Retrouvez l'actualité du Tourisme pour les professionnels du secteur tourisme avec l'Echo Touristique : agences de voyages, GDS, prestataires spécialisés, voyagistes

Ce maudit mois d’Air France

La disparition du vol AF 447 a conclu tragiquement un mois de mai qui restera comme l’un des pires de l’histoire de la compagnie aérienne. Quelles sont les capacités de réactions de l’entreprise ?

Dans la nuit du 31 mai au 1er juin, le vol 447 d’Air France en provenance de Rio de Janeiro et à destination de Paris s’est abîmé en mer avec 228 personnes à bord, dont 12 membres d’équipages. Mardi, le mystère sur la cause de sa disparition était encore entier, même si la compagnie, par la voix de son directeur de la communication François Brousse, privilégiait l’hypothèse du foudroiement de l’Airbus A 330-200, alors qu’il traversait une forte zone orageuse. Lundi, Pierre-Henri Gourgeon, le DG d’Air France évoquait de son côté « des messages automatiques de maintenance émis vers 4 h 15 par l’appareil, pour annoncer un certain nombre de défaillances et d’une panne générale de circuit ». Pourtant, l’avion, mis en service en 2005, ne présentait aucune anomalie lors de son inspection le 17 avril. De plus, l’équipage était expérimenté, avec un commandant de bord qui avait effectué 11 000 heures de vols, dont 1 700 sur des Airbus A 330 et A 340. Foudre, turbulences, panne, acte terroriste, tous les scénarios étaient envisagés, alors que les secours tentaient cette semaine de retrouver les boîtes noires d’un appareil dont des débris ont été signalés au large de l’île de Fernando de Noronha au nord-est du Brésil . Air France a très rapidement mis en place une cellule de crise, ainsi qu’une assistance psychologique et a adressé un message de condoléances aux familles et aux proches des passagers et des membres d’équipage du vol. Parmi les victimes on comptait 72 Français, dont très peu ont apparemment eu recours à des agences de voyages, celles-ci n’ayant pas été sollicitées après la disparition, selon Jean-Pierre Mas, président de la commission air du Snav.

UNE CRISE SOUDAINE ET VIOLENTE

Cette catastrophe – la plus grave dans l’histoire d’Air France – vient conclure tragiquement l’un des mois les plus difficiles de la compagnie. En effet, quelques jours avant le drame, le groupe Air France-KLM avait annoncé les premières pertes nettes de sa jeune histoire (la fusion avec KLM date du 5 mai 2004), à -814 ME. Le groupe invoquait bien sûr la crise pour expliquer ces mauvais résultats. Pourtant, nombre de commentateurs ont souligné que, contrairement à la période 2001-2004 où elle a su se mettre à l’abri en profitant de la défaillance de certains concurrents, notamment sur l’Afrique, c’est la stratégie de la compagnie qui aurait cette fois-ci amplifié les pertes. Sur le seul dernier trimestre de l’exercice (janvier à mars 2009), la politique de couverture carburant a ainsi pesé pour 243 ME dans sa perte d’exploitation. Le groupe a peut-être aussi manqué de réactivité face à la soudaineté et la violence de la crise, qui s’est traduite par une perte unitaire de 15 % au dernier trimestre de l’exercice 2008-2009 et par un plan d’économies comprenant, entre autres mesures, la suppression d’environ 3 000 postes sur deux ans, après en avoir déjà supprimé 2 700 en 2008. À ces mauvaises nouvelles économiques, se sont ajoutés des tracas commerciaux. Toujours en mai, l’Union européenne a épinglé Air France, ainsi qu’une quinzaine de compagnies et 22 sites, pour leurs manquements à la « réglementation européenne protégeant le consommateur de la publicité mensongère et des pratiques déloyales ». « Il s’agissait en fait d’un problème de traduction sur notre site hongrois », glisse une source interne du transporteur. Qu’importe, même si Air France invoque aussitôt sa bonne foi et insiste sur sa volonté de coopérer avec l’UE, l’image de la compagnie en prend un coup. Elle en prendra un autre avec l’assignation en justice du transporteur par l’UFC-Que Choisir. Cette fois-ci, ce sont les clauses abusives incluses dans les conditions générales de vente d’Air France ou son irresponsabilité pour les prestations touristiques annexes telles que la location de voiture ou la réservation d’hôtel, qui sont dans le collimateur de l’association de consommateurs. Tous ces événements pourraient marquer durablement la compagnie. Dès la première conférence de presse après la catastrophe, Pierre-Henri Gourgeon, directeur général, expliquait qu’« Air France [est] meurtrie et que toute la communauté d’Air France [souffre] énormément ». Si le choc est immense en interne, il ne l’est pas moins en externe. Jusqu’à entamer la confiance, très grande, dans la compagnie ?

« TECHNIQUEMENT, LA CONFIANCE RESTERA »

« Nous sommes anéantis, mais je me dis qu’il faut continuer à travailler tous très dur pour garder la confiance de nos clients », avouait un salarié d’Air France après la catastrophe. Ils n’ont rien à craindre du côté des professionnels. « Attention à ne pas mélanger ce qui est conjoncturel et ce qui est structurel », prévient Jean-Pierre Mas, président d’Afat Voyages et de la commission air du Snav. « Air France a montré beaucoup de professionnalisme et de rigueur dans la gestion de l’événement. Je pense que si la confiance peut être émotionnellement écornée quelques heures, elle ne sera pas du tout entachée à long terme », analyse-t-il. L’effet émotionnel, Christian Coulaud, PDG de Runaworld, spécialisé dans le voyage d’affaires l’a vérifié auprès de sa clientèle après la catastrophe de la West Caribbean en 2004 qui ait fait 160 morts, ou de l’accident de l’A 340 d’Air France en 2005 à Toronto, qui n’avait pas fait de victimes : « j’ai constaté une chute des ventes de l’ordre de 3 à 4 % mais certainement plus liée à la peur de l’avion qu’à la compagnie », souligne-t-il. « Mais cette baisse n’a pas duré très longtemps et très vite, les clients oublient. » Les vendeurs savent aussi faire la part des choses : « On peut reprocher à Air France beaucoup de choses commercialement – l’actualité le montre – mais techniquement, la confiance restera totale dans l’esprit des vendeurs, et même dans celle des consommateurs qui ont l’image d’une compagnie hypersérieuse », poursuit Jean-Jacques Loutrel directeur de l’agence de LCC Voyages de Conflans-Saint-Honorine. « Ce n’est pas le cas de toutes les compagnies », lance-t-il. Après le choc, une longue enquête va désormais commencer, dirigée par le BEA (Bureau enquête accidents), qui sera d’ailleurs le seul organisme à donner des informations sur les causes de la disparition du vol. L’exemple du crash du B 737 de Flash Airlines a montré combien ce travail peut être long et fastidieux, voire contradictoire et polémique.

%%HORSTEXTE:1%%

Laisser votre commentaire (qui sera publié après moderation)

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Dans la même rubrique