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Eyjafjöll : pourquoi les remboursements tardent

Le constat : De nombreux dossiers, remboursement de frais de clients bloqués, de vols ou de séjours, restent à traiter. La question : Pourquoi un tel retard, malgré la coordination des professionnels sur une position commune efficace ? L'enjeu : La responsabilité des agences et des compagnies aériennes en cas de force majeure doit être clarifiée.

Le 10 août 2010, "Cho" a posté le message suivant sur le site Internet de 60 Millions de consommateurs : « Aucun remboursement de la part d'Edreams, voila maintenant quatre mois. Je vous rassure, vous n'êtes pas le seul dans ce cas. C'est des ESCROCS ! » François L., déclarait sur Le monde.fr : « Nous avions réservé sur Thomas Cook un séjour à Ivalo, dans le nord de la Finlande. Les vols étaient assurés par Finnair […] nous avons été obligés de rentrer en bus et de traverser sept pays d'Europe. À ce jour, aucune compagnie ne veut prendre la responsabilité de rembourser ne serait-ce qu'une partie des frais engendrés ». Les témoignages de clients mécontents, qui affluaient dans les semaines suivant l'éruption du volcan islandais fin mars, résonnent encore aujourd'hui sur les sites Internet, alors que les professionnels et les pouvoirs publics n'ont pas ménagé leurs peines pour régler le problème de ces naufragés des airs : travail de nuit et heures supplémentaires, service après-vente renforcé, coordination entre hôteliers, tour-opérateurs, agences de voyages et compagnies aériennes pour les clients bloqués, position commune adoptée par le Syndicat national des agents de voyages (Snav), l'Association de tour-opérateurs – Ceto, la Fédération nationale de l'aviation marchande (FNAM) et l'UFC-Que Choisir sur la question des remboursements, mise en place d'une commission de suivi, nomination d'un médiateur par le secrétaire d'État au Tourisme (lire ci-dessous)

 

UNE POSITION COMMUNE

 

Ce travail a jugulé la crise, sans trop entamer la confiance des clients, mais n'a pas empêché les attaques des mécontents, pourtant minoritaires. Bien qu'il soit difficile d'évaluer le nombre de réclamations, disséminées dans les services après-vente des compagnies aériennes, voyagistes, hôteliers, associations de consommateurs (UFC-Que choisir, Fédération nationale des associations d'usagers des transports, l'association e-litige, etc.) et les instances de médiation, on peut estimer que sur les 170 000 passagers concernés par l'éruption de l'Eyjafjöll, seuls quelques milliers de cas resteraient en souffrance. « Les conséquences de cet épisode sont bien moindres que ce que l'on pensait au départ », se réjouit René-Marc Chikli, président du Ceto. La question de l'indemnisation des passagers bloqués laissait craindre des réponses disparates et une surenchère consumériste. Les offensives des associations en faveur d'un remboursement de l'intégralité des frais supportés par les voyageurs ont commencé par donner raison aux professionnels les plus pessimistes. Mais devant le risque d'anarchie, le Snav, le Ceto, la FNAM et l'UFC-Que Choisir ont adopté, le 4 mai, une position commune non contraignante. Le texte prévoyait un report sur douze mois en cas d'annulation de forfait, auprès des mêmes agences ou tour-opérateurs et la mise en place d'une commission de suivi pour l'indemnisation des clients bloqués, dans le cas où les professionnels auraient manqué à leur obligation d'assistance. « La crise a été très bien gérée, explique Benoît Thepenier, directeur commercial France de Transeurope, ce front commun a permis d'envoyer un message cohérent aux consommateurs. Chez nous, presque tous les clients ont obtenu un report de leur séjour dans les meilleurs délais ». Les voyagistes ont suivi cette position, bien que le remboursement ait été accordé, pour des raisons commerciales ou lorsque le client ne pouvait renouveler son séjour (grossesse, maladie, ou circonstances exceptionnelles). Michel Rigaud, directeur général de Tourinter, a ainsi obtenu un report dans 90 % des cas. Une moyenne conforme aux estimations du Ceto et du Snav, qui annonce entre 85 et 90 % de reports. Alors, pourquoi autant de mécontents ? Pour l'indemnisation des passagers bloqués à destination, la situation s'avérait délicate. Dans l'ensemble, les frais de ces clients n'ont pas été remboursés. Une mesure que certains n'ont pas comprise. Des tour-opérateurs ont pris en charge une partie de l'hébergement ou, ponctuellement, des frais de retour supplémentaires. « J'ai fait mon boulot. Nous avons beaucoup dépensé sur nos fonds propres. », affirme Jacky Pilo, de Voyageurs Associés placée sous procédure de sauvegarde le 11 août suite à plusieurs crises, notamment celles du volcan ou de Bangkok. D'autres, comme Fram, ont même poussé le bouchon peut-être un peu loin de la position commune, selon certains. D'après le voyagiste, les 8 000 clients bloqués ont été pris en charge, à ses frais. Un geste purement commercial : l'éruption du volcan revêt un caractère « imprévisible, insurmontable et extérieur », ce qui en fait un cas de force majeur et exonère les professionnels de leur responsabilité.

 

LE CAS DE FORCE MAJEURE EXONÈRE

 

Dans ce cas, il n'y a pas d'obligation légale de remboursement des frais, « mais les professionnels gardent une obligation d'assistance », déclare Valérie Boned, directeur des affaires juridiques au Snav. Une assistance, non financière, qui oblige voyagistes et agences à être présent, et en l'espèce, à proposer des solutions aux clients bloqués. Une notion plutôt large, et soumise à interprétation. Résultat, plusieurs centaines de clients attendent toujours un remboursement, qu'ils estiment de droit. Pour l'association e-litige, si certains tour-opérateurs sont parvenus à trouver des solutions rapides, et que des clients sont rentrés par eux-mêmes alors que les professionnels annonçaient ne rien pouvoir faire ou proposaient d'attendre une semaine, c'est qu'il y a eu des manquements à l'obligation d'assistance. Une position que partage la Fédération nationale des associations d'usagers des transports. Tout l'enjeu du comité de suivi constitué par la FNAM, le Ceto, l'UFC-Que Choisir et le Snav, qui doit examiner au cas par cas plus de 300 dossiers, sera de définir le niveau d'assistance apporté par le professionnel, et de déterminer s'il a manqué à ses obligations. Du côté des compagnies aériennes, l'absence de position claire a laissé les clients dans l'incompréhension. Le remboursement de droit des passagers dont les vols ont été annulés a été respecté. Certaines compagnies qui refusaient, comme Ryanair, ont dû réviser leur politique suite aux injonctions des autorités. Air France annonce ainsi avoir remboursé 438 082 coupons et offert plus de 10 000 chambres d'hôtel. Mais la prise en charge de clients bloqués et le rapatriement, eux, ont été réglés de manières différentes : selon que le vol était opéré par une compagnie étrangère à l'Union européenne, que le client était bloqué, ou non, dans l'Union, que la compagnie estimait ne pas avoir à rembourser le vol retour, ou que le billet avait été acheté via une agence… Plusieurs associations de consommateurs pointent du doigt les compagnies étrangères et certaines low costs. D'autant que pour les compagnies, comme pour certaines agences en ligne qui ont dû traiter des volumes importants, les délais et erreurs se sont multipliés. Xavier Rousselou, directeur marketing et communication d'Opodo a travaillé en étroite collaboration avec des associations de consommateurs. « Nous avions plus de 10 000 demandes de remboursement de vols sec, et nous avons parfois avancé les fonds, précise-t-il. Aujourd'hui, on voit le bout du tunnel. Mais certains ont dû attendre. Des compagnies en Europe, ne voulaient pas rembourser le vol retour, et certaines procédures se sont avérées très longues. »

 

CLARIFIER LES TEXTES LÉGISLATIFS

 

Agences, voyagistes et compagnies aériennes ont tiré plusieurs enseignements de cette crise. Premier point, sur lequel tous s'accordent : une nécessaire clarification des textes législatifs. Le World Travel and Tourism Council appelle ainsi à réexaminer les conditions de remboursement de la part des voyagistes et des compagnies. Olivier Bougan, porte-parole de la FNAM, précise que le droit européen – qui ne reconnaît pas le cas de force majeure, mais les « circonstances » exceptionnelles – peut être interprété de différentes manières et doit être clarifié. Un vide juridique que la Commission européenne reconnaît et envisage de combler en engageant une révision législative dès l'automne. Autre enseignement, la nécessité d'une réponse coordonnée, et rapide. L'accord entre professionnels et consommateurs est une exception en Europe. Il a permis, avec les efforts commerciaux de chacun, de conserver la confiance d'une grande partie des clients. Dans les a

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