Le grand tournant

L’univers français des agences de voyages ne sera plus jamais vraiment le même. Quatre mois après l’annonce de la fusion Carlson Wagonlit Travel France et Protravel, et quatre ans et demi après la constitution de l’Alliance.T, le projet de création d’un deuxième grand pôle de distribution autour des réseaux Afat Voyages, Manor, Thomas Cook Voyages et Havas Voyages American Express (HVAE) sonne comme la fin d’une ère, celle des petits réseaux, des indépendants arc-boutés sur eux-mêmes, opposés à tout changement dans leur mode de fonctionnement. Fini la gestion à la papa, les querelles de chapelle entretenues au prix d’un bon mot au détour d’un congrès annuel… Fini pour certains, le refus de regarder la réalité en face, comme en témoignent les débats récurrents qui animent la profession sur la question de l’avenir de la commission, sorte de ligne Maginot censée préserver les agences du ralentissement économique, de la concurrence chaque jour plus grande. Sans parler des risques sanitaires et politiques qui menacent le secteur du tourisme plus que tout autre.

Ne nous y trompons pas. Ce deuxième géant de la distribution en devenir n’est pas seulement une grosse centrale destinée à mutualiser les achats ou encore une simple réponse à l’Alliance.T au prétexte qu’il n’est pas sain d’avoir un seul gros acteur sur le marché. Non, ce regroupement pose bel et bien les jalons des nouvelles règles de fonctionnement qui organiseront demain les relations entre fournisseurs et distributeurs. Un modèle économique qui régit avec succès – mais non sans heurts parfois – depuis quarante ans l’univers de la grande distribution, comme en témoigne la présence des enseignes françaises aux quatre coins du monde. Et, au regard de la réussite économique de groupes comme Carrefour, Auchan ou Leclerc, ceux que ce nouveau modèle économique – fondé sur la négociation et les achats groupés – devraient inquiéter, sont moins les réseaux d’agences de voyages que leurs fournisseurs.