Vanessa Heydorff (Booking) : « Les prix des hôtels baissent à Paris sur la période des Jeux olympiques »
Tendances de réservations, diversification, intelligence artificielle… Vanessa Heydorff aborde toutes ces questions à l’occasion de sa première interview pour la presse professionnelle du tourisme depuis son retour chez Booking.com
Vous avez dirigé Booking.com pendant 4 ans, jusqu’en 2020. Quelles fonctions avez-vous occupées depuis 2020 et pourquoi revenez-vous chez Booking ?
Vanessa Heydorff (directrice générale France de Booking.com) : J’ai travaillé au sein de Karhoo, une plateforme digitale centrée sur la mobilité, comme senior vice présidente, puis pendant deux ans en tant que conseillère du commerce extérieur pour la France. J’aime beaucoup le secteur du voyage et du tourisme. D’où mon retour au sein de Booking.com, après cette riche expérience dans l’innovation, l’inclusion, la diversité.
Quelle est votre feuille de route ?
Vanessa Heydorff : Je reprends la feuille de route de Booking, qui consiste à développer une offre de voyage connecté : avec les hôtels, les hébergements alternatifs, les vols, les attractions, les restaurants…
Nous sommes un one-stop-shop. (…) Les ventes de billets d’avion ont progressé de 73% au premier trimestre 2023.
Cela veut dire que Booking ne veut plus être identifié comme une plateforme de réservation d’hôtels, mais un véritable hub de voyage ?
Vanessa Heydorff : Oui, nous sommes un one-stop-shop (guichet unique, NDLR). Au-delà de la réservation d’hôtels, nous voulons offrir une expérience de voyage sans faille, depuis la planification jusqu’au retour à la maison. Nous développons ainsi l’idée du voyage connecté. Les ventes de billets d’avion ont par exemple progressé de 73% au premier trimestre 2023. La tendance s’est poursuivie sur le reste de l’année. En phase avec les tendances de consommation, dans l’offre de transports terrestres, nous avons désormais des taxis électriques et des locations de véhicules électriques, dans plus de 130 pays.
Cette stratégie de diversification passe uniquement par des partenaires en marque blanche ?
Vanessa Heydorff : Oui, par des marques blanches dans le transport, les attractions et les restaurants. Nous avons aussi diversifié les hébergements. Sur les 26 millions de listings d’hébergement, nous avons 7,2 millions d’annonces de logements alternatifs. Le segment des hébergements alternatifs enregistre une progression de +24% au troisième trimestre 2023, en nuitées réservées. Sa croissance dépasse celle des hôtels. C’est aujourd’hui 33% de l’ensemble des nuitées d’hébergement réservées.
Quelles sont les tendances de réservation en 2024 ?
Vanessa Heydorff : Nous restons résolument optimistes pour 2024 (voire l’encadré ci-dessous, NDLR). Nous continuons d’observer la résilience des voyageurs. En termes de tendances de recherches, la clientèle internationale aspire à venir en France un peu plus qu’auparavant, notamment les Américains mais aussi les Asiatiques. La province et le balnéaire sont également en forte croissance, au niveau des voyages en France.
Quel est l’impact des Jeux olympiques sur la demande, notamment au niveau des recherches et des prix ? Des professionnels se réjouissent d’une hausse de fréquentation, d’autres redoutent des stratégies d’évitement.
Vanessa Heydorff : En termes de tendances de recherche, la demande des clientèles internationales progresse plus vite que celle des clientèles domestiques. Nous constatons que les prix fixés par les hôtels à Paris baissent actuellement sur la période des Jeux olympiques. Ce que nous entendons du marché, c’est qu’il reste des disponibilités dans les hôtels parisiens. Par ailleurs, toujours sur la période des JO, les villes à environ 1h30 de Paris, comme Amiens, Orléans ou Angers, enregistrent une augmentation assez forte des recherches.
Autre sujet franco-français, Thierry Marx veut lancer un « Booking » à la française. Une réaction ?
Vanessa Heydorff : Nous sommes toujours ravis de voir de nouveaux acteurs arriver sur le marché. C’est stimulant pour le développement du secteur du tourisme, et ses bonnes pratiques. Nous, en tant qu’entreprise européenne, le cadre européen nous semble, justement, pertinent pour avoir une offre adaptée à nos partenaires, au niveau mondial.
50% des réservations seront à terme touchées par des formes profondes de l’IA.
Booking.com est basé à Amsterdam. Une ville qui dit désormais « non » aux nouveaux hôtels ? Pouvez-vous comprendre une telle décision ?
Vanessa Heydorff : Nous avons toujours été dans une approche collaborative de la gestion des seuils d’affluence, avec toutes les parties prenantes. Deux choses nous semblent importantes : la vision d’un tourisme dont les bénéfices sont répartis de manière équitable, et de destinations agréables à vivre pour les habitants. Par conséquent, nous soutiendrons la vision d’Amsterdam. Nous essayons d’être en partenariat avec des villes, en France comme à l’international. Il faut garder le dialogue en local, c’est essentiel.
Après la désactivation d’un badge Voyage durable critiqué, souhaitée par les Pays-Bas, qu’a décidé d’afficher Booking ?
Vanessa Heydorff : Nous avons suivi les recommandations de l’Autorité néerlandaise des consommateurs et des marchés. L’affichage de 1 à 3 feuilles n’existe plus, à l’échelle mondiale. Nous avons mis à jour notre site, en instaurant le certificat de durabilité. Les voyageurs peuvent ainsi filtrer et identifier les hébergements certifiés par un organisme tiers. C’est essentiel. Selon une de nos études, 83% des voyageurs souhaitent voyager de manière plus durable.
Que développe Booking en matière d’IA ?
Vanessa Heydorff : Nous travaillons sur l’intelligence artificielle et le machine learning depuis très longtemps. Nous souhaitons ainsi enrichir l’expérience des voyageurs. Selon nos prévisions, d’ici quelques années, 50% des réservations seront touchées par des formes plus profondes de l’IA. Nous avons déjà mis en place le AI Trip Planner, qui conseille le voyageur et répond à ses questions. Ce planificateur est toujours en phase pilote. Nous n’avons pas encore sa date de déploiement en Europe. qui nous semble capital. Environ 48% des voyageurs font déjà confiance à l’IA pour les aider à planifier leurs voyages.
Un bon premier trimestre 2024
Booking annonce 43,5 milliards de dollars de réservations brutes au premier trimestre 2024 clos en mars, soit une augmentation de 10% en glissement annuel. Le nombre de nuits réservées progresse de 9% dans le même temps. « La croissance plus élevée que prévu du nombre de nuitées est due à une demande sous-jacente saine, à des résultats meilleurs que prévu en Europe et à un impact négatif de la guerre au Moyen-Orient moins important que prévu », a déclaré le directeur financier Ewout Steenbergen lors d’une conférence téléphonique avec des analystes. La société basée à Norwalk (Connecticut) affiche un chiffre d’affaires trimestriel de 4,41 milliards de dollars (+17%).
Les annulations tombent en cascades pour le début des JO
Comme d’habitude les hôteliers se sont fait miroiter des bénéfices mirabolantes avec les JO (comme toute autre grosse manifestation sportive ou culturelle) et ont délaissé une partie de la clientèle (d’affaires) de base. (tel est mon cas professionnel). Du coup cette clientèle de base évite Paris si elle le peut. D’autant plus, l’organisation des JO, qui avaient bloquée d’énormes quantités de chambres, ont dernièrement procédés aux levées d’options auprès les hôtels. Résultat des courses: baisse de demande = baisse tarifaire.