Les réseaux dans la tourmente

Placé en redressement judiciaire, Switch a donné le coup d’envoi le 8 octobre. Le TO qui accumulait des dettes de cinq millions d’euros a vu sa chute précipitée par un contexte incertain. « Nous enregistrons une baisse de 30 % des prises de commande pour la saison s’étalant du 1er novembre au 30 avril comparé à l’année précédente », confiait il y a quelques jours Jean-Marc Rozé, secrétaire général du Snav, ajoutant que le secteur traverse « une crise de confiance doublée d’une crise financière. Les consommateurs ne passent pas à l’acte, ils attendent, d’autant plus que les vacances ne sont pas des biens de première nécessité ». Cet environnement obscur a également eu raison du réseau Wasteels. « La crise bancaire a apporté un coup terrible au réseau », expliquait la semaine dernière son dirigeant Laurent Wasteels alors qu’il venait de se déclarer en cessation de paiement. Une situation due, selon lui, au « non-renouvellement d’une ligne de crédit qui a créé une tension extrême en terme de trésorerie ». « La trésorerie, c’est le nerf de la guerre » résume François Xavier de Boüard, le président de Selectour. Le 21 octobre, le réseau a voté lors de son conseil d’administration le renouvellement d’un crédit de campagne en partenariat avec le Crédit Coopératif mis en place après les attentats de septembre 2001. « Il s’agit d’un prêt qui s’échelonne sur six mois d’un montant plafonné de 75 000 e pour palier provisoirement un problème de trésorerie. C’est en aucun cas un prêt personnel », souligne-t-il. Le réseau Afat Voyages, qui enregistre lui aussi un retard de 30 % sur les prises de commande depuis mi-octobre, a fait également appel au recours de ce prêt relais. « Pour passer ce cap difficile, le réseau se porte caution pendant six mois auprès de la banque », indique Bernard Garcia, vice-président d’Afat Voyages.

Dans un contexte où « pour la première fois, les banques ne veulent plus suivre », constate Richard Vainopoulos, président de TourCom, les réseaux doivent trouver d’autres solutions d’appui. Ainsi, Jancarthier vient de procéder à sa recapitalisation avec l’entrée d’Impact Voyages à hauteur de 50 % dans son capital. La diversification du réseau engagée en 2006 avec les rachats de Travelia, Odysia et Lusitania n’a pas été une réussite et pousse donc aujourd’hui Philippe Taieb à faire appel à Joseph Slama, lui-même à la tête de Jancarthier jusqu’en 2001, pour nationaliser le réseau. Les co-dirigeants de cette nouvelle alliance, qui donnera lieu d’ici quelques semaines à une nouvelle marque, ont également pour objectif de « doter le groupe de fonds propres conséquents afin d’amorcer une stratégie offensive notamment en solutions Internet multicanal ».

Cheval de bataille des principaux réseaux, le développement multicanal ne devrait pas être freiné par la crise. D’ici deux mois, Afat offrira à ses adhé-rents un nouvel outil qui leur permettra d’augmenter leur visibilité sur les ventes online. « Aujourd’hui, si un client achète un voyage sur notre site web, l’agence n’est pas capable de retrouver sa réservation s’il vient par exemple effectuer une modification. Il est donc indispensable d’accroître notre transparence entre les deux canaux : physique et web », explique Bernard Garcia. Selectour profitera de son congrès début décembre pour présenter à ses adhérents la refonte de son site web. « Dans une période difficile, il est indispensable d’avoir un projet », rappelle François-Xavier de Boüard. À la tête de Selectour.com, Frédéric Vanhoutte, explique que « le nouveau site intégrera un moteur de réservation pour l’hôtellerie et l’aérien. Interactif, il donnera également la parole aux internautes ». Un investissement indispensable mais qui n’aura pas lieu au moment opportun.

Des défaillances en série…

Encore en forme, l’e-tourisme a enregistré un volume d’affaires en progression de 25 % cette année, mais le secteur ne passera pas entre les gouttes et sera « l’un des premiers touchés par la récession », selon Frédéric Vanhoutte. Le site Tousenfrance.com, duquel il est actionnaire, vient d’ailleurs d’en faire les frais. La société qui a réalisé l’an dernier un volume d’affaires de trois millions d’euros en commercialisant des produits France en ligne a déposé le bilan le 9 octobre avant d’être liquidé le 15 octobre. Des défaillances en série qui ne s’arrêteront pas là. 2009 s’annonce déjà comme une année noire. Fin octobre, Afat table déjà sur un recul de 10 % de son activité l’an prochain. « Les réservations long-courriers reculent entre 10 et 20 % par rapport à l’an dernier et celles moyen-courriers entre 10 et 0 % », constate René-Marc Chikli, président du Ceto. Une tendance reprise dans l’étude de Protourisme publiée le 28 octobre. Selon elle, seulement 9 % des Français envisagent de partir à l’étranger cet hiver, soit une baisse de 10 % par rapport à l’an passé. Plus de 80 % des vacanciers choisiront donc exclusivement la destination France et les séjours au ski pendant les vacances scolaires semblent bien être épargnés. Cependant, si le taux de départ est à peu près stable (30 % des Français ont l’intention de partir en vacances cet hiver), le budget des dépenses s’annonce en baisse de 5 à 10 %. Selectour compte donc remettre sur les devantures des agences les coffrets-cadeaux élaborés par Visit France. Afat Voyages pourrait lui emboîter le pas en adoptant très prochainement les produits du TO en marque blanche. « Les agences de voyages n’ont plus le choix. Elles doivent évoluer et prendre conscience de l’intérêt de vendre la destination France », remarque Didier Arino, gérant-associé du cabinet Protourisme. En tout cas, les agences en ligne, elles, n’hésiteront pas à le faire.

Pour Jean-Marc Rozé, secrétaire général du Snav, le secteur traverse « une crise de confiance doublée d’une crise financière »

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