égypte, un des rares TO à avoir développé une offre de « Séjours et croisières adaptés » pour les individuels handicapés. Le TO les prend en charge avec les moyens du bord, sur l’un des 3 bateaux dont il est propriétaire sur le Nil, ou bien les oriente vers le seul navire disposant d’installations adaptées (et oeuvrant pour le marché américain) navigant sur le fleuve. « Chaque dossier est un cas particulier, et nous jouons parfois avec le feu. Nous faisons signer une décharge à nos clients en sachant que nous prenons des risques, car avec eux tout est plus compliqué qu’avec une personne valide. »

La loi s’est d’ailleurs un peu corsée, en tout cas pour les groupes, avec le décret du 29 décembre 2005. Désormais, tout organisateur de vacances de 6 jours au minimum, pour des groupes constitués de plus de 3 personnes handicapées majeures, doit solliciter un agrément préfectoral « Vacances adaptées organisées ». L’agrément est délivré pour 3 ans. Nouvelles Evasions s’est vu retirer le sien, fin 2008, principalement pour des considérations matérielles « orientées et largement exagérées », indique le site Internet de l’agence. Son patron, Guy Ducotey reste le président de la commission technique Voyage et Handicap du Snav, créée pour traiter les questions relatives à la… législation. Si elle a le mérite d’exister, cette commission s’est réunie une seule fois, le 19 février 2008. Pourtant, il y a beaucoup à faire pour aider les professionnels à faciliter l’accès aux voyages. D’autant qu’avec la loi du 11 février 2005, la France s’est fixé un objectif ambitieux : rendre les établissements recevant du public et les transports publics accessibles d’ici à 2015. Incluant les agences de voyages, naturellement. Au-delà des aspects matériels (accès en fauteuils roulants), les mentalités doivent évoluer, pour savoir écouter, poser les bonnes questions, sans aucune gêne, établir une relation de confiance.

Oriane, agent de voyages d’Aquarev, semble prête ! « Nous faisons partir le 20 juin des handicapés moteur avec d’autres plongeurs en Égypte. Dans la semaine, 10 plongées sont prévues », s’enthousiasme-t-elle. Ce qui passe par une bonne maîtrise du terrain. Pour les accueillir dans des conditions satisfaisantes, « il faut multiplier les repérages et bien connaître les hôtels », explique Dominique Dupuis, qui a créé en 1986 Access Tourisme Service, certainement l’agence de référence pour les voyages adaptés. Pour Marie-Odile Vincent, tous les détails comptent : « Dans les pays anglo-saxons, les moquettes dans les chambres empêchent souvent les fauteuils roulants de tourner ! » La sélection des hébergements doit être rigoureuse, en fonction du handicap. « Nous choisissons les hôtels selon nos critères, en matière de sécurité notamment, sans tenir compte du label français Tourisme et Handicap, souligne Jorge Gomes. Nous avons déjà fait séjourner des groupes dans des clubs Lookea ou Marmara. » Fram propose de son côté une dizaine de Framissima équipés pour l’accueil des personnes à mobilité réduite. Reste que certains professionnels manquent parfois d’hospitalité : « Des gestionnaires d’hôtels et de campings nous disent Non, quand nous précisons qu’il s’agit d’un groupe de handicapés mentaux », témoigne Jorge Gomes. Une intolérance qui n’est évidemment pas légale. Paradoxe ou non, à l’étranger les traditions d’accueil compensent souvent les carences logistiques. « Quand on part en Afrique, là où les gens vivent dehors, c’est plus facile », se réjouit Marie-Odile Vincent. « Nous avons fabriqué des rampes en bois ou installé, avec l’aide de la population locale, des nattes de palmiers sur une plage de Mombassa pour faire rouler des fauteuils. » Quand bonne volonté et imagination sont là, la logistique suit.

DES STRUCTURES SPÉCIALISÉES

N’empêche, voyage et handicap sont souvent difficiles à marier. Et fréquemment, ce sont des structures spécialisées qui relèvent le défi. «Les associations trustent le marché», estime Ludovic Rey-Robert. Ce triple médaillé paralympique avait créé en 2000 VitavieTravel, pour satisfaire une clientèle handicapée, senior ou malade. Mais il a dû mettre la clé sous la porte en 2008. « Une réservation nous demandait 3 à 4 jours, quand elle est bouclée en 10 minutes dans une agence classique. Le modèle économique n’est pas viable ! » Autre problème : les avions ne peuvent pas embarquer un nombre important de personnes à mobilité réduite, pour des raisons de sécurité, ce qui l’a obligé à renoncer à des groupes. Si c’était à refaire, Ludovic Rey-Robert achèterait un autobus adapté…

TRANSPORTS : DES EFFORTS DISPARATES

La question de l’acheminement est essentielle. L’obligation légale d’ici 2015 de transporter au mieux les personnes handicapées oblige les opérateurs ferroviaires, terrestres et aériens à revoir l’accessibilité de leurs offres. Ainsi, dans le cadre du schéma directeur de l’accessibilité défini en 2006, la SNCF s’est proposée de doter plus de 800 gares d’équipements spécifiques facilitant l’accès des handicapés à des trains qui seront réaménagés. Le projet, en test à la gare de l’Est, prévoit ascenseurs spéciaux, écrans lumineux pour les malvoyants, boutons d’appels à l’entrée des gares pour la prise en charge, tracés au sol… La maquette grandeur nature d’une rame indifférenciée prévoit des barres d’appui, des WC universels, de sièges plus grands ou adaptables, des inscriptions en braille, une allée centrale et des portes élargies pour permettre le passage des fauteuils roulants. Ensuite, la SNCF compte rénover 350 rames de TGV d’ici 2015 avec trois places pour les clients en fauteuil roulant, contre une seul actuellement, mais « avec une offre équivalant à 10 % des sièges pour les autres clients handicapés », promet Didier Devens, délégué accessibilité à la SNCF. Le problème restera posé pour les groupes : « Au-delà de 6 personnes il est difficile de répondre, car nos sièges ne sont pas modulables », reconnaît le responsable. Cet écueil incite les groupes de handicapés à préférer le transport routier. « La SNCF est incapable de faire face au problème sans nous », remarque Thierry Schidler, coprésident de la commission tourisme FNTV-SNET : « L’autocar est le moyen le plus flexible et le plus disponible sur ce marché », souligne-t-il. « J’ai dans mon parc, un véhicule adapté au transport de ces personnes, que sous-traite la SNCF. Mais j’ai aussi acheté un autocar de tourisme dans lequel on peut libérer douze places pour des fauteuils roulants, sans que le car ait l’air d’une ambulance ». La mixité est en effet au coeur de l’esprit de la loi de 2005.

Les compagnies aériennes n’ont, quant à elle, plus la même pression que la SNCF depuis l’an dernier. Conformément à une directive européenne, c’est aux aéroports européens qu’incombe la prise en charge des personnes à mobilité réduite. Du coup, ADP a pris de l’avance sur l’échéance de 2015. « Nous sommes déjà prêts à 80 % ». Depuis juillet dernier, les plates-formes parisiennes sont équipées de bornes multi-handicaps, de 11 comptoirs surbaissés, de prestataires de services spécifiques, salles d’attente, signalétique au sol, amplificateur de son, fauteuils adaptés… Plus de 400 employés sont en formation au dialogue avec les handicapés, y compris les malentendants.

Les chantiers entrepris, nécessaires pour rattraper le retard, ont un coût. Les opérateurs prennent sur leurs ressources mais comptent sur l’aide des sociétés d’exploitation des infrastructures, voire les collectivités locales. Pour son autocar modulable Thierry Schidler a dû signer un chèque avec un supplément de près de 10 %. « Ce marché n’est pour le moment pas rentable car les handicapés ne sont pas aussi mobiles qu’en Belgique ou en Allemagne. La cible est vraiment étroite. » Avec le vieillissement de la population, la SNCF pense au contraire qu’un tiers de ses passagers aura à terme des problèmes pour se déplacer suite à une altération mineure (baisse de la vue, locomotion difficile, déficience auditive, etc.). En 2008, elle a eu plus de 500 000 demandes de prise en charge, dont un tiers reçu par son call center Accès +. Ces chiffres justifient l’investissement que la société ferroviaire est prête à consentir, même si la loi ne l’oblige pas à équiper toutes les gares. « De toutes les façons, même si la législation

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