Jean-Pierre Nadir (Fairmoove) : « Le surtourisme est une opportunité pour les agences »
L’homme qui parle plus vite que son ombre a partagé sa vision d’un tourisme… plus fair, lors du congrès des Entreprises du Voyage.
Jean-Pierre Nadir pensait disposer d’une petite heure pour répondre à la question « Le voyage est-il soluble dans le CO2 ? ». Lors du congrès des Entreprises du Voyage en République Dominicaine, le journaliste François-Xavier Izenic aura laissé 20 minutes au président de Fairmoove… qui n’a pas perdu une seconde.
Doubler les emplois du secteur ?
« Nous avons un problème d’écologie et de dignité humaine. Deux milliards de personnes vivent avec 2 dollars par jour », a d’abord souligné Jean-Pierre Nadir. Pour lui, alors que l’agriculture a perdu 50% des emplois sur les 20 dernières années, le tourisme peut « fixer sur leur sol les populations locales ».
Le secteur draine 10% des emplois directs à l’échelle internationale, et même « 20% avec les emplois indirects ». Soit 400 millions d’emplois dans le monde. « Je pense qu’on pourrait doubler ce chiffre, dans un monde où l’emploi disparaît en permanence. » Une prévision optimiste qui se heurte toutefois à une pénurie croissante de vocations dans l’hôtellerie, partout dans le monde.
Un métier à réinventer
Le patron de Fairmoove a aussi évoqué la nécessité de « réinventer le métier ». « L’agent de voyages est celui qui saura orienter (le voyageur) dans un océan d’incertitudes et de méconnaissances. »
Le surtourisme représente d’ailleurs « une opportunité pour les agences de voyages ». Pourquoi ? Car pour lisser la fréquentation, les sites vont de plus en plus développer un tourisme de jauges, avec des tickets horaires vendus à l’avance. Comme c’est déjà en place à l’Alhambra en Espagne par exemple. Et les distributeurs pourront justement anticiper les sites à réserver.
« Le tourisme n’est plus le problème, mais c’est la solution », martèle Jean-Pierre Nadir, en insistant sur la transition écologique.
Un tourisme de solution
A ce titre, les hôteliers ont un rôle de « locomotive », s’ils développent l’énergie propre, le retraitement des eaux grises, une stratégie 0 plastique, l’écobati, une meilleure gestion des repas et des déchets alimentaires. « A l’île Maurice, tout le bœuf vient d’Australie », une ineptie. « 80% des produits des hôtels doivent venir du local. »
La transition écologique renvoie aussi au sujet de la décarbonation des avions grâce au renouvellement de la flotte par exemple. Jean-Pierre Nadir va jusqu’à prôner de ralentir la vitesse de croisière de 100km. « Car si tu es pressé, t’as du pognon et tu prends un jet soit tu fais une visioconférence » (rires dans la salle du congrès).
« La croissance de l’aérien ne vient pas des bobos parisiens, mais des primo-voyageurs chinois ou indiens. » Des voyageurs qui n’accepteront pas l’injonction à ne pas prendre l’avion, de la part d’Occidentaux qui ne se sont pas privés pendant 50 ans.
Créer « de petits instants de bonheur »
« Si j’avais une compagnie aérienne, j’en ferais une compagnie green, et j’aurais un discours ultra offensif face à tous ceux qui affirment que l’aérien est le pire des modèles. »
L’aérien parviendra à réduire ses émissions de CO2 de 50% en 2030, estime aussi le patron de Fairmoove. Pour lui, les agences devraient d’ailleurs conseiller à leurs clients des vols directs, qui représentent 15% à 20% d’émissions de CO2 en moins.
« On ira d’un tourisme prédateur à un peu tourisme plus redistributeur. Notre métier n’est pas de créer du bonheur (je laisse cela à Mathieu Ricard), mais de petits instants de bonheur. » A méditer.
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