Vols annulés : les pros du voyage menacent d’actions en référé contre les compagnies
Distributeurs et producteurs sont exaspérés par « l’épidémie » d’annulations de vols qui polluent leur quotidien et celui de leurs clients.
Pour qualifier la pagaille de l’été 2022, Olivier Kervella a parlé d’une « annulationite aigüe », lors d’une table ronde organisée au congrès de Selectour se déroulant à Athènes jusqu’au 27 novembre 2022. Soit une « épidémie » d’annulations. Parfois, tour-opérateurs et agences ont dû composer avec des annulations à quelques jours du départ, voire la veille.
« C’est la double peine pour les TO puisque beaucoup de low-cost ne remboursent pas, explique Olivier Kervella. Parce que nous sommes contraints par la directive européenne sur les voyages à forfait, nous devons rembourser intégralement. Il y a un vrai trou dans raquette, c’est extrêmement pénalisant. »
Ce problème n’est pas nouveau, mais il a pris de l’ampleur avec la reprise du secteur du voyage. « Les compagnies ont commencé à annuler des vols pendant le Covid, et ont constaté que personne ne râlait… Donc, elles continuent en avant-saison et en arrière -saison, quand les taux de remplissage ne sont pas bons. J’ai l’impression que cela fait partie de leur business model. » Le Syndicat des entreprises du tour-operating (Seto) fait le même constat, et pointe du doigt 5 ou 6 compagnies, toutes étrangères, pour certaines européennes, mais pas forcément low cost.
« Maintenant, je refuse de vendre Volotea »
C’est un vrai casse-tête pour les voyagistes, qui s’engagent sur des hôtels et des circuits, et sont avec les agences en première ligne face aux clients mécontents. Karavel/Promovacances se souvient d’un « tusnami » l’été dernier, quand il a fallu gérer 800 annulations, la plupart à J-24. « On a tout fait pour limiter la casse », a expliqué Alain de Mendonça, président du groupe Karavel et de Fram. « Aujourd’hui, la plupart des TO travaillent en flexi, sans engagement », rappelle-t-il. Or les compagnies à bas coûts, sur lesquelles ils prennent des sièges, ont pour modèle « de vendre en direct aux clients », rappelle Alain de Mendonça. Et donc, s’abstiennent de prêter assistance par téléphone aux professionnels du secteur. Aux TO et agences le soin de se débrouiller, alors que les clients s’impatientent de partir en vacances.
Face à de telles difficultés, les pros se rebiffent, petit à petit. « Maintenant, je refuse de vendre Volotea », a indiqué en plénière Laurence Rannou, une conseillère au sein de Selectour Alazura Voyages. Ce qui a motivé des applaudissements des congressistes réunis dans le cadre du congrès de Selectour.
Activer des référés
Très remonté contre des transporteurs étrangers sur le sujet des annulations, Laurent Abitbol, président de Selectour et de Marietton, a décidé de taper du poing sur la table. Si un vol est annulé le jour du départ, ce grand patron de TO et d’agences compte demander en référé le remboursement du double des billets d’avion. Une demande de référé serait d’ailleurs en cours, sous son impulsion.
« Désormais, la plaisanterie est terminée, s’énerve Laurent Abitbol. Si les compagnies ne remboursent pas, nous ferons des référés. C’est la justice qui décidera pour faire respecter la loi. Et j’espère qu’elle ira jusqu’à bloquer des avions si nécessaire. Le Seto sera avec nous. »
« Les TO et le Seto sont prêts à assigner les compagnies aériennes, dans les prochains mois, pour demander le remboursement des vols annulés et des frais annexes », abonde René-Marc Chikli, président du Seto.
Bloquer des avions ?
Si le problème des vols supprimés sans grand préavis s’est calmé avec l’automne, la profession prépare l’avenir. « C’est une forme de carton jaune, d’avertissement, que nous voulons adresser aux compagnies pour qu’elles ne recommencent pas l’été 2023, ajoute René-Marc Chikli. Il faut mener des actions collectives dans la profession, comme nous l’avons fait pour les passeports biométriques. Nous pourrions aller jusqu’à faire bloquer des avions, en tout dernier recours. »
Début juillet 2022, le Seto a écrit au sujet de cette pagaille aérienne à la Première ministre, mais ce courrier est resté lettre morte, regrette René-Marc Chikli. Le patron des voyagistes français rappelle aussi qu’aux Etats-Unis, six compagnies ont été contraintes par les autorités américaines de rembourser plus de 600 millions de dollars à des centaines de milliers de passagers pour des vols annulés ou modifiés. Pour avoir traîné des pieds, Frontier, Air India, TAP Portugal, Aeromexico, El Al et Avianca ont été parallèlement soumises à des amendes pour un montant total de 7,25 millions de dollars.
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