Virus chinois : le point sur la situation
L’inquiétude monte au sujet du virus chinois, qui a déjà fait 9 victimes. Les aéroports sont en alerte, l’OMS aussi. Le point sur la situation avec le docteur Philippe Guibert, directeur médical régional de International SOS.
Ce que l’on sait du virus
A mesure que les semaines passent, on en sait plus sur le “mystérieux virus”, dont l’origine semble se trouver dans un marché de la ville chinoise de Wuhan, fermé depuis le 1er janvier. La souche incriminée est un nouveau type de coronavirus, une famille comptant un grand nombre de virus. Ils peuvent provoquer des maladies bénignes chez l’homme (comme un rhume) mais aussi d’autres plus graves comme le Sras (syndrome respiratoire aigu sévère). Pour rappel, en 2002-2003, ce virus hautement contagieux avait tué quelque 650 personnes en Chine continentale et à Hong Kong, et avait lourdement impacté l’industrie touristique. Une comparaison qu’il faut toutefois nuancer. “Le monde a énormément appris des crises précédentes, souligne Philippe Guibert, directeur médical régional, consulting Santé au sein d’International SOS. On a appris à mieux se préparer, à mieux répondre. Le monde de 2020 n’est pas celui de 2003, et la Chine de 2020 n’est plus non plus celle de 2003. Nos équipes sont sur place, et elles constatent que les autorités chinoises déploient des moyens impressionnants pour enrayer l’épidémie”. Selon les toutes dernières informations, ce virus, qui se transmet par les voies respiratoires, “pourrait muter et se propager plus facilement”, ont indiqué les autorités chinoises lors d’une conférence de presse. La contagion entre personnes est désormais avérée. A l’heure où nous rédigeons ces lignes, le bilan est de 9 morts. 440 sont confirmés mercredi matin. Près d’un millier de patients sont par ailleurs en observation, selon un communiqué la Commission nationale de la santé chinoise. Si l’épidémie inquiète, c’est aussi parce qu’elle intervient juste avant la période annuelle de voyages la plus dense du pays, avec les vacances du Nouvel An lunaire, qui a lieu le 25 janvier, prétexte à de nombreux déplacements pendant une période s’étalant sur plusieurs semaines. Et des inconnues subsistent : “Nous n’avons pas encore le profil exact de gravité, explique Philippe Guibert. C’est encore difficile d’établir des ratios sur quelques centaines de cas, pour définir un taux de sévérité ou de mortalité. Nous savons également encore peu de choses sur la période d’incubation et sa durée. Si le malade est contagieux avant l’apparition des symptômes, la gestion de la crise sera plus complexe.”
D’autres pays déjà touchés
Des cas ont été rapportés ailleurs en Asie : au Japon, en Corée du Sud, en Thaïlande, à Taïwan. Comme les Etats-Unis le redoutaient, un premier passager en provenance de Wuhan a contracté le virus, ont annoncé les Centres de prévention et de contrôle des maladies (CDC) américains mardi. L’homme a été hospitalisé par précaution et va bien. « Nous nous attendons à d’autres cas aux Etats-Unis et dans le monde », a prévenu Nancy Messonnier, responsable des CDC. Le risque pour les Américains reste cependant « faible à ce stade », a-t-elle dit. A Hong Kong, les autorités se disent en « alerte maximale ». L’aéroport de la ville, l’un des plus fréquentés du monde, procède déjà en temps normal au contrôle thermique de tous les passagers. Ceux qui arrivent de Wuhan doivent également remplir un formulaire. Ils s’exposent à des sanctions pouvant aller jusqu’à 6 mois de prison en cas de mensonge. Les longues frontières terrestres de la Chine sont également surveillées, notamment au Vietnam. La Corée du Nord aurait quant à elle décidé de «temporairement fermer sa frontière à tous les touristes étrangers par mesure de précaution face au coronavirus», apparu dans la Chine voisine, rapporte une agence de voyages locale, Young Pioneer Tours. Cette agence indique toutefois qu’elle ignore les détails de cette mesure et attend de plus amples informations ce mercredi. “Ce qui est quand même frappant, c’est la vitesse de propagation du virus, remarque Philippe Guibert. En quelques jours il a atteint plusieurs continents. Ça va très vite, et notre monde hyperconnecté favorise ce type de transmission. Il sera intéressant de voir à quelle vitesse ce virus va se propager aujourd’hui du fait des moyens de transports. Wuhan est relié à 3 aéroports américains en direct, 3 aéroports européens, et bien sûr il est connecté à toute l’Asie. Par rapport aux épisodes précédents de cette nature, si la gestion s’est grandement améliorée, les connexions se sont largement développées, et cela peut jouer sur la propagation du virus.” « Etant donné le petit nombre de contagions d’humain à humain rapporté, le potentiel de transmission dans les pays développés « devrait être faible », a de son côté commenté Paul Hunter, professeur de protection sanitaire à l’université d’East Anglia, via l’organisation Science Media Centre, mais à condition que les procédures de contrôle soient appliquées rigoureusement. »
Les aéroports en alerte
Aux Etats-Unis, tous les passagers provenant de Wuhan, par des vols directs ou indirects, devront arriver aux Etats-Unis par cinq aéroports (New York JFK, Los Angeles, San Francisco, Chicago, Atlanta) où les autorités sanitaires ont mis ou vont mettre en place des contrôles systématiques : questionnaires et prise de la température par un thermomètre sans contact. Australie, Russie, Népal, Singapour, Malaisie, Vietnam, Bangladesh et Inde ont renforcé les contrôles depuis quelques jours. En Thaïlande, qui accueille à elle seule un quart des vols internationaux au départ de Wuhan, les autorités ont mis en place des détections thermiques obligatoires dans les aéroports de Bangkok, Chiang Mai, Phuket et Krabi, pour les passagers en provenance des zones chinoises à risques, avec quarantaine de 24 heures imposée en cas de fièvre. A l’aéroport de Cheremetiévo, le plus grand de Russie, la température des passagers venus de Chine est contrôlée dans les avions par caméras thermiques. A Hong Kong, les autorités se disent en « alerte maximale ». L’aéroport de la ville, l’un des plus fréquentés du monde, procède déjà en temps normal au contrôle thermique de tous les passagers. Ceux qui arrivent de Wuhan doivent également remplir un formulaire. Ils s’exposent à des sanctions pouvant aller jusqu’à 6 mois de prison en cas de mensonge. Les longues frontières terrestres de la Chine sont également surveillées, notamment au Vietnam. En France, des instructions ont été données aux aéroports par le gouvernement, aucune restriction de vol n’a été décidée. Des messages de précaution sont diffusés dans les vols directs en direction et en provenance de Wuhan et des affiches rappelant la conduite à tenir en cas de symptômes sont affichées dans les aéroports internationaux, a indiqué la ministre de la Santé, Agnès Buzyn. La France n’a en revanche pas mis en place de contrôle systématique de la température des voyageurs en provenance de Chine, contrairement à d’autres pays comme la Russie et la Thaïlande. Dans l’Hexagone, le risque est « faible mais ne peut pas être exclu », a déclaré la ministre de la Santé.
Les pros suivent la situation de près
Pour l’heure, l’OMS ne préconise aucune restriction de voyage. Une nouvelle réunion doit avoir lieu mercredi soir à 19h, heure de Paris, pour déterminer s’il convient de déclarer une « urgence de santé publique de portée internationale ». Les derniers cas déclenchant cette classification étaient la grippe porcine H1N1 en 2009, le virus Zika et la fièvre Ebola en 2016. Faut-il en attendre des mesures concrètes ? “Il s’agit surtout d’un message pour inciter les nations à activer leurs plans de santé nationaux”, indique Philippe Guibert pour International SOS, qui constate qu’en matière de voyages d’affaires, les entreprises prennent déjà leurs responsabilités. “Elles n’attendent pas les éventuelles instructions des autorités pour agir, et annuler une réunion ou un déplacement à Wuhan, relève-t-il. Ce sont des mesures qui relèvent du bon sens, et doivent être adaptées au cas par cas.” Les TO suivent également la situation de près. Le Seto se tient informé de l’évolution de la situation sur place. « On agira si nécessaire », indique René-Marc Chikli, le président du Seto. “Suite à (la réunion de l’OMS), s’il y qualification du degré d’urgence, nous déclencherons un call Seto pour définir une position commune et un aménagement éventuel de nos conditions de report ou d’annulation, explique pour sa part Guillaume Linton, le PDG d’Asia. D’ici là, nous rassurons nos clients, surtout sur des départs éloignés -à plus de 2 mois-. Il n’y a pas de modifications de nos CGV”, précise-t-il. Le Quai d’Orsay, lui, n’a pas fait évoluer ses recommandations pour la Chine depuis le 20 janvier, invitant les voyageurs à prendre certaines précautions à et se signaler exclusivement en appelant le Samu en cas de symptômes suspects et ce avant toute consultation chez un médecin généraliste ou dans un service d’urgence. Les recommandations ont aussi été actualisées pour le Japon, Taïwan et la Thaïlande.
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