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SNCM : un sursis pour mieux sombrer ?

L’accord signé entre les syndicats, les actionnaires et l’Etat, qui a abouti à la levée de la grève ce jeudi, empêche tout redressement judiciaire de la compagnie jusqu’à fin octobre. Mais après ?

Après 17 jours de blocage, les navires de la SNCM ont repris la mer ce jeudi soir. Les salariés ont voté la suspension du mouvement à la suite du compromis obtenu mercredi soir avec l’Etat et l’actionnaire majoritaire Transdev, qui prévoit que la compagnie ne puisse engager aucune procédure judiciaire (en particulier un redressement) d’ici le 31 octobre, "sauf situation de cessation de paiement".

Ces quatre mois de sursis serviront, indique l’accord, à étudier les "pistes et les moyens de parvenir à un projet industriel d’avenir".
L’arrêt de la grève aura pour premier effet de redonner de l’air à l’économie corse, et en particulier au secteur touristique, particulièrement pénalisé en ce début de vacances estivales. C’était évidemment l’une des priorités de l’Etat, qui voulait également éviter d’employer la force et risquer un embrasement général sur le port de Marseille en plein cœur de la haute saison estivale.

Mais la compagnie a-t-elle encore les moyens d’éviter un dépôt de bilan ? Au vu de sa situation, difficile d’imaginer que ce scénario ne refera pas surface à l’automne. Explications.

Une trésorerie très tendue

Les difficultés de trésorerie de la compagnie ne sont pas nouvelles, mais la grève les a évidemment aggravées. Le conflit a non seulement coûté plusieurs dizaines de millions d’euros à la SNCM durant les 17 derniers jours, mais il va également peser sur l’activité des prochaines semaines et prochains mois.

Outre la méfiance des passagers, dont un certain nombre vont continuer à se reporter sur la concurrence durant l’été pour éviter tout risque de nouveau blocage, la SNCM va également être confrontée à celles des professionnels (du tourisme, du transport routier, etc.), qui pourraient eux-aussi renforcer leurs contrats avec d’autres compagnies.

Des connaisseurs du dossier estiment que la situation financière de l’entreprise devrait à nouveau être critique à partir de la fin octobre, justement à l’issue des quatre mois de sursis accordés dans le cadre des négociations. Il ne faudra alors pas compter sur Transdev pour mettre la main à la poche : l’actionnaire majoritaire n’a cessé de répéter depuis des mois qu’il n’investirait plus dans la compagnie. Il a seulement accepté que puissent être débloqués les 60 millions d’euros de prime d’assurance versés à la SNCM dans le cadre de l’accident du navire Napoléon Bonaparte, en 2012.

440 millions d’euros toujours réclamés par Bruxelles

La principale menace qui pèse sur la SNCM reste la décision de justice européenne exigeant le remboursement de 440 millions d'euros d'aides publiques jugées illégales. Des négociations sont en cours avec Bruxelles, mais le ministère des Transports estime qu’elles mettront du temps à aboutir. Transdev et l’Etat soutiennent donc que la solution la plus rapide pour effacer cette amende est de passer par un redressement judiciaire et de créer une nouvelle société.

Celle-ci ne conserverait que les activités rentables de l’actuelle compagnie (en particulier les liaisons entre Marseille et la Corse, qui sont subventionnées dans le cadre de la délégation de service public) et délaisserait celles qui ne le sont pas (lignes au départ de Toulon et Nice). Un schéma qui s’accompagnerait d’importantes coupes dans les effectifs.

Soutenue depuis des mois par Transdev, le scénario de la procédure judiciaire a désormais les faveurs également du gouvernement, à commencer par le premier ministre Manuel Valls, qui s’est prononcé dans ce sens lors d’une interview télévisée mardi soir.

Les syndicats, eux, s'opposent farouchement à tout démantelement de l'entreprise et dénoncent l'attitude de l'Etat. Au début de l'année, ce dernier avait en effet apporté son soutien au plan de transformation de la compagnie alors engagé. Une position surtout destinée à calmer le jeu avant les élections municipales, que le parti socialiste espérait emporter à Marseille. Mais une fois le scrutin passé (et perdu par la gauche) et le gouvernement remanié, changement de discours à la tête de l'Etat. Un revirement vécu comme une trahison par les salariés.

Toujours pas de nouveaux actionnaires pour investir

Transdev souhaite depuis longtemps sortir du capital de la SNCM, mais l’amende européenne a radicalisé sa position. Tant que cette épée de Damoclès menace, pas question pour l'actionnaire de consentir le moindre investissement dans la compagnie.

Conséquence :  au cours des derniers mois, Transdev a tout fait pour bloquer la mise en œuvre du plan de transformation de la SNCM pourtant adopté en 2013, jusqu’à réussir, fin juin, avec la complicité de l’Etat, à faire capoter la commande de quatre nouveaux navires pourtant essentiels à l’avenir de la compagnie.

Pour financer ses projets, la SNCM a donc besoin de nouveaux actionnaires prêts à investir. Afin d'accélérer sa sortie du capital, le PDG de Veolia (qui détient 50% de Transdev) a annoncé mercredi être prêt à céder la participation de Trandev pour un euro symbolique, renonçant donc à recouvrer les 117 millions d'avance de trésorerie consentis par son groupe ces dernières années.

Mais même à ces conditions, difficile d'imaginer qu'un repreneur accepte de monter à bord pour remplacer Transdev tant que la condamnation européenne ne sera pas effacée. Un obstacle que ne lève pas non plus l'idée, déjà évoquée, d'une reprise de l'entreprise par les salariés eux-mêmes, dans le cadre d'une société coopérative.

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