Univairmer : un garant financier peut-il refuser de prendre en charge les clients des CSE ?
C’est un pavé dans la mare d’Univaimer. Selon nos informations, Groupama, garant financier du réseau en redressement, refuse de prendre en charge les clients des CSE. A tort ou à raison ? Pour répondre à cette question, L’Echo touristique a interrogé l’avocate Emmanuelle Llop et l’APST, garant référent du secteur.
« Groupama nous aide beaucoup, depuis le début, comme garant financier », tient à préciser en préambule un cadre d’Univairmer. Notre garant financier fait partir les clients », via Tess, les prend en charge, voire les rembourse quand des fournisseurs ont annulé des prestations.
Plusieurs millions d’euros en jeu
Mais cette prise en charge exclut une partie très importante des clients, regrette-t-il.
« Nous avons un problème avec les groupes. Groupama ne fait pas partir les clients des CSE et ne les rembourse pas. Or des CSE ont déjà payé tout ou partie des voyages. »
Pour le cadre d’Univairmer, plusieurs millions d’euros sont en jeu, sur les 10 à 12 millions d’euros que devrait représenter le sinistre Groupama. L’un des CSE, d’un grand groupe français, pèse pour 2,5 millions d’euros de voyages à lui seul. L’autre, 2 millions d’euros.
« Groupama nous a confirmé par écrit qu’il ne prendrait en charge aucun CSE, poursuit-il. Notre garant invoque plusieurs jurisprudences, plus ou moins récentes. C’est infondé. Une telle posture représente une remise en cause totale de la garantie financière et un pavé dans la marre pour les groupistes. Imaginez les groupistes garantis par Groupama, qui ne rembourse pas les clients en cas de défaillance ? »
Une jurisprudence de 2020
Alors, un CSE peut-il être considéré comme un professionnel du tourisme, comme le titrait HappyCSE ?
« La garantie financière, spécialement affectée au remboursement en principal des fonds reçus par l’opérateur de voyages au titre des engagements qu’il a contractés à l’égard de sa clientèle, ne bénéficie qu’aux consommateurs finaux, de sorte qu’un comité d’entreprise qui intervient en qualité d’organisateur ou de revendeur de voyages, et non en seule qualité de mandataire des salariés auprès d’une agence de voyages, ne peut en bénéficier », explique ainsi la cour de cassation, dans une décision de 2020 relayée par HappyCSE.
Précision importante : cette décision, impliquant l’APST qui a ainsi obtenu gain de cause, s’appuie sur le code du tourisme, dans sa rédaction issue du décret n° 2010-1223 du 11 octobre 2010.
Or « la directive européenne a entraîné l’adoption du nouveau texte le 1er juillet 2018, qui définit plus précisément ce qu’est un voyageur, déclare à L’Echo touristique Emmanuelle Llop, présidente d’Equinoxe Avocats. Quand un CSE est intermédiaire transparent, la garantie joue bien pour les voyageurs. L’intermédiaire transparent est celui qui représente les voyageurs à titre gracieux, sans rémunération, donc sans marger sur les voyages vendus par l’agence. »
Un code du tourisme qui manque de clarté
Univairmer est formel : ses CSE clients ne prennent pas de marge sur les ventes. Et ils n’étaient pas immatriculés lors de la réservation des séjours. Souvent, d’ailleurs, les CE et CSE abondent au budget vacances des participants, à hauteur de 50% au minimum.
Un observateur du marché, expert en garantie financière, se montre plus nuancé. « Ce n’est pas juste une question d’intermédiaire transparent ou pas. Quand les voyages représentent une activité majeure pour un CSE, qu’il est lui-même immatriculé auprès d’Atout France, alors la question de l’absence de marge me paraît secondaire. »
Et cet observateur d’ajouter : « Le code du tourisme n’est pas clair, sa formulation est sujette à différentes interprétations. »
Un CSE immatriculé « endosse toutes les responsabilités » d’un professionnel
Un CSE qui ne marge pas, et qui est immatriculé Atout France, doit-il être pris en charge par le garant d’une agence en cessation de paiement ? Réponse d’Emmanuelle Llop : dans ce cas, « peu importe que le CSE se rémunère ou non, il est un opérateur touristique qui endosse toutes les responsabilités et obligations d’un professionnel. Si un de ses fournisseurs est en défaillance alors que lui-même ne l’est pas, le garant du fournisseur ne prendra pas en charge les voyageurs. Ce sera au CSE de trouver une solution pour pallier la défaillance de son fournisseur, exactement comme le font les agences en cas de faillite du TO ».
Emmanuel Toromanof, secrétaire général de l’APST qui est le principal garant de la profession, enfonce le clou. « Un CSE immatriculé n’est pas bénéficiaire de la garantie financière, indique-t-il. C’est un professionnel du voyage, alors que la garantie financière protège uniquement le client final. »