C’est la fin d’un rêve, presque d’une utopie. Comme une entreprise lambda, Fram va licencier. Cette maison familiale était pourtant bien différente des autres et pouvait espérer encore cultiver sa particularité pendant quelque temps. Elle a, comme toutes les autres sociétés de tourisme, ses secrets et son ambiance, ses produits et son savoir-faire – qui lui permettent d’ailleurs de résister mieux que d’autres – mais elle a toujours su unir ces éléments à une grande ambition débonnaire, un esprit d’équipe un peu « adulescent », une haute exigence de qualité… en tee-shirt marcel. Parfois, Paris s’en moquait et préférait Jet tours, plus pour une question d’image que de produits. À tort. Diluée dans un marécage boursier, la marque de Thomas Cook n’a plus d’histoire à raconter comme celle de Fram, celle dans laquelle on est fier de s’inscrire et dont on ne veut – ou peut – pas se défaire, d’une manière ou d’une autre. Même la lutte de pouvoir fratricide qui a déchiré à partir de 2005 la famille fondatrice et qui prenait parfois des airs de Dallas méridional montrait que rien n’était plus fort que l’attachement à cette marque, fût-il au prix de trahisons, de vengeances, d’erreurs stratégiques. Les uns avec les autres, les uns contre les autres, on savait se battre pour que Fram reste Fram. Mais aujourd’hui, alors que plane la menace du premier plan social de son histoire, qui va se battre pour Fram ? Pour sauver leur emploi, il est désormais probable que les salariés vont retourner toute leur énergie contre la direction du TO, pas responsables de tout, mais coupable de bien d’erreurs. Après le divorce actionnarial, les fâcheries dans la distribution, voici venu le temps de la défiance entre une marque et ceux qui la font vivre. Dans l’industrie française, rien de vraiment neuf, en somme. Désormais, Fram nous sert du banal, fait de grève, de plan social, de cost killer, de synergies pour, on l’espère vite, prendre un nouveau départ. Mais quoiqu’il arrive, celui-ci n’aura plus le goût des apéros fous, des entourloupes occitanes, des fidélités indéfectibles, des bravades gasconnes, de générosité post-volcan, ou des solidarités construites sur des drames comme celui de Sharm-el-Sheikh ou d’autres. Fram se lance dans une autre aventure, un peu moins humaine, dont une des étapes passe souvent par une ouverture de capital ou un rachat.
Aujourd’hui, alors que plane la menace du premier plan social de son histoire, qui va se battre pour Fram ?