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« Prendre 10 jours pour voyager en Thaïlande, c’est un modèle révolu », selon l’aventurier Matthieu Tordeur

Matthieu Tordeur (30 ans) est devenu, très tôt, un aventurier au long cours. Plus jeune membre de la Société des explorateurs français, le Rouennais a rallié le Pôle Sud en solitaire en 2019, en 50 jours, sans assistance ni ravitaillement. Avec un traîneau de 115kg à traîner à la force des bras, perché sur ses skis. Nous l’avons récemment interviewé dans le cadre du séminaire du Club Tourisme et Technologie (CTT).

L’Echo touristique : Comment est né ce projet d’expédition en Antarctique ?

Matthieu Tordeur : J’ai eu la chance d’accomplir de beaux projets avant de partir en Antarctique. J’ai parcouru l’Europe à vélo à 18 ans, ma première aventure. J’ai effectué un tour du monde en 4L à travers 40 pays, pour promouvoir la microfinance pendant un an. L’Antarctique était pour moi la dernière frontière. Un continent mystérieux, découvert il y a seulement 200 ans, rallié pour la première fois en 1911. Cette destination me faisait rêver, comme plein de gens. J’ai été inspiré et émerveillé par les aventures des explorateurs que sont Scott, Amundsen, Shackleton, Paul-Emile Victor, Jean-Louis Etienne. J’ai eu envie de sortir de ces récits pour en faire l’expérience. Quand j’étais étudiant, j’ai donc postulé à des programmes scientifiques pour être agent d’entretien sur des bases polaires. Mon profil n’a pas été retenu. De là est né le projet d’une expédition à la manière de mes héros pour rejoindre le pôle Sud. Je suis finalement parti à 26 ans, après plusieurs années de préparation.

C’était aussi pour toi une leçon de résilience ?

Matthieu Tordeur : Au départ, c’était la réalisation d’un rêve de gosse. Comme l’expédition a été plus difficile que prévu, il a effectivement fallu faire appel à des trésors de résilience pour ne pas baisser les bras. Tu passes 50 jours tout seul, dans un désert blanc très venté, sans animaux. Il fait jour 24h/24, froid bien sûr, jusqu’à -40 degrés. C’était également une aventure intérieure très forte.

Quand j’étais en Antarctique, il a fait beaucoup plus chaud que prévu : -5 degrés quand il devait plutôt faire -30 degrés, pendant trois semaines.

« Quand j’étais petit, je voulais devenir Tintin », dit Matthieu Tordeur.

La neige molle, dans laquelle vous avez pédalé comme dans du sable, a fortement ralenti votre avancée à skis. Quel est votre regard sur le réchauffement climatique ?

Matthieu Tordeur : Je ne suis pas un spécialiste du climat ni de l’environnement. Comme j’ai 30 ans, je reste assez humble dans mes constats. Je me place toutefois en qualité de témoin, compte tenu de mes observations et celles de populations locales. Quand j’étais en Antarctique, il a fait beaucoup plus chaud que prévu : -5 degrés quand il devait plutôt faire -30 degrés, pendant trois semaines. Ce radoucissement s’est accompagné de fortes chutes de neige. Mon lourd traîneau avait du mal à glisser sur les 30cm de neige fraîche qui tombait chaque jour. Ce qui m’a fortement ralenti. Normalement, cette partie du monde reçoit moins de précipitations que l’Afrique. A mon retour, les spécialistes m’ont bien confirmé qu’il s’agissait d’une anomalie. L’Antarctique subit clairement le dérèglement climatique, avec des phénomènes de réchauffement aléatoires selon les années. En Arctique, c’est différent : la perte de glace empire chaque année.

Voyager comme nos parents n’est pas soutenable

Votre livre Le continent blanc est un hymne au dépassement de soi et à la découverte aussi. Après avoir traversé 90 pays au total, vous êtes forcément un ambassadeur du voyage. Non ?

Matthieu Tordeur : Mes aventures itinérantes m’ont permis de traverser des continents à vélo, en 4L, à la voile… Souvent en mode low cost. Je n’aurai jamais la prétention de dire que je connais bien ces 90 pays. Au Costa Rica, je n’ai vu qu’une station-service…

Selon moi, ce n’est pas nécessaire de voyager partout. Je suis aussi un défenseur de la micro-aventure. Il faut éventuellement renoncer aux vols long-courriers de 8 jours, pour aller aux mêmes endroits que tout le monde. Prendre 10 jours de congés payés pour voyager en Thaïlande, c’est révolu. L’ancien modèle. Nous devons changer le paradigme du voyage. Et partir pas longtemps et moins loin, ou loin mais plus longtemps. 

Le voyage a fait partie de ma construction, j’en suis donc un défenseur. Toutefois, le voyage doit se réinventer. Des questions se posent sur l’usage de l’avion long-courrier. De nouvelles façons de voyager et de nouveaux modes de transport émergent, c’est bien. Il faut si possible réintégrer le temps du voyage dans le transport. J’ai bien conscience que tout le monde n’a pas le temps que je peux avoir. Mais le mode de voyage de nos parents n’est pas soutenable. C’est en tout cas ma vision.

Après la traversée à pied des Pyrénées cet été, quels sont vos projets ?

Matthieu Tordeur : C’étaient des vacances sportives dans les Pyrénées, d’Est en Ouest, pendant 32 jours. Mon dernier projet est un documentaire sur le plus long glacier du monde, le Fedchenko, dans le Tadjikistan. Avec l’écrivain-voyageur Cédric Gras et le réalisateur Christophe Raylat, nous racontons les difficultés d’accès à l’eau en Asie centrale, laquelle ne vient que des glaciers. Nous sommes partis de la mer d’Aral, asséchée par les Soviétiques dans les années 70 et 80. Si des glaciers viennent à disparaître, d’autres drames pourront avoir lieu, et affecter les populations.

Et votre prochaine expédition ?

Matthieu Tordeur : Je devrais retourner en Antarctique en janvier et février 2023, cette fois à la voile. C’est pour tourner un film de sensibilisation sur la faune et le continent, avec le photographe animalier Jérémie Villet. Mon autre projet, prévu en avril 2023 est une expédition scientifique au pôle nord géographique. L’objectif est de prélever du carbone noir, qui est de la pollution se déposant partout, notamment sur la banquise. Ce carbone noir attire les rayons du soleil, et accélère la fonte de la banquise.

3 commentaires
  1. Laman franck dit

    Oui bien sur, voyager loin et plus longtemps, facile à dire, moins à faire , il faut vivre exactement avec son temps et quand on est salarié, rien n’est simple. Il faut s’adapter à tout le monde et ne pas prendre élitisme pour en faire une référence. Soyez aussi dans votre temps et ouvrez donc les yeux sur la VRAIE vie des français « moyen »

  2. Voyageur 2.0 dit

    Mdr , 10 jours en Thaïlande c’est fini ?
    Il conseille quoi le spécialiste ? Que les gens prennent un mois de congés pour aller en Asie … non mais franchement faut arrêter votre délire , surtout quand on sait le vrai impact du transport aérien égal environs à 4% des émissions mondiale de gaz à effet de serre …… si demain on arrête de voyager en Asie ou ailleurs , ils vont faire quoi les gens qui remplissent leur assiette grâce au tourisme ??? Ils vont s’industrialiser et faire de l’agriculture intensive par exemple et quand on sait que l’agriculture et l’industrie émettent bien plus de gaz à effet de serre que l’aérien , moi je dis que vous prenez tous le problème du mauvais côté …..

  3. Wayan JC dit

    Le changement climatique n’est pas nouveau et date depuis la creation de la terre. Cette terre qui bouge sans cesse pour nous surprendre dans notre etat de decadence. Merci a elle pour regenerer la vie en continuite.

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