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Sophie Lacour : « En vacances pour vivre pleinement votre UX : prenez des photos ! »

Et si prendre des photos rendait une expérience encore plus intense ? C’est le point de vue iconoclaste de la fondatrice du cabinet Advanced Tourism, Sophie Lacour, dont nous publions la tribune.

Dans la série « sus aux idées reçues » : parlons photo et expérience. Nous pourrions penser que prendre une photo d’un événement, d’un lieu, d’un moment particulier vous inciterait à vous exclure de ce moment, à être passif et moins en prise avec la réalité, et donc à prendre moins de plaisir qu’une personne qui se contenterait de le regarder sans prendre de photo. Une étude de l’American Psychological Association suggère au contraire que les gens qui prennent des photos de leurs expériences apprécient généralement les événements plus que les autres.

Une vaste étude faite sur plus de 2.000 personnes par Kristin Diehl de l’Université de Californie du Sud, A. Barasch de l’Université de Pennsylvanie et G. Zauberman de l’Université de Yale révèle l’impact de la prise de photo sur l’expérience. Pour la première fois neuf expériences soigneusement contrôlées ont permis de mesurer le ressenti de sujets pendant leur déroulement. Les chercheurs ont proposé à leurs cobayes de participer à une activité à caractère touristique, comme un city-tour en bus, un repas, un concert, une visite de galerie ou d’autres occasions simulées sur écran et une partie d’entre eux prenait des photos pendant que l’autre partie du groupe n’en prenait pas. Puis chacun devait remplir un questionnaire conçu pour mesurer le plaisir et l’engagement. Dans la majorité des cas, les personnes qui ont pris des photos ont eu plus de plaisir et ont eu la sensation d’être plus engagés dans l’activité.

Les photographes sont plus attentifs que les autres

Dans une autre expérience, les individus ont été invités à faire une visite autoguidée d’une exposition de musée tout en portant des lunettes qui suivaient leurs mouvements oculaires. Les chercheurs ont constaté que ceux qui prenaient des photos passaient plus de temps à examiner les objets exposés que ceux qui les observaient simplement.

Il n’y a que deux cas où le fait de prendre des photos n’apportait pas d’effet positif supplémentaire. D’une part lorsque le participant était activement engagé dans l’expérience, par exemple en effectuant une activité de création artistique. Et d’autre part quand le fait de prendre une photo était contraignante, à cause d’un appareil trop volumineux par exemple.

Plus surprenant, les chercheurs ont également découvert que cet effet ne se limite pas à l’action de prendre des photos. Les participants à une expérience ont rapporté des niveaux plus élevés de plaisir après avoir pris des photos « mentales » au cours de l’expérience, c’est à dire en imaginant prendre une photo, en choisissant mentalement un cadre et un moment particulier.

Sophie Lacour.
© Olivier Ezratty

A la fin de cette étude les chercheurs sont parvenus à identifier cinq facteurs déterminants : la nature de l’expérience vécue, les attentes du photographe, la perspective mémorielle et émotionnelle des photos prises, et l’intention du photographe.

Les résultats de cette enquête détaillée sont sans équivoque : l’expérience est vécue plus intensément lorsqu’elle est photographiée. Pour la première fois, l’étude met au jour la particularité de la pratique photographique, qui ne dilue pas l’attention, à la manière d’autres activités multi-tâches, mais l’accentue au contraire, en la focalisant sur l’action menée. Choisir un point de vue, appuyer sur le déclencheur, produire une image : l’appareil photo donne un rôle d’acteur à celui qui n’était que spectateur, transformant en expérience personnelle ce qui n’était qu’un spectacle, la photographie offre une manière simple et concrète de se réapproprier le monde. Alors contrairement aux idées reçues, en augmentant l’engagement du sujet, la photographie apparaît comme un exhausteur de la qualité de l’expérience, plutôt que comme une activité parasite.

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