Hôtellerie : la facture énergétique pourrait coûter jusqu’à 10% du chiffre d’affaires
La flambée des tarifs de l’énergie, au moment où débute le remboursement des prêts garantis par l’Etat (PGE) souscrits pendant la crise sanitaire, inquiète hôteliers et restaurateurs qui veulent négocier collectivement, afin d’obtenir de meilleurs prix auprès des fournisseurs.
Face à l’inflation galopante, l’inquiétude monte chez les professionnels de l’hôtellerie en France. « A titre personnel j’ai eu un bol incroyable : j’ai resigné en tout début d’année un contrat pour trois ans, mais pour la majorité de nos adhérents c’est la catastrophe, avec des tarifs hors de la réalité », explique Guillaume Gardin, hôtelier à Angers et président des quelque 400 franchisés de Louvre Hôtels Group (Kyriad, Campanile, Première Classe, Golden Tulip…).
Pour un Kyriad d’une cinquantaine de chambres, « la facture d’électricité annuelle s’élève à 24 000 euros, soit 2% du chiffre d’affaires. Or aujourd’hui les propositions passent à 120 000 euros, soit 10% du chiffre d’affaires : cela représente deux grosses années de résultat net » et « les hôtels n’auront pas les moyens de payer la facture en 2023 », estime Guillaume Gardin. Et « seuls 10 à 15% de nos entreprises sont éligibles aux dispositifs d’aide », s’émeut Jean-Virgile Crance, président du Groupement national des chaines hôtelières (GNC).
Trois milliards d’euros pour soutenir les entreprises… mais seuls 100 millions d’euros dépensés
Face à la flambée des prix de l’énergie depuis la reprise post-Covid et l’invasion russe en Ukraine, le gouvernement a dédié trois milliards d’euros au soutien des entreprises pour lesquelles l’énergie représente plus de 3% du chiffre d’affaires en 2021, mais seuls 100 millions d’euros ont été décaissés, tant les conditions sont restrictives, reconnaît Bercy. Les TPE bénéficient comme les particuliers du bouclier énergétique : la hausse des tarifs du gaz et de l’électricité sera limitée à 15% si elles réalisent moins de deux millions d’euros de chiffre d’affaires et emploient moins de 10 salariés.
« Mais dans la restauration traditionnelle, la règle c’est un salarié pour 100 000 euros, voire 75 000 euros de chiffre d’affaires : nous sommes des pourvoyeurs de main d’œuvre et cette règle-là doit être modifiée », explique le restaurateur Stéphane Manigold, à la tête du groupe Eclore. En outre, les fournisseurs d’énergie, qui se sont engagés à une application équitable des contrats en cours et de leurs conditions de renouvellement, « jouent double jeu », estime l’Umih, principal syndicat patronal de l’hôtellerie-restauration, qui constate des « augmentations inconsidérées ».
Sur son site, un simulateur permet aux professionnels de savoir s’ils sont éligibles ou non, à l’aide du gouvernement. L’Umih voudrait voir « le prix du gaz décorrélé de celui de l’électricité ». Car la trésorerie des hôtels et restaurants, fait valoir le secteur, est déjà sous tension, entre le remboursement des Prêts garantis par l’Etat (PGE) souscrits pendant la crise sanitaire, les hausses de salaires consenties pour recruter sur un secteur délaissé depuis le Covid-19, celles des coûts des matières premières et des services des fournisseurs – comme ceux, très énergivores, des blanchisseurs.
Les professionnels au pied du mur
« Certains n’auront plus la capacité d’investir », redoute Jean-Virgile Crance. Au pied du mur, les professionnels essaient de négocier collectivement : ceux qui ont la chance d’appartenir à un groupe bénéficient de son pouvoir de négociation. Louvre Hotels Group cherche un fournisseur qui lui garantira un tarif bloqué maximal, rapporte Guillaume Gardin. « Nos investisseurs ont un peu la sensation de faire un chèque en blanc à un prestataire : on ne connaît pas le montant pour lequel on s’engage ».
Porte-parole du collectif « Restons ouverts » pendant la crise sanitaire, Stéphane Manigold avait remporté une première victoire judiciaire face à Axa, qui refusait d’indemniser les pertes d’exploitation des restaurateurs contraints de fermer lors du confinement -puis noué un accord, les deux parties abandonnant les procédures. L’assureur avait fini par débloquer 300 millions d’euros pour solder à l’amiable 15 000 litiges.
Aujourd’hui, il veut fédérer sur le sujet des coûts énergétiques, dans la course à la présidence de l’Umih lors d’une élection le 27 octobre, où il affrontera notamment le chef Thierry Marx. « Notre promesse est que nos entreprises retrouvent des marges, mais pas que dans la poche du client, aussi par les économies sur l’énergie, les contrats d’assurance, de mutuelle… en créant l’Umih courtage, qui négociera au nom des 35 000 adhérents », conclut Stéphane Manigold.
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