[GLVA23] Hôtellerie : vers une accalmie de l’inflation ?
Dans l’hôtellerie, 2022 aura été une année de forte reprise marquée par la hausse des prix. Une année particulière passée à la loupe par quatre experts dans le cadre du Grand Live du Voyage d’Affaires organisé par CDS.
Quand ils se retournent sur les principaux phénomènes qui ont marqué l’année 2022 dans l’hôtellerie, les experts du secteur retiennent tous le même mot : inflation. Les tarifs affichés ont en effet connu de fortes hausse dans l’Hexagone l’an dernier, par rapport à 2019. « Pas de surprise, l’inflation est là, détaille Christophe Roth, directeur des missions chez Epsa. Ce qui est intéressant, ce sont les différents niveaux d’inflation. On voit qu’il y a des disparités assez marquées, avec dans la fourchette basse Lille, avec +9%, ce qui reste quand même assez important (…). Quand on regarde à l’autre extrémité, on a Paris, avec quatre fois plus d’inflation que Lille, à 37%, puis Lyon (36%) et Strasbourg avec +47%. » Si Strasbourg reste un épiphénomène, lié à la conjonction de plusieurs facteurs, la tendance vient malgré tout souligner le retour de toutes les clientèles, loisirs et affaires, françaises et étrangères, même si certaines manquent encore à l’appel. Cette demande pousse donc les prix moyens de façon sensible, note Christophe Roth.
« On avait parlé du Revenge Travel, et clairement le rebond est très fort à partir de septembre, abonde Vanguelis Panayotis, CEO de MKG Consulting & Hospitality On. On l’a vu pendant l’été, notamment pour les clientèles loisirs, et on se demandait si en septembre, qui est le marqueur du corporate, on allait voir cette clientèle revenir, effectivement ça a été le cas, combiné avec du loisir. Comme dans tout marché où il y a une loi de l’offre et de la demande, forcément, ce boost de demande a permis de repositionner les prix, qui donne aux hôteliers une bouffée d’air salutaire après la période qu’on a vécue. Ça démontre que ce secteur a, en tout cas à date, un « pricing power ». Quelles sont les industries qui ont cette capacité de répercuter l’inflation dans leur prix ? On ne peut pas dire que l’hôtellerie manque à l’appel sur ce sujet là. »
« Les prix vont se lisser »
Si le secteur est donc revenu au-dessus des niveaux de 2019 en termes de chiffre d’affaires, cela s’est donc fait grâce à la hausse des prix. « En termes de demande, on est encore légèrement en retrait, tempère Christophe Roth, qui souligne également que cette photographie peut cacher de forts contrastes, selon les zones géographiques ou les typologies d’établissements. Autre nuance à apporter : ces prix sont les prix affichés. Dans les faits, ils ont été négociés par les entreprises qui s’efforcent plus que jamais de maîtriser leurs coûts. Pour Oliver Steuermann, Président de THCC la hausse des prix réellement facturés se situe plutôt autour d’une moyenne de 10%.
Au-delà du seul jeu de l’offre et de la demande, la crise énergétique, les tensions sur le personnel ou encore le remboursement des PGE ont eux aussi contribué à la hausse des prix. « Quand un hôtelier doit sortir du cash flow pour rembourser son crédit, il fait quoi ? », interroge Olivier Olivier Steurman. Certains hôteliers en auraient-ils profité un peu plus que de raison ? « Si les hôteliers avaient eu plus de visibilité, si le marché avait été plus lisible, il est probable que tout ça se serait passé de façon plus équilibrée, estime Vanguelis Panayotis. (…) Il reste encore beaucoup d’incertitudes, note-t-il. (…) Les hôteliers sortent d’une période où ils pensaient que leur vie allait s’arrêter d’un point de vue professionnel, ils ont beaucoup de dettes, ils ont du mal à faire tourner leur établissement, à produire le service. Je pense que naturellement le marché va se réorganiser, dès qu’on aura un peu plus de visibilité, dès que le phénomène du Revenge Travel sera terminé, ça va se rééquilibrer, les prix vont se lisser. C’est comme quand on est malade, il y a un petit effet d’inflammation, et puis après les choses reprennent leur cours. » Attention aussi à ne pas aller trop haut dans ses prix moyens et dans son yield, prévient Vianney Lautrous, responsable Asset Management chez Extendam. Sous peine d’arriver à un point de rupture ou même l’Américain avec son dollars un peu fort en ce moment va finir par dire stop. »
Une nouvelle typologie d’investisseurs
Cette résilience du secteur le positionne en tout cas de façon favorable aux yeux des investisseurs. « Sur le marché de la transaction, on se disait il y a un an que le Covid n’avait pas appelé de grande braderie de l’hôtellerie. Ça se confirme. Les hôteliers qui étaient fatigués entre les attentats de 2015, les grèves, les gilets jaunes, le Covid, et qui en 2021 pensaient faire des arbitrages ont repris du poil de la bête en 2022. Il y a eu des transactions en 2022, nous en avons réalisé une trentaine, les prix de vente restent très élevés, ça a appelé d’autres typologies d’investisseurs, qui ont voulu se diversifier avec une nouvelle classe d’actifs. » (…) Dans le contexte actuel, c’est donc plutôt « la guerre pour trouver les bons hôtels au bon prix », constate Vianney Lautrous.