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Emilie Dumont (MisterFly) : « L’environnement est un sujet collectif à l’échelle de la vie »

Emilie Dumont a rejoint le duo infernal, Carlos da Silva et Nicolas Brumelot, à la direction de MisterFly. Un peu stressée à l’idée d’affronter cette interview « Les yeux dans les yeux », elle ne se défile pas et joue totalement le jeu. J’ai apprécié…

L’Echo touristique : Emilie Dumont, qui êtes-vous ?

Emilie Dumont : Je savais que la première question est toujours « Qui êtes-vous ? ». J’ai essayé de chercher une réponse à cette question, c’est très difficile. Je suis Emilie, je suis maman et mariée. Je suis très passionnée et curieuse, j’aime comprendre. Je suis quelqu’un de persévérant et qui prend beaucoup de plaisir dans la réalisation. J’aime aussi les projets. Emmener des gens avec moi pour réaliser des choses, c’est ce qui me fait plaisir. En pensant à la question, je me disais que je suis également heureuse. Ça fait partie de ce que je suis, j’ai beaucoup de chance dans la vie. La famille est très importante pour moi. J’ai également trouvé un environnement et un secteur qui me plaisent, dans le tourisme. Je me sens bien chez MisterFly avec Carlos (Da Silva, NDLR) et Nicolas (Brumelot), ainsi que toute l’équipe.

Quel a été votre parcours professionnel pour arriver au tourisme ?

Emilie Dumont : J’ai une formation en finance et stratégie d’entreprise. J’ai travaillé dans plein de secteurs différents plutôt autour de mon métier, la finance, l’organisation, la gestion du changement, la stratégie. Cela m’a permis de voir qu’on peut faire les choses de plein de manières différentes. Ce qui va avec ma curiosité aussi. Puis, quand on m’a présenté Carlos et Nicolas, j’étais dans un secteur qui ne me plaisait pas du tout à l’époque, dans le courtage en assurance. Je me suis dit « chouette, le voyage ça me plaît ! ». Mon choix (de les rejoindre) est aussi lié aux personnalités et valeurs de Carlos et Nicolas et de manière plus large des fondateurs du groupe. A titre personnel, préparer son voyage, y réfléchir c’est toute une partie du projet en tant que tel. Les gens que je rencontre dans cette entreprise aiment fabriquer ce plaisir, sont intéressés par le produit, par les destinations. Ça m’a permis de vite tomber dans la marmite.

Quand je suis arrivée chez MisterFly début 2019, on était en préparation d’une levée de fonds. La société était en hyper croissance, des projets sortaient tout le temps. C’était extrêmement excitant. Je n’avais pas du tout imaginé que le tourisme était un secteur aussi complexe et aussi riche. C’est la première fois dans ma vie professionnelle que je suis tous les jours en train d’apprendre et de découvrir. On a vécu plein de moments difficiles, on sort d’une période ni simple ni drôle, c’est encore parfois très difficile. Mais malgré tout, il y a du plaisir parce qu’il y a de la passion, de la recherche de solutions et de nouvelles idées. 

Vous êtes jeune, dans un métier très masculin, comment vous appréhendez ça ?

Emilie Dumont : J’ai travaillé dans la distribution automobile. J’étais beaucoup plus jeune et j’avais pas mal de responsabilités. A l’époque, je ne m’étais pas posé la question. Donc, je ne me la pose pas non plus aujourd’hui. Je lis beaucoup de choses sur le fait d’être une femme aujourd’hui. Je pense qu’il y a des questions pertinentes sur le sujet des hommes et des femmes dans le management… Dans notre trio – Carlos, Nicolas et moi -, je suis parfois plus sensible, au sens de la perception de signaux qui vont plus m’alerter ou me toucher. Il y a des différences dans le management au masculin ou au féminin, ce qui est intéressant, on n’a pas toujours la même perception. Être jeune ça change quelque chose, avoir l’air jeune aussi, plus que d’être une femme. On n’a pas la même expérience professionnelle à 34 ans qu’a 43 ans. Ça n’est pas une question de sexe, c’est une question de comment au premier regard les gens projettent l’expérience professionnelle qu’on peut avoir.

Le bonheur? Savoir profiter des bons moments.

Le bonheur pour vous c’est quoi ?

Emilie Dumont : C’est de savoir profiter de tous les bons moments. Je ne crois pas trop au bonheur avec un grand B. Les Anglo-saxons disent qu’il faut savoir choisir si la vie est un voyage ou une quête. C’est une philosophie de vie que je trouve très belle. Dans chaque moment, dans chaque journée, y a des bonheurs. Qu’est-ce que c’est ? Mon fils qui a envie de m’embrasser avant de partir le matin, c’est un bonheur. Appuyer sur le bouton pour valider un voyage en famille, c’est un bonheur. Avoir un projet livré, voir les équipes rigoler ou sourire, c’est un bonheur. 

La vie c’est quoi ?

Emilie Dumont : C’est une succession d’événements, d’environnements, de décisions, de pas que l’on fait et puis de choses qui se passent auxquelles on ne peut rien. Globalement j’ai la chance d’avoir été assez gâtée sur les choses auxquelles on ne peut rien. Je ne suis pas née dans un pays en guerre, je n’ai pas de personnes gravement malades dans mes proches. J’ai un travail qui me plaît, je travaille avec des gens bienveillants. Bien sûr, il existe plein de moments où je suis contrariée, où je suis dans la difficulté dans les choix et dans la réalisation. 

Face à l’échec, vous réagissez comment ?

Emilie Dumont : Je n’aime pas trop ça. Quelqu’un m’a dit un jour « tu essaies toujours de négocier l’objectif pour qu’il soit atteignable ». Je crois que c’est assez vrai. Après si on ne met pas la barre haut et qu’on ne saute pas, on ne risque pas de l’attraper. Il faut trouver le bon dosage. Un échec dans la sphère professionnelle, c’est souvent collectif, ça peut être parce qu’on a pris une mauvaise décision. J’essaie de comprendre ce qui nous a amenés à prendre cette décision et comment faire pour ne pas reproduire. Je ne cherche pas à comprendre qui n’a pas bien fait mais qu’est-ce qui n’a pas fonctionner dans ce qu’on a fait. A quel moment on n’a pas réussi à correctement communiquer, à anticiper ce qui allait se passer.

Parfois, on prend de mauvaises décisions. Il faut l’accepter.

Quand on prend beaucoup de décisions, parfois on en prend des mauvaises, il faut l’accepter. Si on craint trop l’échec, on ne prend jamais de décision. Dans la période qu’on vient de traverser, on a été confrontés à des environnements totalement nouveaux, un peu comme si le monde s’était effondré sous nos pieds. Quelque part, ça m’a mis à égalité avec des gens qui connaissent bien le secteur. 

En tant que directrice générale, vous êtes collaborative, directive, ou à l’écoute ? 

Emilie Dumont : Je consulte et j’écoute beaucoup. J’aime bien les processus décisionnels collectifs. Quand le collectif n’arrive pas à prendre une décision, ça ne me dérange pas de la prendre.

Vous êtes quand même dans un domaine principalement aérien. Que pensez-vous de l’avion en général ? De l’avion bashing ?

Emilie Dumont : L’environnement est un sujet collectif à l’échelle de la vie. C’est facile de dire que l’aviation, c’est tant de pourcent d’émission de gaz à effet de serre du monde. Puis on fait la même chose avec la voiture, le chauffage. Globalement, c’est tout et tout le monde ! Bien sûr, c’est plus facile de faire du plane bashing parce que c’est du loisir. C’est plus facile de dire aux gens : faut pas prendre l’avion plutôt que de ne pas se chauffer. Pourtant, si on revenait à un monde dans lequel les gens ne se déplacent pas, on aurait une régression sociétale très importante. Si on ne se déplace plus, qu’on ne se voit plus et qu’on ne voyage plus, on se replie et on revient sur du communautarisme. D’un point de vue social et sociétal, c’est très mauvais comme approche de se dire qu’il n’y a pas besoin de prendre l’avion et de se déplacer. Je ne suis pas du tout d’accord avec ça sur le plan philosophique. Est-ce une excuse pour ne rien faire ? Non. Déjà, chaque pas est bon à faire. Bien sûr qu’on ne va pas passer à 0% d’émissions en aviation rapidement, ni même à la moitié des émissions actuelles, probablement même pas en 10 ans. Ce sont des révolutions industrielles lourdes, c’est vrai pour énormément de domaines. Dans l’automobile, y a eu des subventions énormes des Etats occidentaux pour favoriser la consommation de voitures dites propres. De la même manière, pour l’isolation des bâtiments, la politique publique a été forte. Je pense qu’on ne fera pas la transformation d’un secteur qui est très consommateur comme le nôtre sans qu’il y ait des incitations fortes. Il n’y a pas de magie, les entreprises industrielles ne peuvent pas à elles seules supporter une révolution de cette taille-là. Tout le monde a un rôle. Nous jouons un rôle – qu’aujourd’hui on ne remplit pas mais on va bientôt y remédier – a minima d’information. Les gens ne sont pas prêts à payer pour compenser leurs émissions de CO2. Quand j’étais chez G7, ils avaient historiquement la plus grosse flotte de taxis verts, avant que ça devienne la mode. Quand l’appli a été refaite, on a proposé en B2C un produit qui existait en B2B depuis longtemps : commander un taxi green, pour un euro de plus. Et avec ces euros, on proposait d’alimenter un fonds de compensation d’émissions. Personne ne prenait cette option. C’était y a quelques années, les comportements ont peut-être évolué. En revanche si on propose 2 billets d’avion, l’un est à 5€ de moins avec une correspondance, l’autre 5€ plus cher, pas via et qui émet moins de CO2, le client prendra sans doute le second billet. En tout cas, il est de notre responsabilité de dire qu’à un moment, il n’y a rien sans rien.

Qu’est-ce qui vous attire quand vous décidez de partir en voyage ?

Emilie Dumont : La découverte. Puis la marche, le calme. J’aime beaucoup les déserts.

Si vous aviez quelque chose à refaire, vous le feriez ?

Emilie Dumont : Sûrement. Si je réfléchissais à toutes les choses que je pourrais refaire, il y en aurait plein. J’essaie plutôt de penser à ce que j’ai envie de faire demain qu’à ce que j’aurais pu faire différemment hier. Régulièrement je me dis : « attention, je ne veux pas avoir à regretter de ne pas avoir passé assez de temps avec mes enfants. »

 

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