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EDITO. Ceci n’est pas une crise climatique

Ceci n’est pas une pipe, disait l’artiste surréaliste belge René Magritte. Surréaliste, comme le sont parfois les déclarations de nos hauts dirigeants.

C’est une petite phrase qui a eu le don d’irriter François Gemenne, coauteur du Giec, présent au récent Forum du Seto. « Qui aurait pu prédire la crise climatique ? », avait déclaré Emmanuel Macron dans ses vœux aux Français le 31 décembre 2022. Le chef de l’Etat aurait-il été dans le déni ? « Non, Emmanuel Macron ne découvre pas le réchauffement climatique, » avait d’ailleurs cru bon d’ajouter la ministre de la transition énergétique Agnès Pannier-Runacher.

François Gemenne a raison. Le terme de « crise » est profondément trompeur. Si la crise sanitaire a duré « seulement » deux ans, pour le dérèglement climatique, on va en prendre pour de nombreuses décennies. C’est irréversible et structurel pour le 21e siècle, pas conjoncturel. En témoignent les inondations en Emilie-Romagne ou les incendies géants qui dévorent l’Alberta, au Canada.

Dans un tout autre style, Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique, a le mérite de mettre les pieds dans le plat. Incitant les Français à « sortir du déni », à se préparer à un réchauffement climatique de 4°C. Et les acteurs de l’industrie du voyage en ont de plus en plus conscience, n’en déplaisent à leurs détracteurs. Jamais, avant le covid, le thème du dérèglement climatique n’a été aussi présent aux grands-messes de la profession, comme les congrès du Seto, des Entreprises du Voyage, d’ADN tourisme.

Haro sur les interdictions symboliques

Ce qui ne veut pas dire non plus que le sujet est nouveau pour les opérateurs du secteur. En me replongeant dans les archives de L’Echo touristique, j’ai redécouvert un article de 2008, qui évoque le premier bilan carbone du groupe Voyageurs du Monde (à découvrir dans le prochain trimestriel de L’Echo, publié fin juin). Depuis 1996, sans attendre le Flygskam (« honte de prendre l’avion »), le groupe Air France a de son côté mis en place une direction développement durable.

Dans l’aérien justement, il faudra des mesures réelles pour décarboner. Pas des interdictions symboliques comme la suppression de vols intérieurs courts en France*, dont le ministre délégué aux Transports Clément Beaune se gargarise, tout comme Emmanuel Macron dans un tweet (ci-dessous). Même l’ONG Transport & Environment reconnaît que cette mesure « n’aura malheureusement que très peu d’impact sur les émissions ». Il y a tellement d’exceptions à cette suppression que des vols comme Lyon-Marseille, CDG-Rennes et CDG-Lyon demeurent maintenus… Et les trois seules lignes sucrées par le récent décret – Orly-Nantes, Orly-Lyon et Orly-Bordeaux – le sont déjà dans les faits depuis 2020. La loi entérine l’existant. Pas de quoi fanfaronner donc.

Connaissez-vous l’émission « Maman j’ai arrêté l’avion » ?

L’aérien**, devenu le totem des écologistes radicaux, mais pas que. Connaissez-vous l’émission « Maman j’ai arrêté l’avion » présentée par Daphné Roulier ? C’est une nouvelle programmation de LCP, sur la transition écologique, dont l’intitulé en dit très long. Et dans les airs, justement, les défis sont plus gros que des A380. Le patron de la compagnie aérienne Qatar, lui, n’est pas dans le déni et déclare qu’il ne croit pas à la neutralité carbone de l’aviation en 2050. Au vu de l’absence de rupture technologique dans ce domaine, c’est plutôt réaliste.

La filière durable, nous l’attendons toujours. Clément Beaune avait promis, en décembre, la production du premier avion bas carbone d’ici 2030 lors d’un déplacement sur le site d’Airbus. Où en est ce projet ? Mystère. Elisabeth Borne n’en a dit mot cette semaine, quand elle a présenté le plan de décarbonation de la France. Dommage. Comme l’explique l’aventurier Nicolas Vanier, « on parle trop souvent des problèmes, pas assez des solutions ». Il faut donner des exemples pour à nouveau rendre ce monde « désirable », notamment auprès des jeunes.

Linda Lainé, rédactrice en chef

@Linda_Laine

 

*En cas d’alternative en train de moins de 2h30. Pour l’aéroport Roissy-CDG, c’est la gare à grande vitesse desservant l’aéroport qui est prise en compte, et non les gares de Paris intra-muros.

**L’aérien représente environ 3% des gaz à effet de serre.

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