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Menace terroriste : le voyageur n’est pas roi !

Des clients d'agences demandent le report, l'annulation ou le remboursement de tout ou partie de leur voyage, suite aux actes et menaces terroristes. Quelle attitude adopter ? Les réponses de l'avocate Emmanuelle Llop.

 

Depuis les attentats de Paris, nombre de clients d’agences de voyages s'interrogent par rapport à leurs futurs déplacements. Une anxiété bien compréhensible, d’autant que divers incidents et menaces terroristes se sont succédé depuis un mois. De Charm-el-Cheikh à Bamako, de Paris à Bruxelles. Me Emmanuelle Llop, du cabinet Equinoxe Avocats, répond aux questions que vous posent, ou pourraient vous poser des voyageurs inquiets. Ses réponses concernent des destinations en particulier, mais pourraient s’appliquer à d’autres pays troublés par des événements géopolitiques ou sanitaires. Et prouvent que le client n'est pas roi, du moins à l'heure actuelle. Avec la nouvelle directive sur les voyages à forfait, des circonstances exceptionnelles ou inévitables pourraient donner le droit au consommateur d'annuler sans frais ses vacances ou son escapade d'un week-end.

L'Echo touristique : Que répondre à un client qui souhaite annuler ou reporter un voyage en Turquie, alors même que le ministère des Affaires étrangères (MAE) ne déconseille pas la destination ? Cette question concerne aujourd’hui la Turquie, mais pourrait valoir demain pour une autre destination marquée par des troubles géopolitiques ou sanitaires.
Emmanuelle Llop :
Comme pour toutes les destinations dites  "à risques",  et malheureusement Paris en fait partie au regard des étrangers comme des Français désormais, la survenance d’attentats demeure une hypothèse plausible et non une certitude quant au moment et à l’endroit. Si une destination n’est pas déconseillée notamment par le MAE, et si l’agence a l’assurance que les prestations prévues au contrat du client seront servies, alors, l’annulation par ce dernier sera soumise aux frais prévus par le contrat, dès lors que le rétro-calendrier a commencé à courir. Quant aux reports, ils restent une option, mais certainement pas un droit du client en pareilles circonstances. Tout dépend également des prestataires de l’agence ; dans certains cas concrets, que j’ai récemment rencontrés, l’agence est parvenue par un travail acharné à diminuer les frais d’annulation de 60% à 25%. Ce qui n’empêche pas le voyageur de lui réclamer le remboursement total…

Que peut-on dire à un client qui désire annuler ou reporter un voyage à Paris, suite aux attentats ?
C’est la même problématique – et la même réponse – que pour la Turquie. A cette nuance près que, si pendant l’état d’urgence, certains lieux sont interdits ou fermés, le Fait du Prince constitué par la décision de fermeture est assimilable à la force majeure. Dans ce cas, la force majeure entraîne la résolution (annulation) du contrat et le remboursement des prestations rendues impossibles.

Supposons que des spectacles soient annulés à Bruxelles, ou des lieux culturels fermés à Paris (Tour Eiffel, Disneyland Paris…)*, le client peut-il demander l’annulation du voyage sans frais ? Ou un dédommagement à son retour du voyage réalisé ?
Dans ce cas, si la décision est un ordre (Fait du Prince), cela aboutit à la résolution des prestations achetées et à leur remboursement ou leur report si cela est possible. Si le reste du voyage est assuré et que les prestations annulées sont accessoires, il n’y a aucune raison pour que l’ensemble du contrat soit remboursé.

Que répondre à un consommateur qui voudrait annuler/reporter un voyage en groupe, par peur panique de l’avion (pour privilégier un voyage en train par exemple) ? Le risque est faible, mais nous ne sommes pas à l’abri, surtout depuis que nous avons pris connaissance de la présence d’une bombe à bord de l’avion dans le Sinaï.
La réponse est simple : l’annulation sera à ses frais, car ce n’est pas à l’agence de supporter financièrement les craintes des clients.

Dans le contexte actuel, plus généralement, quand la force majeure peut-elle être invoquée ?
La force majeure est constituée d’événements imprévisibles au moment de la conclusion du contrat, insurmontables et extérieurs. En matière de tourisme, les juges regardent cependant si la force majeure existe au moment où les prestations doivent être servies. Si on prend comme exemple les terribles événements de Paris, et malgré l’état d’urgence, la force majeure est circonscrite aux attentats eux-mêmes, et aux deux jours suivants qui ont donné lieu à des décisions d’interdiction et de fermeture (voyages scolaires, Disney, Tour Eiffel, Lido etc.).

* Dans tous les cas, les professionnels doivent bien informer leurs clients de tout changement, pour le bon déroulement du voyage, et afin d'éviter tout litige ultérieur. Les procès consécutifs à l'annulation du marathon de New York l'ont une fois de plus prouvé.

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