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Voyageurs du Monde : « Face au réchauffement climatique, notre industrie est en danger »

Taxe « planète » ou loi de compensation CO2 imposée à tous les voyagistes : Jean-François Rial milite pour des solutions radicales. Avant que notre industrie ne soit montrée du doigt.

L’Echo touristique : Etre écologiste et entrepreneur, c’est compliqué, non ?

Jean-François Rial : Entrepreneur et écologiste, c’est plus facile. Voyagiste et écologiste, c’est plus compliqué. Certes, l’aérien ne pèse aujourd’hui que 3% des émissions de CO2 – ce qui est déjà colossal par habitant. Mais il pèsera dans les années à venir 7% puis 15%, avec l’augmentation très forte du trafic aérien. Si nous voulons respecter les engagements du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, NDLR), qui consistent à diviser par deux les émissions de CO2 d’ici 2030 par rapport à 2010, deux visions s’affrontent. Soit on considère comme moi que le voyage a une utilité économique et sociale, alors on doit tout faire pour réaliser des économies de CO2 à trafic constant, et pour le reste on absorbe. Soit on pense le contraire, et on considère qu’il ne faut plus voyager en avion.

Vous parlez d’absorption, et non plus de compensation ? Comment le faîtes-vous ?

La compensation sous-entend à tort qu’on achète pour se donner bonne conscience. Chez Voyageurs du Monde, nous absorbons à 100% nos voyages et ceux de nos collaborateurs. Nous envisageons de mettre en place aussi la compensation volontaire (des clients, NDLR). Nous ne serions plus à 100%, mais à 120% ou 130%. Et puis il y des choses qu’on ne peut plus faire. Il faut assumer de dire à nos clients que le TGV ou le train est préférable pour les voyages en France. Il faut leur dire qu’un voyage long-courrier, pour moins de 5 nuits, n’a pas de sens. Je sais que je vais être mal vu en disant cela.

Pourtant, les congrès de notre industrie sont parfois en long-courrier, sur moins de 5 nuits. Donc, nous donnons un mauvais exemple ?

Je pense que, ces congrès, ce n’est plus possible. Je pense que notre industrie est en danger, si elle ne prend pas conscience qu’elle peut être pointée du doigt. Suite à une de mes réactions sur Twitter, je me suis fait fracasser comme jamais : on m’a dit ‘Qui est ce con qui se prend pour un écologiste alors qu’il fait voyager des personnes dans le monde entier’. L’opinion publique pointe souvent l’avion, au même titre que la viande. Or utiliser Internet et bien d’autres activités  génèrent des émissions de CO2 qui participent au réchauffement climatique, elles devraient toutes être compensées.

D’où l’idée d’une taxe carbone sur toutes les émissions de CO2 ?

Une taxe, c’est fiscal, cela alimente un budget de l’Etat. Ce que je défends, c’est davantage une contribution « Planète », de l’ordre de 10 euros par tonne, pour absorber totalement le carbone, qui serait un élément du prix de revient. J’irais même jusqu’à 20 euros la tonne pour financer aussi la transition énergétique. Les sommes collectées ne seraient pas gérées par un fonds qui dépend de l’Etat, mais par des pros, qui ont des projets absorbant le carbone. Nous, on investit à une petite échelle avec Danone, Hermès et d’autres sociétés dans le fonds d’investissement Livelihoods Carbon Fund qui participe à la replantation de mangroves en Inde et en Indonésie. On absorbe du carbone à hauteur de 100M€ par an, à 10€ la tonne. Il y a plein de projets d’absorption, notamment 1300 milliards d’arbres à planter, soit l’équivalent de 10 ans d’émissions !

Si la contribution « Planète » voyait le jour, vous abandonneriez votre propre système pour éviter la double compensation ?

Bien évidemment.

Pour vous, ce serait un supplément 5€ pour un voyage en Tunisie, et de 30€ pour un AR sur New York en classe éco. Cette taxe ne risque-t-elle pas de créer une distorsion de concurrence entre les compagnies françaises et les autres ?

Cette argumentation ne tient pas la route deux secondes. L’idéal serait que ce soit mis en place au niveau mondial ou européen, ce qui est peu probable pour l’instant. Si le système est déployé en France seulement, tous les vols au décollage ou à l’atterrissage de la France paieraient cette contribution carbone. Cela ne ferait perdre aucun client à la France. Qui ne va pas prendre l’avion pour 5 ou 10 euros ?

Vous compensez à 100%. Pourquoi les autres TO ne le font-ils pas sous l’égide du Seto ou d’ATR par exemple ?

Parce qu’ils ne veulent pas, parce que cela coûte de l’argent, même si certains voyagistes ont envie de nous suivre. Il pourrait y avoir une loi. Ce n’est même pas une question d’égalité, mais une question de planète ! Il doit y avoir une loi, nous n’aurons pas le choix. J’ai parlé avec Jean-Pierre Mas et René-Marc Chikli (présidents des EdV et du Seto) de cette loi, ils sont d’accord. Maintenant, il faut bosser dessus. Nous sommes pointés du doigt, nous devons donc agir. Nous ne pourrons pas respecter les objectifs du GIEC si on n’absorbe pas, si on ne fait pas d’émissions négatives.

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