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« Le tourisme a perdu ses saltimbanques »

Michel-Yves Labbé a créé Directours en 1994, un TO haut de gamme modelé dans le web, qui évolue dans la galaxie NG Travel depuis 2008. Ce grand professionnel du voyage partage sa vision du tour-opérating, ses coups de gueule et ses idées.

L'Écho touristique : Où en est NG Travel, 4 ans après la création du groupe ?

Michel-Yves Labbé : NG Travel a réalisé un chiffre d'affaires de 134 millions d'euros l'an dernier et est largement profitable. 2011 a été une bonne année pour Directours comme pour Promosejours/Promovols. Chez Boomerang Voyages, Africatours a souffert du Printemps arabe mais Îléatours marche bien désormais, surtout avec le nouveau moteur de packages dynamiques en BtoB. Directours a quasiment le même moteur, mais en version BtoC, et uniquement sur les week-ends.

 

Le forfait dynamique serait-il votre arme absolue ?

C'est une arme pour ne pas perdre les clients sur des produits simples comme des week-ends en Europe, à condition de faire remonter des vols low cost. Alors qu'un site comme Booking.com est un bottin d'hôtels dans lequel on se perd, Directours fait un choix, et s'engage sur la qualité de l'hôtel, la catégorie des chambres, etc. Nous fournissons donc de l'excellence et la garantie de notre marque, tout en possédant l'agilité qui permet d'intégrer à tout moment des nouveaux prix ou produits. De la même manière, le forfait dynamique s'adapte aussi au séjour balnéaire. En revanche, il n'est pas fait pour le sur-mesure, qui impose la médiation d'un conseiller car c'est un métier de multitude de détails.

 

Quelles sont selon vous les perspectives du marché haut de gamme ?

Je crois beaucoup au développement de ce marché. Quoi qu'on dise, les Français s'enrichissent année après année. Et au fur et à mesure qu'ils voyagent, ils deviennent plus exigeants, même si contrairement aux Anglo-saxons, ils ne sont pas toujours prêts à payer pour du service. En revanche, je ne crois pas au luxe en agence. Si l'on prend l'exemple de Nosylis, ce dernier produisait des brochures magnifiques, que les hôteliers étaient ravis de financer. Mais les clients s'en servaient comme catalogue publicitaire, puis réservaient en direct auprès des hôteliers à un prix 15 ou 20 % moins cher…

 

Justement, où en êtes-vous avec Nosylis, marque que vous avez reprise début 2011 ?

Nous n'avons pas encore eu le temps de construire le site web qui lui sera dédié. Nous n'avons pas acheté Nosylis pour rien, même si c'est une danseuse. Je ne peux pas dire ce que ça nous a coûté, mais pas cher. Nous avons récupéré son fichier clients et déjà vendu des produits sous sa marque. Une soixantaine de circuits sont dans les cartons, dont il faudrait simplement actualiser les prix.

 

Pour parler d'une autre marque que vous avez bien connue, que pensez-vous de l'évolution de Jet tours ?

Quand j'y étais, Jet tours était positionné haut de gamme et très haut de gamme, sauf sur les Eldorador. Comment a-t-on pu saborder une marque aussi prestigieuse ? Les gros groupes mettent à la tête de ces boîtes des cadres qui ont fait des études et sont brillants, mais ne sont pas des tauliers comme Hervé Vighier par exemple (ancien patron de Marmara, ndlr). Même chez les TO de masse, notre métier est un métier de détails, où il est difficile de mettre en place les procédures intangibles issues des écoles de commerce ou d'ingénieurs, avec leurs calculs et leurs statistiques. On ne peut pas nommer que des géomètres à la tête de ces entreprises, il faut aussi des saltimbanques.

 

Est-ce le regard que vous portez sur le marché du voyage dans son ensemble ?

Le problème, c'est qu'il n'y a plus beaucoup de fabricants de voyages. À part des marques comme Voyageurs du Monde ou Asia, qui fait encore rêver le client ? Il n'y a plus que des concepts marketing, où on attire le client uniquement avec des taux de promotion de – 60 ou – 70 %. Même chez Directours, où nous gardons un bon taux de fidélisation, de 30 % sur deux ans, nous sommes aussi obligés de rentrer dans le jeu des promos, tout en n'allant pas au-delà de – 40 %. Pour l'instant, une entreprise comme VoyagePrivé marche très bien, mais jusqu'au jour où un concurrent sortira un autre concept, qui fera croire aux gens qu'ils font des affaires. Et puis, sur Internet, ça ne sert plus à rien d'être bon, il faut d'abord être en haut dans Google. Le jeu est biaisé, d'autant qu'on ne connaît pas les règles du moteur. C'est un système qui n'encourage ni l'innovation, ni l'audace.

 

Comment analysez-vous les difficultés en France de TUI et Thomas Cook ?

Ce sont des gros blocs anglo-saxons, qui ont tendance à vouloir imposer un modèle qui ne fonctionne pas chez nous. D'autre part, ils ont pris le risque d'être trop dépendants du bassin méditerranéen, où le Printemps arabe leur a coûté très cher. C'était le choix de la facilité, avec des destinations à 3 heures de vol où on envoie des centaines de milliers de personnes. Ils se disaient que, de toute façon, si le Maroc dégringolait, ils iraient en Tunisie, et réciproquement.

 

Pourtant, ce modèle fonctionne dans d'autres pays… Pourquoi pas en France ?

Parce que la distribution est trop chère, par rapport aux pays d'Europe du Nord. En France, les commissions sont plus élevées qu'ailleurs et surtout, les TO n'encaissent pas l'argent des clients alors que ce sont eux qui prennent des risques. Notre système est très mauvais. S'ils encaissaient directement, les voyagistes seraient riches, ils ne seraient pas constamment à courir après l'argent, ils n'auraient pas besoin de fonds de roulement. La plupart des réseaux de distribution ne vivent qu'avec la trésorerie des clients.

 

Dans un autre domaine, que pensez-vous du projet de fédération des métiers du tourisme?

Je pense que le Ceto (dont Directours n'est pas membre, ndlr) devrait s'unir avec le SNAV, comme comité des producteurs au sein du syndicat par exemple. Ce serait fait depuis longtemps d'ailleurs s'il n'y avait pas tant d'histoires d'ego. Et ce premier rapprochement pourrait former la base d'une fédération dans laquelle, ceci dit, je ne vois pas la Fnam (Fédération nationale de l'aviation marchande, ndrl).

 

On sait Directours très lié aux États-Unis. Huit ans après avoir cédé le poste, souhaitez-vous à nouveau devenir président du Visit USA Committee ?

Je suis candidat aux élections du bureau du Visit USA Committee, qui va élire le président. Et je serais volontiers président, car il y a des défis intéressants. J'ai de bons rapports avec les responsables américains, qui vont venir au prochain IFTM Top Resa. La France ne fait pas partie des marchés prioritaires, mais nous aurons une part du budget global de promotion. À condition d'aller chercher l'argent avec les dents.

 

« Même chez les TO de masse, notre métier est un métier de détails. »

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