Retrouvez l'actualité du Tourisme pour les professionnels du secteur tourisme avec l'Echo Touristique : agences de voyages, GDS, prestataires spécialisés, voyagistes

Jean-François Rial : « Il faut décarboner l’avion, sinon on le tuera »

Le 2 juin, c’est la journée mondiale pour un tourisme responsable. Nous saisissons l’occasion pour résumer la série de 13 tweets publiés cette semaine par Jean-François Rial sur Twitter. Le PDG de Voyageurs du Monde a ainsi partagé, à travers ce thread, une tribune 3.0…

En préambule, rappelons une certitude, qui risque de s’accentuer avec les nouvelles générations : l’avion est désormais fortement pointé du doigt pour son impact sur l’environnement. Si certains professionnels du secteur se défendent en mentionnant d’autres sources de gaz à effet de serre (GES) comme le numérique, les Cassandre de l’aérien n’en ont cure. Car l’avion incarne le transport des riches, qui voyagent parfois plusieurs fois par an, et absorbent les émissions de CO2 pour se donner bonne conscience, ajoutent-ils.

Pas de sobriété heureuse 

Face à la critique qui monte et au flygskam (honte de prendre l’avion), Jean-François Rial défend le secteur. « La pire solution est celle de la sobriété, affirme le vice-président du Syndicat des entreprises de tour-operating (Seto). « Sur quels critères, à la chinoise, selon votre note sociale ? », ironise-t-il.

La seule option qui trouve grâce à ses yeux, c’est de décarboner l’avion. « Jusqu’à récemment, on ne savait pas vraiment le décarboner pour l’horizon 2050. » Une échéance correspondant à l’objectif « carbone neutre » des Accords de Paris. « Mais maintenant on sait le décarboner, et il va falloir le faire sinon on va tuer ce moyen de transport génial. »

Il est urgent de foncer vers les carburants de synthèse.

Concrètement, comment décarboner ? « Il est urgent de foncer vers les carburants de synthèse, d’y mettre des moyens de recherche pour faire baisser son prix de revient et de l’imposer progressivement en proportion montante, ainsi que sur le plan international. C’est la survie de l’avion qui est en jeu. »

Accepter un doublement des prix des billets

Les carburants de synthèse, qui n’émettent aucun CO2, ont l’avantage d’être directement utilisables dans les avions actuels. Ils sont produits à partir de carbone et d’hydrogène, grâce à un procédé chimique. Les agro-carburants, eux, ne pourront jamais couvrir les besoins, sans parler des conflits d’usage potentiels avec l’agriculture.

« Évidemment (…), il faudra produire ce carburant de synthèse à partir d’hydrogène produit à partir d’une électricité decarbonée, nucléaire ou provenant d’énergie renouvelable. » C’est là où le chantier se corse. Le carburant de synthèse coûte selon diverses hypothèses de fabrication entre 5 et 8 fois le cout du kérosène… Pour Jean-François Rial, l’industrie aérienne et du voyage doit être capable de lisser une hausse du prix, par exemple un doublement sur 30 ans, pendant la période de transition. « Capitalisée cela ne représente qu’une hausse de 2,5% par an », calcule-t-il. « En ce qui me concerne, mon choix est fait. Je préfère une hausse du prix que la disparition de cet outil génial. »

Les réserves de Gérard Feldzer

Pour décarboner l’avion, Gérard Feldzer croit lui aussi aux carburants de synthèse, au demeurant très coûteux. Même si l’ancien pilote de ligne pointe un « petit problème ». « On est dans un univers extrêmement concurrentiel, souligne ce vulgarisateur émérite de l’aérien. Il y a des compagnies – notamment celles du Golfe – qui vont continuer avec du kérosène. »

Les carburants de synthèse, « cela peut marcher à condition qu’il y ait un accord international contre les compagnies opportunistes qui continueront à utiliser le pétrole, moins cher. » Et là, ce n’est pas gagné. Même si les enjeux sont considérables…

Gérard Feldzer fait notamment le pari des moteurs électriques, avec de l’électricité fabriquée à partir de l’hydrogène, transformée en électrique à travers une pile à combustible. Mais à long terme, et sur des vols court-courriers, a-t-il expliqué lors du dernier Forum du Seto. 

L’absorption ne suffit pas du tout

Revenons au thread de Jean-François Rial. Le chantre de l’absorption depuis des années met implicitement en garde toute la profession : « Jusqu’à présent, la seule vraie solution consistait à absorber les émissions résiduelles, en faisant de la compensation vertueuse, c’est à dire additionnelle et pérenne. Mais cette solution, même démontrée rationnellement, ne suffira plus dans l’opinion publique. »

De fait, des voix s’élèvent contre ce qu’il qualifie de droit à polluer… La compensation ne peut être que le troisième levier après le bilan carbone, et la réduction de l’empreinte carbone. Le renouvellement des flottes, les vols directs et l’écopilotage participent à cet effort de réduction. Sans compter que le tourisme responsable, c’est aussi une dimension sociale respectueuse des populations et des employés. Un sujet encore trop peu adressé, et qui sera au cœur du prochain Forum A World For Travel 2022.

1 commentaire
  1. SOUBRA Christian dit

    Désolé d’être en désaccord avec Jean-François Rial, référence incontournable et reconnue en matière de tourisme responsable.
    Parfaitement d’accord sur le fait que l’absorption ne fait pas tout et que nous devons donc, à long terme, souhaiter que l’industrie trouve des solutions techniques moins dévastatrices.
    Mais la technologie ne fera pas tout. Loin de là. Cette vision du monde, très datée (celle qui prévaut depuis la révolution industrielle) selon laquelle , demain, les connaissances et les évolutions techniques nous permettront de solutionner ce que nous ne savons pas faire aujourd’hui , est précisément celle qui fait que nous sommes aujourd’hui au bord du gouffre climatique.
    C’est sans attendre qu’il nous faut agir … et nous ne pouvons pas attendre 5, 10 ou 15 ans pour qu’arrivent les moteurs dits « propres » …. si par hasard de tels moteurs existaient..
    Agir en exigeant que le transport aérien soit, dès aujourd’hui (disons, l’année prochaine) taxé à la hauteur de ce qu’il coûte à la planète. Agir en exigeant que la tarification aérienne soit le reflet des coûts réels de l’activité et de ses impacts environnementaux et sociaux. Ca passe par le refus des professionnels du tourisme de commercialiser les billets d’avion low-costs.
    Agir en changeant nos productions (il en a été souvent parlé ici).
    Agir enfin pour promouvoir une réelle sobriété dans le voyage. Oui, cher Jean-François, il y a une sobriété heureuse. Et la boulimie est souvent, dans le voyage comme dans l’alimentation, bien souvent la cause de bien des problèmes de santé. Des gens, des sociétés, de la planète.
    Les très riches auront toujours les moyens de se payer leurs insupportables caprices (on en a eu un exemple récent avec les transferts en hélicoptère des stars du festival de Cannes). Prenons-en acte et faisons que les caprices des riches ne soient plus un modèle à copier, mais de manière « light », mais bien un repoussoir. Il est en cela urgent de relire Hervé Kempff (comment les riches détruisent la planète) et les Pinçon-Charlot (les ghettos du gotha) …. et de promouvoir, nous, professionnels du voyage, le plaisir sobre mais ô combien satisfaisant du voyageur moins pour voyager mieux, voyager moins souvent mais plus longtemps …. La très triviale mais avérée formule « plus c’est long , plus c’est bon » s’applique aussi au tourisme …dans l’attente comme dans la réalisation.
    Au plaisir d’en débattre !

Laisser votre commentaire (qui sera publié après moderation)

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Dans la même rubrique