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Maison Juste : « Nous ne sommes pas formatés par l’industrie hôtelière »

Pas besoin de casser les codes de l’hôtellerie quand on n’est pas du métier, il y a « juste » à faire à son idée. Un an après l’ouverture de la première adresse de ce concept made in Marseille, l’étonnant duo qui a fondé Maison Juste voit déjà plus loin.

En voyant débarquer ce nouveau concept 100% dans l’air du temps, on pourrait facilement imaginer deux pros qui auraient claqué la porte d’un grand groupe hôtelier, poussés par l’envie de faire autrement. Erreur. Ca ne s’est pas du tout passé comme ça.

©Fred Reynaud

D’abord, parce que le duo aux commandes de Maison Juste n’est pas du sérail. Derrière cette nouvelle marque hôtelière, il y a « Manu », alias Emmanuel Duchange et Mathieu Ferrand, dit Matéo.

Leur rencontre dans un cercle d’entrepreneurs marseillais était improbable : pas le même univers, pas le même métier. Dans la « vraie vie », l’un est un serial entrepreneur qui évolue dans le secteur de l’immobilier. Ex-directeur général de Constructa Urban Systems, il a cofondé en 2020 Pivot Panda, une société qui accompagne les entreprises dans la réalisation de leurs projets immobiliers. Et notamment… des hôteliers. L’autre est – entre autres activités – « dans la musique ». Mais encore ? Il est le manager de Louane et de Soprano.

Des galaxies a priori lointaines, très lointaines. Mais entre les deux, le courant passe, au point d’avoir l’envie de lancer un projet commun. Mais quoi ? « Un jour nous étions en voiture, on parlait voyage, et de ce qu’on aimait – ou pas – dans les hôtels. J’ai dit à Manu : ‘pourquoi on n’en ouvrirait pas un ?’ L’idée lui a plu. » S’en suit un gigantesque benchmark. « Manu a dû regarder 2000 hôtels, il a fini par m’en présenter une centaine en me demandant sur quoi je percutais, raconte Matéo. On a voulu identifier des hôtels innovants, qui prenaient des risques et sortaient des codes classiques de l’hôtellerie à la française. On a regardé tout ce qui se faisait et ce qu’on pouvait améliorer, à notre manière ».

« Nous arrivons avec nos idées parfois folles, parfois justes »

Petit à petit, le projet avance. Nous sommes en plein confinement, l’immeuble – l’ancien consulat d’Algérie, à 5 minutes du Vieux-Port – a été acheté un an auparavant. La pandémie n’aura pas eu raison de leur projet. Quand pour beaucoup l’objectif est de faire « différent », eux veulent surtout faire quelque chose qui leur ressemble. Leur envie : débarrasser les hôtels du superflu et revenir à certains fondamentaux. Mais toujours à leur façon. « Nous ne sommes pas formatés par l’industrie hôtelière. Nous arrivons avec nos idées neuves, parfois folles, parfois justes. »

©Fred Reynaud

Les hôtels, ils les fréquentent suffisamment souvent pour avoir un œil impitoyable sur les mille et une petites contrariétés avec lesquelles un voyageur doit composer. Alors du check-in laborieux aux rideaux qui laissent rentrer le jour en passant par la prise impossible à atteindre, immanquablement planquée derrière la table de chevet : aucun détail ne sera négligé.

Chez Maison Juste, tout est fait pour qu’on se sente « comme à la maison ». On s’installe dans le canapé pour boire un café et écouter un vinyle, on emprunte un livre dans la bibliothèque avant de se poser dans le jardin. Tout dans la déco ou les objets entreposés ça et là témoignent des goûts et de l’histoire des fondateurs. Même cet improbable vinyle de Nana Mouskouri, « parce qu’il y avait le même dans le bac à disques de mon père », s’amuse le quadra. Les 18 chambres – pour deux personnes, mais aussi pour les tribus – sont toutes équipées d’une kitchenette. Dans leur maison, les fondateurs ont voulu réunir « le meilleur de l’hôtellerie, du Airbnb et du coliving ». Ici pas de réceptionniste – le check-in se fait via l’application Aeroguest, tout comme la commande des extras.

Mais « comme la technologie ne fait pas tout », des « maîtres de maison » veillent au bon séjour des voyageurs. D’ailleurs, ils ne viennent pas non plus de l’hôtellerie. Qualités requises : être sympa, avoir toujours le bon mot et l’envie de faciliter la vie des clients. « Le personnel est souvent cité dans les avis clients que nous avons. Et pour nous, c’est une fierté parce que nous avons fait de vrais paris humains sur des gens et ça s’est avéré payant », sourit Matéo.

Manuel d’anti (yield) management

Maison Juste, c’est un peu un laboratoire, où l’on défend certaines convictions. D’où le nom. « Parce que dans toute notre démarche, nous avons essayé d’être le plus justes possible, explique Matéo. Juste pour nous, pour les salariés, juste pour l’environnement, le quartier… ». Il aura fallu peu de temps au duo pour prendre conscience des problèmes de recrutement dans le secteur. C’est affiché sur leur site : les salariés sont payés 10% au-dessus de la convention collective.

Pour équiper et faire tourner l’hôtel, les arbitrages se font aussi en fonction de critères éthiques et écologiques. « Il y a toujours un moment où intervient la question du prix, mais on essaie de faire au mieux », assure Matéo. Les meubles sont chinés ou fabriqués par des artisans locaux. C’est plus cher, mais plus durable. Et puis ça permet de créer des liens en faisant travailler des gens du coin. Dans le même esprit, pas de restaurant dans l’hôtel, mais des partenariats avec les bonnes adresses du quartier qui en retour envoient des clients. Là aussi, échange de bons procédés.

Une philosophie qui aura aussi raison du yield management. « Nous avons eu de longues discussions sur ce sujet. Mais qu’une même chambre coûte 200 euros un soir et que son prix triple le lendemain parce qu’il y a un match de foot, on ne trouvait pas ça normal », explique Matéo. Ce sera donc le même prix tous les soirs, saison haute, saison basse. Point barre.

« Tout le monde nous a dit qu’on n’allait pas gagner d’argent. Mais au final, on se rend compte que ça nous permet d’être performants dans les taux de remplissage. On peut se le permettre parce que dans notre business plan, il n’y a pas de concierge, pas de veilleur de nuit, ni trois personnes à la réception. Nous avons pu équilibrer les coûts, ça tourne bien. On pourrait sans doute gagner plus en triplant le prix des chambres à certaines dates, mais ça ne correspond pas à notre conception des choses. Le yield management, ça ne nous ressemble pas. »

Objectif : 200 chambres

A terme, l’objectif est de structurer un modèle et de le développer. Avec un objectif de cent chambres dans la cité phocéenne, puis cent autres ailleurs dans l’Hexagone. Dans les radars des villes comme Lille, Toulouse, Lyon ou Nice. Une fois le cap des 200 chambres franchi, ils feront entrer un partenaire financier pour accélérer le développement immobilier. Ou peut-être avant.

« Nous avons des discussions avec des banques qui sont intéressées par le concept, qui aiment le projet et réfléchissent à la façon dont on pourrait travailler ensemble », indique Matéo.

En attendant, une deuxième adresse est déjà confirmée à Marseille. Après avoir géré les petites galères d’une première ouverture – c’est le métier qui rentre – ils sont déjà prêts à y retourner. « Quand on se retrouve dans des situations compliquées, on revient toujours à la raison pour laquelle on a fait ce projet. On le fait pour se faire plaisir. Si on ne se fait plus plaisir, c’est qu’on n’est pas dans la bonne direction. » Juste du bon sens.

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