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J.-P. Pinheiro (OT Portugal) : « Il faudra fermer boutique sur certains sites touristiques »

Comment éviter la surchauffe touristique ? Le sujet a été débattu lors d’une table ronde organisée jeudi 4 juillet à la conférence Travel to the Future à Nantes.

La croissance des flux touristiques se poursuit, inexorablement. Selon IATA, le nombre de passagers pourrait doubler pour atteindre 8,2 milliards en 2037. « Le réservoir de touristes au niveau mondial, soit les gens qui n’ont pas encore voyagé, est immense », a rappelé Cécile Clergeau, chercheuse et professeur à l’Université Nantes. Quand les classes moyennes chinoises et indiennes voyageront en grand nombre, elles voudront découvrir les sites incontournables de notre pays. Aujourd’hui, seulement 2 millions de Chinois viennent en France, contre 740 000 en 2009. « On ne peut pas empêcher les individus de voyager parce qu’ils ont bien travaillé, a relevé Eric Milet, auteur de guides du Routard. Or si les gens ne veulent pas tous aller aux mêmes endroits, ils finissent par s’y retrouver. » Avec cette implacable concentration de 95% des flux sur 5% des territoires, dit la coutume.

Dans un tel contexte, comment identifier les premiers signes d’une surchauffe, et de rejet par la population locale ? Selon Cécile Clergeau, il est grand temps de dresser des tableaux de bord afin de mesurer des indicateurs (qualité de l’air, ratio du nombre de touristes par habitant, prix de l’immobilier, nombre de locations saisonnières). Il faut aussi repenser les villes afin d’aller vers une cohabitation plus harmonieuse entre les habitants temporaires – les touristes – et les permanents – les résidents -.

Jean-Pierre Pinheiro (Visit Portugal), Eric Milet (Routard), Hermine de Saint-Albin (Revue Espaces) et Cécile Clergeau (Université de Nantes) © Linda Lainé

Des mesures restrictives ou incitatives

« J’aime beaucoup l’expression de résidents temporaires, a ajouté Jean-Pierre Pinheiro. Jusqu’alors, les touristes étaient relativement bien acceptés car ils étaient ‘parqués’ dans leurs hôtels ou resorts. Aujourd’hui, le touriste occupe l’appartement de votre voisin que vous ne voyez plus, et il ne se comporte pas toujours très bien. » Le Portugal a attiré 3,2 millions de touristes français en 2018 (+10%), lesquels privilégient Lisbonne, Porto et l’Algarve. Depuis 2006, la destination s’efforce de diluer les flux vers l’intérieur du pays et de nouvelles zones littorales.

Jean-Pierre Pinheiro, par ailleurs président de l’Adonet, a aussi évoqué la déclaration de Lisbonne, où « pour la première fois les destinations concernées ont évoqué des pistes » de tourisme durable et mieux maîtrisé. Les destinations ont le cœur qui balance entre des méthodes restrictives – comme Amsterdam qui a réduit la location d’un logement entier à 30 nuits par an – et des méthodes incitatives. « Londres essaie de développer davantage l’hôtellerie en périphérie en facilitant l’accès en transport. Là, les autorités locales – communes et régions – ont une part active et une responsabilisation directe en investissant dans les infrastructures ».

La question de la gouvernance

Les autorités ont de toute évidence un rôle déterminant « Nous avons tous été choqués de voir un paquebot heurter les quais à Venise, a soulevé Cécile Clergeau. Mais ce n’est pas la faute des touristes ! On se demande ce que fait la ville de Venise et le gouvernement italien. Il y a une question de gouvernance, qu’est-ce que je fais de ma ville ou de mon site ?. »

Dans les zones très tendues de par l’affluence touristique, il faut donc des destinations responsables, capables de limiter le nombre de visiteurs par jour, comme à l’Alhambra en Espagne. Capables aussi de renoncer à la croissance. Pour l’heure, nombre de pays ne s’estiment pas touchés par le surtourisme, et continuent d’afficher des objectifs toujours plus ambitieux, alors que leurs aéroports majeurs s’agrandissent… Les vols low cost poursuivent leur essor, représentant 31% du trafic mondial en 2018 selon l’OACI. « Aujourd’hui, les low cost représentent 80 à 85% des flux aériens vers le Portugal, a précisé Jean-Pierre Pinheiro. Nous n’avons d’ailleurs plus de slots. Au regard notamment de la croissance des groupes chinois ou indiens, je pense qu’il faudra fermer boutique sur certains sites touristiques, pour limiter (l’affluence). Comme pour un concert. On doit s’y préparer. Il faut s’organiser à l’avance, ce qui pourra re-booster l’intermédiation par les agences de voyages et les réceptifs ».

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