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Lionel Rabiet : « Je suis très inquiet pour l’avenir des agences de voyages physiques »

Au regard de la crise du Covid-19 qui s’installe, le patron de Voyages d’exception et des EdV Ile-de-France tire la sonnette d’alarme.

« Je suis très inquiet pour l’avenir des agences de voyages ‘physiques’. Selon moi, cette crise va engendrer plusieurs bouleversements qui pourraient avoir des conséquences dramatiques sur nos réseaux de distribution », estime Lionel Rabiet. Même si les agences ont montré leur résilience – face à la crise du golfe, avènement du web, nuage islandais – la situation actuelle est, selon lui, autrement plus inquiétante.

Tout d’abord, le patron des Entreprises du Voyage (EdV) Ile-de-France évoque deux grandes tendances plus structurelles que conjoncturelles : l’affaiblissement global des commerces de proximité, tous secteurs confondus, et le recul durable des voyages d’affaires qui représentent la moitié des ventes des agences. « Il y aura probablement un changement de paradigme au sein des entreprises clientes. Jusqu’à maintenant, le fait de voyager était plutôt un signe extérieur d’importance au sein d’une société. Désormais, voyager alors qu’une téléconférence est possible sera peut-être mal vu, et pas seulement pour des raisons économiques. »

Des relations TO-agences qui se crispent

Le patron des EdV Ile-de-France note aussi et surtout une détérioration des relations distributeurs-producteurs. « En France, les grands réseaux de distribution paient les voyagistes après le départ. Pour les TO qui dépendent essentiellement de la vente via les agences, cela implique en temps normal une gestion serrée du cash. Mais avec le Covid-19 et les annulations massives de départs, de nombreux voyagistes se retrouvent dans des situations de trésorerie intenables, contrairement aux agences qui ont pu pour la plupart conserver l’acompte des clients grâce à l’ordonnance 2035, ce qui crée de vives tensions avec la distribution».

Lionel Rabiet estime qu’il est urgent de rassoir tout le monde autour d’une même table, pour trouver des solutions ou des compromis. Sinon, les voyagistes risquent de développer la vente directe à marche forcée, poursuit-il. D’après une étude récente de Roland Berger, le développement des ventes directes est désormais la priorité n°1 des voyagistes pour le “monde d’après”.

« Si rien ne change, de grandes marques du tourisme loisirs vont soit quitter les grands réseaux, soit plus certainement réorienter progressivement leurs investissements vers la vente directe au détriment des actions commerciales et marketing ‘offertes’ aux agences. Je pense personnellement que cette évolution est dangereuse pour l’ensemble de la profession ».

« 80% des croisiéristes ont reporté »

Lors de l’interview qu’il nous a accordé lundi 24 août, Lionel Rabiet a aussi partagé la stratégie de son propre voyagiste, en pleine mutation. Depuis quelques semaines, Croisières d’exception n’est plus, vive Voyages d’exception. Mais si l’entreprise a changé de nom, loin d’elle l’idée de pivoter. Loin de lui, son capitaine, l’idée de se détourner totalement des croisières. En 2021, le TO commercialise d’ailleurs plus d’une cinquantaine de croisières, la très grande majorité sur des bateaux de petites capacités, de 25 et 70 cabines. La récente évolution de la marque correspond donc à une lente diversification de l’activité, suite à la crise du Covid-19, pour mieux se préserver. Objectif : vendre 30% de voyages terrestres en 2023.

Les voyages au gré des vagues, le patron des EdV Ile-de-France apprécie, il en a d’ailleurs goûté une nouvelle fois les plaisirs cet été, au large de la Grèce. Pour lui, le marché reste fondamentalement porteur. « Les croisiéristes n’expriment pas aujourd’hui de défiance vis-à-vis du produit ‘croisière’, quelque soit la taille du bateau, ou la compagnie. Suite à l’annulation des croisières, 80% de nos clients ont choisi de reporter, principalement sur l’année 2021. Parmi les 20% restants, 15% ont obtenu un avoir, et nous avons remboursé les 5% restant. » Les habitués des croisières ne sont donc pas échaudés, mais les nouveaux clients risquent d’être difficiles à recruter. « Nous observons l’émergence dans notre société d’une forme de rejet du produit ‘croisière’ et d’une remise en cause de son ‘acceptabilité sociale’. » Pollution, surtourisme… Les paquebots sont accusés de nombreux maux.

« La période est difficile pour le tourisme en général et la croisière en particulier. Mais je suis convaincu du fait que les armateurs sauront combattre le cruise bashing. Les grands paquebots ont investi des milliards d’euros pour réduire l’impact écologique de ce mode de vacances, ce qui finira par être reconnu. »

Un prêt de 2M€

Voyages d’Exception indique avoir terminé l’exercice 2019/20 avec un CA de 17,1 millions d’euros (+18%). Depuis la fin de son exercice 2019 (clos le 31 mars), l’entreprise engrange très peu de ventes. Son équipe gère surtout des reports à tout va, tout en répondant aux nombreuses questions des clients. Les perspectives de reprise sont désormais concentrées sur 2021. « Ce qui est difficile, c’est de gérer l’incertitude au quotidien. Il faut savoir dire à son équipe qu’on ne sait pas, et jouer la transparence. Mais je suis très confiant sur notre réussite à long terme. » En attendant des jours meilleurs, Voyages d’Exception a contracté, dès le mois d’avril, un prêt garanti par l’Etat (PGE) de deux millions d’euros. De quoi patienter jusqu’à la reprise du tourisme.

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EdV Ile-de-France, et après ?

Après son nouveau mandat de trois ans à la tête des EdV franciliennes, le patron de Voyages d’exception pourrait-il être tenté par la présidence du syndicat au niveau national. A cette question, il répond en riant : « Ce n’est pas mon objectif. Jean Pierre Mas, Valérie Boned, René-Marc Chikli (Seto) ont fait un travail de lobbying remarquable avec des résultats probants : l’ordonnance du 25 mars 2020, le chômage partiel totalement pris en charge, les exonérations de charges sociales… Les EdV Ile-de-France et Voyages d’exception suffisent à mon bonheur. » Justement, quel a été son rôle syndical depuis le début de la crise ?  « A l’instar de mes homologues présidents de région, j’ai assuré le service après-vente auprès des adhérents notamment à travers des conférences Zoom, sur l’ordonnance et les aides aux entreprises, les assurances… », précise-t-il. « Ces conférences ont réuni à chaque fois entre 40 et 100 agences, ce qui montre leur pertinence. J’accompagne également le travail de fond mené par Lucien Salemi (président EDV Med) et Ghislain Chaigne (ex-président EDV Ouest) visant à aider nos agences à développer une offre France ».

 

1 commentaire
  1. CATHERINE ADAM dit

    Votre analyse n’est pas juste Mr Rabiet. Tout d’abord, nous marchons toujours la main dans la main avec les Tour Opérateurs,… enfin ceux qui sont encore dignes de ce nom, ceux qui répondent encore au téléphone, ceux qui font des  » à valoirs » corrects, ceux qui nous préviennent des annulations, ceux qui veulent travailler et ceux qui acceptent de faire des reports en temps voulu! On citera les noms plus tard quand nous aurons avancé dans ce désordre sans précédent.
    J’attire quand même votre attention : quand les Tour opérateurs ont fait le choix du canal de distribution B2C, quand ils vendent bien moins cher sur le net que via leurs partenaires fidèles, quand ils achètent à BOOKING, quand ils prennent les contacts de nos clients (copie passeport, contact téléphonique …) sous couvert de les prévenir en cas de retard et qu’ils détournent notre clientèle,… vous en pensez quoi ?
    A l’époque où O’Leary (Ryanair) nous traitait de « Bois Mort », j’avais réagi. J’en ai un peu assez des supputations sur notre devenir. Commencez par remercier les agents de voyages: nous encourageons nos clients à reporter chez les mêmes fournisseurs et nous venons d’assurer gratuitement un travail administratif depuis 5 mois sans contrepartie financière. Nous avons aidé aux rapatriements. Nous sommes au front.
    Je salue mes confrères et consoeurs et toute notre profession. Alors peu importe ce que sera notre sort, nous sommes encore droits dans nos bottes et ce n’est pas le cas de tout le monde.

    Catherine ADAM
    MYRIAD VOYAGES
    0563414211

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