ÉDITORIAL. Nous sommes tous fichés S
Depuis 2014 déjà, la Chine planche sur un système d’évaluation de ses propres citoyens qui devrait être généralisé en 2020. L’idée, c’est de récompenser les bons comportements et de punir les mauvais, via un système de points. C’est comme à l’école, mais en plus bête !
Jugez par vous-mêmes, puisque le déploiement a déjà commencé : depuis le 1er mai 2018, les Chinois ayant une mauvaise « note sociale » se voient interdire l’achat de billets de train ou d’avion pour une période pouvant aller jusqu’à un an, a prévenu Pékin.
Cette dérive du monde est dépeinte dans la série britannique – souvent qualifiée d’anticipation – Black Mirror, qui imagine le pire de la technologie dans le futur. Souvenez-vous de la scène culte où une passagère ne peut pas prendre l’avion parce que sa note est insuffisante. Alors qu’elle s’énerve et devient grossière, sa note dégringole en temps réel quand des passagers et l’hôtesse au sol lui envoient des blâmes par mobiles interposés.
On rit (un peu) des Chinois et des séries qui font dans l’autodérision. Mais ce paradigme de l’école des fans pour tout et n’importe quoi a déjà rattrapé le monde occidental, France comprise. Nous notons les chauffeurs Uber et les téléconseillers Free. Nous notons et sommes notés sur Vinted pour un achat de vêtement, sur Airbnb pour une location d’hébergement, sur Blablacar pour un covoiturage. Nous sommes fichés S, S pour sciemment. Sciemment, nous acceptons effectivement d’être jugés et notés, en espérant avoir un profil des plus enviables. C’est une forme de servitude volontaire, nous dirait sans doute notre Étienne de la Boétie, comme il l’écrivit si bien, du haut de ses 18 ans et de son XVIe siècle (dans le « Discours de la servitude volontaire »). Le pouvoir des marques repose sur l’abandon du pouvoir du peuple, à s’ériger contre un système croissant de profilage.
Espérons que notre société saura nous préserver d’un profil social à la dure, soit à la chinoise…
@Linda_Laine
« Le paradigme de l’école des fans pour tout et n’importe quoi a déjà rattrapé le monde occidental, France comprise. »
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