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Critères Iata : vers un nouveau tour de vis à l’égard des agences de voyages ?

L’évolution récente du système d’accréditation Iata pour les agences de voyages inquiète les Entreprises du Voyage (EdV). Pourquoi ? Nous avons posé la question à Isabelle Rech-Francis, membre du conseil d’administration des EdV et vice-présidente de l’APJC.

Isabelle Rech-Francis, membre du conseil d’administration des Entreprises du Voyage (EdV) et vice-présidente de l’APJC (Agency Programme Joint Council).

L’Echo touristique : L’accréditation « Go Global » était réservée aux grandes TMC internationales. Iata l’a élargie « en douce » à toutes les entreprises (même nationales) émettant plus de 5 millions de dollars en cash par période, disent certains observateurs. Depuis quand et dans quel cadre ?

Isabelle Rech-Francis : Comme vous le savez, pour émettre des billets d’avion de compagnies aériennes membres de Iata, les agences doivent obtenir l’agrément Iata, et respecter les résolutions Iata. Trois types de contrats d’agrément cohabitent depuis le NewGen ISS : le Go Light, le Go Standard et le Go Global ou multi-countries. Nombre d’agences ont choisi l’accréditation Go Standard, s’appuyant sur trois critères simples. L’accréditation Go Global, optionnelle jusqu’à l’automne 2020, vise plutôt les grandes TMC ou les grands TO, qui veulent éviter d’avoir un contrat par pays. Sauf qu’elle prévoit 70 critères qualitatifs et qualitatifs très complexes. Or Iata est obnubilée par le risque agence, surtout depuis la faillite de Thomas Cook. A l’automne dernier, l’association a décidé d’imposer le Go Global à toute entreprise émettant plus de 5 millions de dollars en cash par période de vente, sur tous les marchés. Alors que les agences et les compagnies traversent la crise, n’y avait-il pas d’autres sujets prioritaires communs ?

Isabelle Rech-Francis, membre du conseil d’administration des Entreprises du Voyage (EdV) et vice-présidente de l’APJC (Agency Programme Joint Council).

Ce seuil de 5 millions de dollars cash correspond à quelles entreprises ?

Isabelle Rech-Francis : Il correspond en France à des entreprises réalisant 100 à 120 millions d’euros de volume cash. L’ajout de ce nouveau seuil est tombé comme une météorite, sans concertation aucune au travers de l’APJC (Agency Programme Joint Council ou Conseil conjoint du programme, NDLR), qui réunit régulièrement Iata, les agences et les compagnies. Nous avons été prévenus en octobre, pour une application le 1er novembre. Le Go Global est l’exemple type d’une décision unilatérale jamais discutée sur le marché.

Aux EdV, nous regrettons une occasion manquée, pendant cette crise : celle de travailler de concert avec Iata et les compagnies aériennes. Nous aurions souhaité un meilleur dialogue, notamment sur le marché français.

Pourquoi ce nouveau seuil vous inquiète-t-il ?

Isabelle Rech-Francis : En France, Iata nous explique que seules sept entreprises sont concernées (par ce changement). Nous avons beau expliquer que les critères de Go Global sont très contraignants et coûteux pour des entreprises de taille moyenne, rien n’y fait. Ce que l’on craint aujourd’hui en tant qu’agence de voyages, c’est que du seuil de 5 millions de dollars, l’association passe à 2 millions d’euros, puis un million. Normalement, l’APJC devrait permettre sur chaque marché de discuter de ce type de sujets. Comme d’habitude, Iata a pris une décision pour tous les marchés, point.

Aux EdV, nous regrettons une occasion manquée, pendant cette crise : celle de travailler de concert avec Iata et les compagnies aériennes.

Peut-on parler de crise de confiance entre les Entreprises du Voyage qui représentent les intérêts des agences et Iata ?

Isabelle Rech-Francis : Ce n’est pas une crise de confiance soudaine. Iata ne s’est jamais concertée avec les agences, même si elle veut le faire croire. C’est faux. L’APJC, ce forum par pays, n’est qu’une présentation de ce qu’elle fait. Iata a toujours agi de la même façon, en émettant des résolutions qui sont à son unique avantage. Toutes les résolutions visent ainsi à réduire le risque agence, considérant que, si une agence fait faillite, les compagnies aériennes ne seront pas payées. Sans voir que le plus gros risque aujourd’hui est ailleurs. Un passager qui prend un billet d’avion n’est pas sûr de se faire rembourser si une compagnie fait faillite… La seule chose qui est discutée, ce sont les critères financiers locaux, qui ont tendance à se durcir.

Vous parliez de sujets prioritaires à partager entre compagnies et agences. J’imagine que vous évoquez souvent le non-remboursement des billets d’avion…

Isabelle Rech-Francis : Nous évoquons le sujet régulièrement, dans et en dehors des conférences. Iata nous dit « ce n’est pas bien » que des compagnies ne respectent pas la législation, et promet de faire des lettres de rappel… Ce qui ne fait ni chaud ni froid aux compagnies. Le non remboursement des billets par les compagnies aériennes concerne environ 150 compagnies aériennes. Mais 83% des litiges sont concentrés sur un noyau de 20 compagnies non‐françaises, dont une grande majorité (72%) sont des compagnies non européennes. La seule chose qui fait bouger les lignes, c’est d’assigner les compagnies en justice, pour les intimer de rembourser.

Irez-vous, au niveau des EdV, jusqu’à assigner certaines compagnies aériennes ?

Isabelle Rech-Francis : Pour l’instant les agences le font, et le font bien. C’est plus logique et facile si le créancier assigne le débiteur. Mais nous n’excluons aucune action – si vraiment rien ne bouge – pour faire valoir les droits de nos clients.

Quels sont les critères qui devraient évoluer d’ici la fin de l’année ? Nous parlons depuis des années d’un éventuel passage à un paiement hebdomadaire, déjà en vigueur dans certains pays.

Isabelle Rech-Francis : J’espère que non. C’est une demande récurrente de Iata et des compagnies. Un paiement hebdomadaire aggraverait le risque de ne pas voler ou de ne pas être remboursé, pour les agences et leurs clients. Plus tôt vous payez, plus grand est le risque. Or les compagnies sont des géants aux pieds d’argile. Le risque est plus important chez elles que chez les agences.

Iata est obnubilée par le risque agence (…). Il est probable que le paiement hebdomadaire revienne sur la table.

Iata a changé unilatéralement le Remittance Holding Capacity (RHC). C’est-à-dire ?

Isabelle Rech-Francis : Ce n’est pas très important aujourd’hui compte tenu du faible volume d’émissions. Mais le RHC peut demain gêner la reprise. Ce plafond d’émissions, calculé sur les émissions précédentes, vient du NewGen ISS en 2017. Iata l’a changé en le réduisant, de manière là encore unilatérale, en introduisant une nouvelle notion de risque. Ce qui revient à réduire le RHC pour beaucoup d’agences, ce qui nous inquiète pour demain. Afin d’augmenter le plafond afin d’accompagner la reprise attendue, il leur faudra soit payer cash soit obtenir de nouvelles garanties financières, ce qui ne sera pas facile dans le contexte actuel…

Quels sont les critères qui devraient changer ?

Isabelle Rech-Francis : Iata souhaite réviser les critères financiers locaux. Il est probable que le paiement hebdomadaire revienne sur la table. Nous demanderons la neutralisation du critère « Net Equity/dettes à long terme » en 2021, que nous avons obtenue de la part de Iata pour 2020. C’est un critère d’endettement qu’aucune agence ne peut respecter aujourd’hui, compte tenu notamment des PGE.

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