Universités du tourisme durable : les 4 leçons à retenir
Les 8es Universités du Tourisme Durable se sont déroulées hier à Montpellier, avec près de 500 participants, un record. Les paradoxes actuels ont été soulignés, entre fréquentation à maîtriser et pollution à réduire, sur fond d’inflation à contenir.
Sur le thème « Affronter les paradoxes : transition ou rupture ? », les Universités du Tourisme Durable, co-organisées par l’association Acteurs du Tourisme Durable (ATD) et le Comité Régional du Tourisme et des Loisirs d’Occitanie, ont permis des échanges entre professionnels, lors de multiples tables rondes. Quelques morceaux choisis.
Les jeunes face à l’urgence écologique
Hélène Cloitre et Arthur Gosset, âgés de 25 et 27 ans, sont emblématiques de cette jeune génération de diplômés en rupture avec leur formation de grandes écoles, en l’occurrence Centrale et l’Ieseg. Ils ont réalisé le film « Ruptures » sur ce sujet. Hélène a notamment approché le secteur du tourisme, lors d’un stage chez Voyage Privé en Italie. A leurs yeux, le voyage contribue à dérégler le climat (11% de gaz à effet de serre en France dont 70% en transports), détériore la biodiversité et les ressources en eau, accentue la pollution sonore et lumineuse, et génère des crises du logement. Ils prônent des déplacements plus longs, si possible à vélo ou en voilier, plus proches, et moins instagrammables, pour éviter que « 95% des touristes se concentrent sur 5% des territoires ».
Le courage d’affronter les paradoxes du tourisme
Lors d’une table ronde, Jean-Christophe Guérin, co-fondateur d’Ahimsa Voyages, a expliqué son positionnement. « Depuis 2021, nous proposons des voyages en Europe sans prendre l’avion, et des voyages en long-courrier de quatre semaines minimum. C’est difficile de changer de logiciel de croissance, et d’accepter de faire voyager moins de clients ». Ses produits sont censés être éco-responsables et sur mesure, et s’adresser à des repeaters tout comme des primo-voyageurs. Pragmatique, il reconnaît que l’inflation fait augmenter mécaniquement le prix des voyages et que certains clients ne pourront pas passer certains seuils de budget. « C’est à nous de réorienter leur demande, c’est notre métier. »
Quelles conséquences à substituer une clientèle lointaine par une autre clientèle ?
Le bilan carbone émis par les touristes lointains est certes lourd, mais il est difficile de s’en passer quand on est hôtelier à Cannes ou à Paris… Surtout pendant la Coupe du monde de rugby en septembre 2023 et pendant les JO en été 2024 ! Le CRT de Nouvelle Aquitaine, lui, va disposer d’un calculateur précis d’ici la fin de l’année, pour mesurer le bilan des visiteurs. « Nous pouvons agir en arrêtant la promotion sur les marchés lointains ou en proposant une offre de long séjour. Mais il faut accentuer l’intermodalité des transports pour éviter un afflux de visiteurs sur une seule ville », dit Amandine Southon, responsable RSE. « Attention à la hausse des prix des hôtels et des billets d’avions, prévient Thomas Deschamps, directeur de l’Observatoire du tourisme durable à l’OT de Paris. Cela peut peser dans l’allongement des séjours et faire baisser le trafic aérien par manque de passagers. »
Le tourisme de masse peut-il être responsable ?
Pour Jean-Michel Blanc, l’animateur de la table ronde, le tourisme de masse n’est rien d’autre que « l’afflux de touristes en séjour sur une destination », en villages de vacances ou en campings, à vocation sociale. Souvent installés en zone rurale, ces établissements ont pris le pli du tourisme responsable, trient les déchets, raisonnent l’eau, proposent des mobilités douces (vélos ou véhicules électriques), organisent des circuits courts alimentaires. Pour rester ouverts toute l’année et générer des emplois, des solutions multi-usages sont envisagées, comme accueillir des télétravailleurs et proposer un restaurant pérenne. Un bémol : la multiplicité des labels écologiques, qui mériterait d’être simplifiée…
Bonjour JPL, En effet (lire ma réponse initiale à l’article, ci-dessous) il faut commencer par définir le sujet. C’est ce que j’ai fait lors de la conférence (avec rappelle plus bas). Il ne s’agissait pas de traiter du surtourisme, ni des formes de tourisme de masse que sont les croisières par exemple. Il s’agissait de partir de la … demande naturelle à partir des données de la question : rappel de l’histoire du tourisme (congés payés, … grands aménagements littoraux,….), et de faire témoigner des professionnels de terrain (pas des chercheurs ou des institutionnels), sur leur propres actions pour … allers vers … un tourisme responsable. Il s’agissait de pointer les responsabilités des pouvoirs publics à tous les étages, pour réguler le développement harmonieux d’un territoire, respectant les hommes et l’environnement. Il s’agissait d’admettre que l’essentiel des « BESOINS » de vacances de ceux qui partent (rappel : 40% des Français NE PARTENT PAS) consiste à se rendre au soleil et à la mer en été pour se … poser. Et ceci autorise à réfléchir une véritable politique de gestion des transports (ferroviaires, dessertes locales, circulation douce, etc…) plus facile à organiser que la gestion de flux de voitures et de bus sur des sites naturels saturés par des afflux intempestifs de visiteurs ‘hors de sentiers battus’. Le propos de l’écotourisme n’est pas à opposer. Mais croire que la demande peut être régulée en 4 saisons et sur tout le territoire est une sympathique vue de l’esprit. OUI à l’écotourisme et à un tourisme de proximité respectueux des écosystèmes, toute l’année, adaptée aux CSP+, mais sans l’opposer à la réponse aux besoins de masse (terme péjoratif s’agissant des populations qui ont le droit de partir, mince, mais pas toujours les moyens ou … les codes), qui impose une gestion régulée des territoires avec des acteurs à taille humaine. Mais ceci n’est qu’une partie de la réponse. Je prévois d’aborder à d’autres occasions le cas plus sensible encore des délires de la montagne (surtout moyenne), pour 1 mois de pleine activité pour les « ENVIES » d’une fraction de la population…. en fait, sur le fond, il me semble qu’on sera assez vite d’accord …
Bonjour,
Sincèrement, je ne sais pas comment il est possible de répondre en quelques minutes de débats, ou quelques lignes, à la question de savoir si le tourisme de masse peut devenir responsable !
Déjà, à quelle échéance ? Car cette précision change tout…
Ensuite de quoi parle-t-on ? Qui a pu imaginer que l’on puisse répondre à une telle question, en l’état ?
Et surtout, comme toujours, sans jamais désigner ni les raisons, ni les responsabilités…
C’est quoi le tourisme de masse ?
La concentration de voyageurs individuels dans un espace donné ?
Si oui, s’est-on posé la question de savoir pourquoi ils viennent si nombreux sur des territoires restreints ?
Et qui in fine est responsable de cet état de fait ? Car rien n’est évidemment dû au hasard !
Est-ce l’afflux de voyageurs descendant d’un bateau hôtel de croisière pouvant accueillir entre 3 000 et 5 000 personnes, submergeant le cœur de villes ou des sites n’ayant évidemment pas été conçus pour voir déferler des milliers de personnes et une noria de bus dans un temps imparti par celui d’une simple escale ?
Parle-t-on de visites organisées par des T.O dans des villages du Maroc, de Tunisie, ou d’ailleurs, dans lesquels débarquent des dizaines de touristes disposant d’un laps de temps très court.
Ou bien des programmes des mêmes T.O ou d’autres, y compris des voyagistes dits d’aventure, qui concentrent leurs clients dans les sites qu’il « faut » avoir vus ?
Évoque-t-on les 20 000 skieurs déferlant quatre semaines par an dans des stations-villages où l’on trouve désormais plus de 60% de lits froids, tout en continuant à construire ?
Quand 2 000 personnes / jour pénètrent par la même entrée dans un Parc national, s’agit-il de tourisme de masse ?
Après avoir répondu à ces questions, il sera peut-être possible d’imaginer et proposer des solutions adaptées à chaque cas énoncé ci-dessus, et les nombreux autres non évoqués.
En revanche, je ne saurai jamais répondre à la question consistant de savoir si le tourisme de masse pourrait devenir un jour… quand ?, responsable.
Pour éviter que le tourisme ne soit ou ne devienne « de masse », il existe des outils – bien connus des véritables experts de l’écotourisme – permettant d’agir sur la répartition spatiale et temporelle des flux. Évidemment il conviendrait des les appliquer en amont de la mise en tourisme d’un territoire…
Mais bien entendu, pour les mettre en œuvre il convient de disposer d’une gouvernance centralisée et adaptée.
Ensuite, sans agir sur les programmes des voyagistes et croisiéristes, sans organiser le recyclage des déchets – y compris organiques – sur les plages, les parkings, dans les gares, les aéroports, les hôtels-clubs et bateaux de croisières, ce qui n’est pas le cas en France (cela existe en Espagne), comment le tourisme de masse ou non, pourra-t-il devenir responsable ?
Quant à vouloir rendre ce tourisme-là durable à l’échéance 2030…
C’est pourtant ce à quoi semble vouloir croire l’Association organisatrice de cet évènement, me semble-t-il.
Jean-Pierre Lamic
Attention : l’article m’attribue un propos erroné : Le « tourisme de masse » ne se limite évidemment pas aux villages de vacances ou camping du tourisme social en zone rurale… l’une des deux définitions proposées lors du débat : « Le tourisme de masse correspond à l’accueil, sur une destination, d’une importante population temporaire en séjour (les touristes) dont le nombre est significativement équivalent ou supérieur à la population résidente de ce territoire, et dont la présence ponctuelle peut occasionner des impacts majeurs, positifs et négatifs de différente nature. ». Cette séquence des UTD portait plusieurs messages : Le tourisme de masse (en France) est le fruit de politiques d’aménagement des années ’60 en réponse à une demande croissante avec les congés payés. Oui, les acteurs de l’ESS ont été des précurseurs du tourisme durable sur son pilier SOCIAL (trop souvent oublié des débats), et ils sont parmi les acteurs les plus engagés dans une approche vertueuse du pilier ‘environnement’ (cf exemples de l’article). Oui, le tourisme de masse est source de nuisances lorsque le territoire n’est pas organisé pour l’accueillir. Mais le tourisme de masse peut permettre demain une approche durable car la concentration des vacanciers permet une autre approche de grands enjeux (véritable politique ferroviaire et relais transports locaux de desserte de stations par exemple). Si chacun, pouvoirs publiques, acteurs locaux, vacanciers, joue sa partition, alors oui, le tourisme de masse peut gagner en vertu environnementale et pourra permettre de répondre durablement au « droit au départ au soleil », y compris pour une part des 40% de Français qui ne partent pas chaque année ….. (nb : le bilan carbone d’une famille de Bobigny en séjour à La Grande Motte reste incomparable avec celui des adeptes du 4×4 explorant une île du Pacifique). Merci à Catalina pour son article qui me donne l’occasion d’apporter ces précisions…