Le groupe Accor

Le recentrage d’Accor sur l’hôtellerie et les services se concrétise. Lors de son arrivée à la direction du groupe, en janvier, Gilles Pélisson avait affirmé sa volonté de céder les participations du groupe dans des sociétés de tourisme, considérées comme non stratégiques. Lors de la présentation des résultats semestriels, le 6 septembre, il a confirmé la mise en oeuvre du processus de vente de Go Voyages (qui aboutira début 2007) et d’une filiale de restauration italienne. En avril, Accor avait déjà cédé les 50 % détenus dans Carlson Wagonlit Travel, et revendu en juin la majeure partie de ses actions Club Méditerranée. La cession de ces participations devrait se poursuivre, pour un montant de 500 ME, en plus des 600 ME déjà engrangés. La vente du restaurateur de luxe Lenôtre et le désengagement des casinos Barrière ne sont cependant pas à l’ordre du jour.

Le groupe hôtelier a désormais les mains libres pour se concentrer sur son coeur de métier, le management et le marketing hôtelier. Accor entend affirmer son leadership dans l’hôtellerie économique et moyenne gamme. Il lancera en 2007 une nouvelle marque 2b, d’abord en France puis en Europe. Non standardisée, elle sera proposée en franchise à des hôtels existants. Elle se veut complémentaire à l’enseigne Ibis, comme Mercure avec Novotel. Nous avons déjà beaucoup d’Ibis dans certaines villes, qui se font concurrence. Il fallait donc développer un concept différent. Les trois quarts des hôtels 2b en France sont indépendants ou membres de chaînes volontaires. Il y a donc un créneau pour les chaînes intégrées, sur ce segment, explique Gilles Pélisson. Accor espère ouvrir 10 000 chambres sous cette enseigne d’ici 2010. Dans le segment 2b, il faut au moins 1 200 nouvelles chambres par an pour ne pas perdre de parts de marché, précise Yann Caillère, DG hôtellerie pour l’Europe du Sud, le Moyen-Orient et l’Afrique.

Les pays émergents ont la cote

Les enseignes Formule 1, Ibis et Novotel seront pour leur part relancées, avec la création de nouvelles chambres plus modernes et design, comme Novation déjà mise en place dans de nombreux Novotel, et Coquelicot pour Ibis. Elles seront soutenues par d’importantes campagnes publicitaires.

La marque haut de gamme Sofitel, qui représente une part minime du groupe en chiffre d’affaires mais joue un rôle important dans sa notoriété internationale, sera affinée en 2007, et segmentée. Les Sofitel souffrent d’un déficit d’image, en raison de leur qualité inégale. Une dizaine d’établissements, comme le Old Cataract à Assouan, le palais Jamai à Fès ou le Winter Palace à Louxor, seront regroupés sous une enseigne très haut de gamme. Environ 120 unités constitueront le coeur du réseau. Enfin, les 50 Sofitel d’entrée de gamme, comme le Sofitel Porte de Sèvres, seront réunis sous une troisième bannière. Sofitel ne perdra pas pour autant en lisibilité. Les grands voyageurs font la différence entre un Park Hyatt, un Grand Hyatt ou un Hyatt Prestige, rassure Gilles Pélisson.

Parallèlement à ce repositionnement, Accor entend poursuivre son développement avec un objectif de 200 000 chambres supplémentaires d’ici cinq ans, dont les deux tiers dans les pays émergents, en particulier au Brésil, en Russie, en Inde et en Chine (100 hôtels Ibis pour ce dernier d’ici 2010). Au total, cette forte croissance du parc représente un investissement de 2,5 milliards d’E. La majorité des ouvertures se fera dans le segment économique (51 %) et milieu de gamme (34 %), avec un modèle de gestion privilégiant les locations à loyer variable, ainsi que les contrats de franchises. Le haut de gamme sera plus intégré, avec des contrats de gestion. En revanche, les contrats de filiale, pour lesquels Accor est propriétaire des murs, ne font plus partie des priorités. Le groupe Accor poursuit en effet son programme de cession immobilière et a annoncé la vente des murs de 535 hôtels d’ici 2008.

Une stratégie multicanal

Reste à savoir comment la politique de distribution d’Accor évoluera, en particulier vis-à-vis des agences de voyages. Le groupe favorise une stratégie multicanal, en essayant de maintenir des prix identiques via tous les canaux. Gilles Pélisson se fixe l’objectif de gagner 2 à 3 points de taux d’occupation, en reconquérant la clientèle individuelle affaires et loisirs, notamment le week-end. C’est précisément le type de clientèle qui a migré sur Internet. L’hôtelier, qui ne pourra bientôt plus s’appuyer sur Go Voyages, mettra donc plus que jamais l’accent sur sa centrale de réservation en ligne. Le site accorhotels.com vient d’être refondu et un nouveau directeur marketing et Internet, Paulo Salvador, a été nommé.

Mais Accor veut s’ouvrir aussi aux agences en ligne, comme le confirme le récent partenariat signé entre Sofitel et Expédia. Nombre d’hôtels, de l’enseigne Ibis à Sofitel, étaient certes déjà accessibles via les GDS. Ce partenariat incitera toutefois l’agence en ligne à mettre en avant la marque Sofitel. Un premier pas qui pourrait s’étendre aux 2 et 3b. Quant aux enseignes économiques (Formule 1 et Etap Hotel), elles restent exclues des GDS car les coûts de distribution sont trop élevés par rapport au prix de la chambre. Mais Accor devrait mettre en oeuvre une politique volontariste pour éviter que les franchisés, très sollicités par de nombreuses centrales de réservation sur Internet, ne distribuent leurs chambres sur divers sites à n’importe quel prix.

En attendant, le groupe a satisfait aux exigences des actionnaires et des agences de notation boursière. Pour le premier semestre 2006, il a annoncé un chiffre d’affaires de 3,69 milliards d’E (+8,4 %) et un résultat avant impôt de 282 ME (+ 36,7 %). Sa stratégie a également été bien perçue. Le cours de Bourse a gagné près de 4 % en cinq jours.