L’hôtellerie de plein air tente les agences

Pour ne pas rater ses vacances estivales en famille, les pieds presque dans l’eau, Catherine, mère de famille prévoyante, a préréservé, dès octobre dernier, un cottage dans un camping à Ramatuelle, dans le Var. « Il ne restait plus que 4 mobil-homes pour 4 personnes, du 27 juillet au 3 août », se souvient-elle ! Le dossier a été confirmé dès le 1er décembre, pour 916 E. Pas de doute ! L’hôtellerie de plein air (HPA), une appellation moins péjorative et restrictive pour désigner le bon vieux camping, a le vent en poupe, a fortiori en période de crise. Elle a généré un chiffre d’affaires de plus de 2 Mds E en 2008, en progression de quelque 10 %. Avec 63,6 millions de nuitées (sur un total de presque 100 000 millions, +1,2 % par rapport à 2007), la clientèle française est en nette progression (+2,1 %). Avec une montée en gamme sociologique qui correspond bien au changement d’image. Selon le cabinet Protourisme, on croise 50 % de cadres, de commerçants et de professions libérales dans les campings nouvelle génération, les 3-4 * en particulier, qui disposent d’emplacements équipés style mobil-homes, et enregistrent les taux d’occupation les plus élevés.

Les hébergeurs classiques s’y mettent

Avec une progression supérieure à 13 % par an depuis 2005, c’est en effet la catégorie mobil-home qui est le moteur de la croissance, parce qu’il constitue un excellent compromis entre camping traditionnel et hôtellerie. Cette croissance répond surtout à une forte demande du moment, celle d’un hébergement familial, en pleine nature avec des équipements, des activités et des animations (voir ci-contre). Signe qui ne trompe pas, la HPA intéresse de plus en plus les agences en ligne, comme Voyages-sncf.com, qui se lance cette année sur ce marché, fort du constat que 80 % de ses clients partent en France. Le site a sans doute été convaincu aussi par une offre de plus en plus pro, qualitative et structurée, avec des opérateurs qui multiplient rachats et ouvertures. Il y a les spécialistes de HPA, chaînes intégrées ou volontaires (Campéole, Homair Vacances, Proméo/Village Center, Siblu, Yellow ! Village, France Location, Vacances Directes, Castels ou autre Sunélia…) mais aussi des hébergeurs classiques comme Odalys qui monte en puissance sur cette gamme de produits. Vitalys, filiale créée en 2002, aligne pour l’été une offre de « 24 domaines résidentiels de plein air ». Pour une première saison, Voyages-sncf.com propose 900 mobil-homes en dur et semi-rigides. « Nous travaillons avec une centrale de réservation spécialisée, Octopode, pour avoir une offre qualitative et des garanties en matière de stocks », indique Louis Brosse, directeur produits transport et tourisme. Qui précise que le camping est un choix de vacances, plus qu’un choix économique. Car si les prix démarrent à 99 ETTC, pour un bungalow hors saison, ils grimpent d’autant plus que les internautes plébiscitent les 3* et 4*. Opodo passe aussi par Octopode, lequel a su automatiser la vente des campings et a pour lui l’avantage de détenir des allotements linéaires (d’avril à octobre), mais aussi des stocks et des prix attractifs en juillet-août. Dans sa nouvelle rubrique dédiée, Opodo présente cette année 500 campings, contre 50 en 2008. Désormais, l’hôtellerie de plein air représente près de 40 % de son offre locative en France. Certains acteurs du Web sont sur le terrain depuis déjà dix ans, comme Dégriftour.com Lastminute.com, qui a racheté l’entreprise, en est du coup à sa cinquième saison camping. Avec l’idée de sortir du stéréotype camping = caravane ou tente. Les ventes sont au beau fixe : +19 % par rapport à 2008, grâce notamment à l’élargissement de l’inventaire. « Ce n’est pas facile d’avoir du stock, relève cependant Éric Lefebvre, directeur e-commerce et média de l’agence en ligne. Nous avons donc fait le choix de passer par un partenaire, Travelfactory, maîtrisant bien le produit. »

La grande distribution présente depuis 20 ans

Les agences ont besoin de spécialistes, et réciproquement, surtout à l’heure du recul de certaines clientèles étrangères. « Nous voulons nous ouvrir à des réseaux d’agences et à des acteurs en ligne », souligne Guillaume Patrizi, fondateur de Camping et Co, centrale de réservations née sur le Web en 2007 qui promet la réservation en temps réel dans 150 campings (en France, Espagne, Croatie…) et chaînes complémentaires. Pour les professionnels du voyage, il est en effet souvent difficile de passer en direct avec les campings ou les chaînes, qui vendent très tôt leurs offres, avec d’autres logiques commerciales. Le taux de commission est aussi une pierre d’achoppement. « Nous travaillons avec Voyages Loisirs et très peu d’agences, signale Jean-Yves Challies, directeur des services au sein de la chaîne Yelloh ! Village. Le problème, c’est que nous ne parvenons pas à nous mettre d’accord sur le taux de commission. Nous versons 20 % hors été, et 10 % en juillet-août. Nous ne pouvons pas travailler comme un hôtel. Nous ne sommes ouverts que sur une saison, avec deux mois seulement de bon remplissage ! » Malgré ces contingences, la grande distribution, elle, est déjà dans le coup depuis de longues années. Voyages Carrefour s’est mis sur ce créneau depuis plus de vingt ans, et sort chaque année une brochure dédiée accompagnée d’opérations spéciales. « C’est notre produit N° 1 de Pâques à fin septembre », souligne Isabelle Cordié-Archer, la DG du réseau. Et dans le contexte économique actuel, ce type de vacances pas loin, pas cher a encore plus le vent en poupe. « Tous les produits d’entrée de gamme marchent très bien. Nous avons lancé en mars une opération BtoB de 10 000 semaines en mobil-homes, avec un prix d’appel à 145 E. En moins de deux heures, 2 500 dossiers ont été réalisés », explique de son côté Bernard Boisson, DG de E.Leclerc Voyages. Le réseau a même revu sa programmation d’été en remplaçant 8 pages de séjours et circuits longs-courriers, délaissés par les clients, par des produits courts-courriers. L’hôtellerie de plein air présente aussi l’avantage d’être un produit facile à vendre, demandant peu de gestion (pas de convocation ni de carnet de voyage) et qui est relativement rentable. « Notre marge est supérieure à celle d’un produit TO, car nous pouvons jouer sur les volumes », note Isabelle Cordié-Archer.

Du côté des TO, l’offre est aussi présente en brochure depuis des années. Nouvelles Frontières et Thomas Cook, sans doute un peu influencés par leurs maisons mères respectives qui connaissent le dynamisme de la demande sur les marchés nordiques, ont étoffé leur programmation. Depuis 2005, Visit France propose dans sa brochure Village-Clubs un site de son partenaire Vacanciel. « Cela se vend petitement, confie cependant Sylvie Nahon directrice de la production du TO, en tout cas par rapport aux autres villages Vacanciel de la brochure. » En revanche à plus grande échelle avec des allotements sur davantage de sites, les opérations spéciales, en marque blanche, avec Leclerc Voyages « sont toujours porteuses », reconnaît-elle.

Les spécialistes de la location sont en fait les plus en pointe sur l’offre HPA. Next, Lagrange et Locatour n’ont cessé d’élargir leur programmation. « Nous proposons des mobil-homes et bungalows en campings 4**** depuis de nombreuses années », explique Line Baudu, DG de Lagrange. « La brochure soleils d’été 2009 présente 50 sites dont 42 en France. Mais attention ce produit n’a pas pour vocation de répondre à un phénomène de crise. Il vient plutôt satisfaire l’attente d’une clientèle, essentiellement composée de famille avec enfants, à la recherche de lieux de vacances avec des activités sportives et ludiques organisées pour tous les âges. » Même succès chez Locatour qui constate une « demande croissante ». « La preuve, l’an dernier les ventes HPA ont représenté 15 % du chiffre d’affaires global de Locatour », explique Magalie Degorre, responsable produit France. « Au 12 mai, nous avons déjà atteint 20 % du global. Certes avec une offre en forte hausse, 41 villages de plein air cet été contre 31 l’an dernier, mais cela ne représente que 10 % de la production totale du catalogue. Le ratio est donc vraiment très bon ! » La preuve aussi que les agences de voyages avec lesquelles travaille exclusivement Locatour se sont finalement bien appropriées le produit.

Reste que l’offre échappe encore globalement aux réseaux traditionnels. Sur son nouveau site Internet, pourtant très complet, Selectour ne prévoit rien sur l’hôtellerie de plein air. Produit de niche, il ne semble pas correspondre aux attentes des clients des agences classiques. « Ce sont des produits entrée de gamme », croit savoir Richard Vainopoulos, président de Tourcom. « Or nous nous adressons davantage à une clientèle milieu et haut de gamme », avance-t-il pour expliquer l’absence de référence HPA dans les agences du réseau. Peut-être pas pour longtemps.

Des réservations dès le mois de novembre

En effet, pour la première fois, il négocie un partenariat avec un prestataire spécialisé afin de bénéficier de tarifs négociés. Les quelques agences qui ont l’habitude de vendre ce type de produits ont en fait des accords en direct avec les sites. Ellipse Voyage, à Béziers, en est l’exemple. L’agence mise sur l’hôtellerie de plein air depuis sa création en 1990. « À notre lancement, nous nous sommes positionnés comme vendeur de produits locatif France. Le succès est croissant si bien que nous avons accru nos allotements de 20 % cette année », affirme Adriana Minchella, directrice de l’agence, qui affiche déjà complet pour l’été. « L’hôtellerie de plein air attire désormais tous types de clientèles car le produit a évolué et est de plus en plus haut de gamme tout en maintenant un tarif relativement abordable de 900 E la semaine pour 6 personnes en haute saison. » Pris d’assaut, les réservations ont commencé en novembre, soit plus de huit mois avant le départ. Ça laisse rêveur… De quoi susciter de nouvelles vocations qui pourraient aussi, du coup, inciter les agences à s’intéresser davantage au produit. Fram ouvrira l’été prochain son premier Village Vacances Nature à Soustons dans les Landes. Le projet porte sur la location d’un terrain de 14 hectares qui accueillera 250 mobil-homes nouvelle génération, soit environ 1 000 lits, organisés en petits hameaux d’une dizaine d’unités. Les équipements de loisirs et les infrastruc