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« La marque Vacances Fabuleuses va disparaître » – Emmanuel Foiry (Kuoni)

Emmanuel Foiry, le patron de Travel Lab (Kuoni France), partage un premier bilan de l’année 2024 ainsi que sa feuille de route cet hiver.

L’Echo touristique : Travel Lab a enregistré de très bons résultats en 2023. 2024 s’inscrira-t-elle dans la même tendance ?

Emmanuel Foiry : 2024 a commencé sur les chapeaux de roue, avec près de 30% de prises de commandes enregistrées avant même le début de l’année civile. Nous étions donc confiants, et assis sur une belle avance. Au fur et à mesure des semaines, nous avons vu fondre cette avance. Après un printemps moyen, et compte tenu de la fin de l’exercice en cours (clos au 31 décembre, NDLR), nous pouvons dire que, finalement, nous réaliserons le même chiffre d’affaires que l’année dernière. C’est-à-dire entre 140 et 150 millions d’euros. Nous serons en légère croissance, mais ce n’est pas significatif.

C’est une déception ?

Emmanuel Foiry : Etant donné que l’année 2023, pendant laquelle nous avions retrouvé le niveau d’activité de 2019, était bonne, 2024 sera une bonne année. Notre résultat sera d’ailleurs positif, comme l’année dernière. Mais dans une moindre mesure. Je suis heureux à l’issue de l’exercice, alors que j’aurais pu être hyper heureux. Le marché s’est comporté de telle façon qu’il n’était pas possible de faire beaucoup mieux cette année.

Comment expliquez-vous cette timidité du marché ?

Emmanuel Foiry : Il y a encore un effet prix qui est indéniable, même s’il se réduit par rapport aux deux dernières années. Les prix des voyages augmentent, on le constate de façon globale puisque nous réalisons le même chiffre d’affaires… avec moins de clients. On pourrait croire que c’est satisfaisant, puisque faire autant avec moins de dossiers sous-entend qu’on a eu moins de travail. Mais la vraie force commerciale d’une entreprise, c’est d’attirer toujours plus de clients. Je pense donc que l’inflation reste un ralentisseur fort pour le marché des voyages.

Le contexte français et international n’a pas dû favoriser les envies de départ…

Emmanuel Foiry : Depuis plusieurs mois, le climat est électrique, en France comme à l’international. Et nous connaissons ce marché : l’envie de partir repose sur le moral des ménages. Donc il faut que les ménages aient le moral. La situation économique, la crise politique et la perspective de déclassement de la France inquiètent une partie de la clientèle, c’est certain. Et même si les Jeux olympiques et paralympiques ont redonné un peu d’énergie aux Français, ils n’étaient pas propices à la commercialisation de voyages. C’est d’ailleurs quelque chose qu’on a rapidement senti venir. Dès le début de l’année, nous savions que l’été serait timide.

Les événements du 7 octobre 2023 ont impacté la dynamique des réservations, notamment pour certaines de vos destinations historiques, comme l’Egypte…

Emmanuel Foiry : Il y a indiscutablement un effet « 7 octobre » qui, d’ailleurs, ne s’est pas limité à l’Egypte ou à la Jordanie. Ce conflit est très tendu, et il s’exporte facilement dans le monde entier, pas seulement au Moyen-Orient. Ce qu’il s’est passé avec l’Egypte après le 7 octobre illustre assez bien l’année que nous allons boucler. En Egypte, nous ferons le même chiffre d’affaires qu’en 2023. Mais nous nous attendions à constater 30% de croissance sur la destination pour l’hiver 2024/2025. Nous commencions même à avoir des problèmes de capacités. Et puis tout s’est arrêté, ou presque.

Aujourd’hui, les réservations sont au point mort ?

Emmanuel Foiry : Non, l’Egypte est déjà revenue sur le podium de nos destinations les plus vendues pour 2025. Nous connaissons la capacité de résilience de l’Egypte, qui se remet toujours debout. Nous observons en ce moment une hausse des ventes de dernière minute vers la destination. Ces derniers jours, nous vendons très bien les croisières prévues pour fin 2024 par exemple. J’imagine que les clients attendent le dernier moment pour observer l’évolution de la situation dans la région. Donc j’espère que mes prévisions seront bonnes, et que l’Egypte reprendra sa progression touristique dès cet hiver. Mais, clairement, les événements du 7 octobre ont eu un impact sur notre activité.

Y a-t-il des bonnes surprises ?

Emmanuel Foiry : Sur l’ensemble de l’année, les destinations qui ont le mieux fonctionné sont la Norvège, l’Irlande, l’Ecosse, l’Italie. Ou encore la Finlande, pour la Laponie. C’est d’ailleurs étonnant de voir que cette destination ne cesse de grandir, et ce peu importe la hausse des prix des voyages. La Laponie propose une saison touristique très courte et dispose de peu de capacités hôtelières, c’est difficile de trouver de nouveaux partenaires. Si on ne tire pas les prix vers le haut, l’accès au stocks diminue pour bénéficier à des marchés réputés mieux payeurs, comme le marché américain par exemple. Nous constatons aussi une petite baisse du volume vers les Etats-Unis, principalement à cause du prix. Ce sont de beaux voyages, qu’on effectue souvent en famille, et les prix sont devenus inaccessibles pour toute une partie du marché.

Les Etats-Unis n’opèrent donc toujours pas un retour fracassant sur le marché touristique français ?

Emmanuel Foiry : Les Etats-Unis sont l’une des destinations préférées des Français. Ils sont donc toujours très demandés. Mais le marché évolue. Et nous devons en tenir compte. Par exemple, nous avons décidé de supprimer la marque Vacances Fabuleuses, qui pesait tout de même plus de 10 millions d’euros de chiffre d’affaires et 3 500 passagers par an, hors groupe. Quand nous l’avons rachetée, en 2003, c’était l’une des plus belles marques B2B de notre industrie. Nous étions déjà très forts sur les Etats-Unis avec Kuoni et, au fil des ans, nous avons effacé la production Kuoni au profit de « VacFab ». Mais la désintermédiation est passée par là, et Vacances Fabuleuses faisait de moins en moins rêver. On parle désormais d’expériences, d’immersion, et cette marque n’était plus assez évocatrice, notamment auprès de la jeune génération d’agents de voyages. Nous avons aussi fermé le site B2C il y a plus d’un an maintenant, car il n’était plus beaucoup consulté.

Cela ne veut pas dire que Kuoni arrête de vendre des voyages aux Etats-Unis ?

Emmanuel Foiry : Bien sûr que non. Toute la production de Vacances Fabuleuses va repasser sous la bannière Kuoni. Pour ce qui est des demandes à la carte, plus pointue, les Ateliers du Voyage, notre marque B2C, reprendront les demandes. Nous ne faisons aucune économie, il s’agit juste d’une sorte de rebranding. Tout ceci sera définitivement effectif lors des prochaines sorties de nos brochures spécialistes, en décembre. Surtout, nous comptons sur l’attractivité de la marque Kuoni, en B2B comme en B2C, pour prendre des parts de marché sur les Etats-Unis dès 2025.

Comment se présente 2025 ?

Emmanuel Foiry : Nous sommes déjà totalement tournés vers 2025. A date, nous avons plus de 20 millions d’euros de chiffre d’affaires enregistré pour l’année prochaine. C’est anecdotique, mais nous avons également déjà quelques réservations pour 2026, notamment pour les croisières d’expédition, qui sont de plus en plus demandées. Encore une fois, ce sont certainement les éléments contextuels extérieurs qui rythmeront la dynamique de notre année 2025.

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