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Ferries : ce très cher pavillon français

Le constat : SeaFrance hier, Brittany Ferries aujourd'hui, la SNCM peut-être demain… Plombées par leurs coûts, les compagnies de ferries françaises suscitent l'inquiétude. Le contexte : Sur le transmanche comme en Corse, les transporteurs français doivent affronter des concurrents étrangers souvent plus compétitifs. La question : Le pavillon français joue-t-il en d&e

Chez Brittany Ferries, le spectre de la défunte SeaFrance est dans toutes les têtes. Après dix jours de blocage des navires, la signature d'un accord entre direction et syndicats a permis, le 2 octobre, la reprise du trafic. Mais plombée par trois ans de pertes financières, la compagnie bretonne a bel et bien enclenché le mode sauvetage. Et veut éviter à tout prix le sort qu'a connu sa cousine nordiste, liquidée en janvier dernier au bout d'un an et demi d'agonie. L'accord conclu est censé permettre à Brittany Ferries de repartir sur des bases plus compétitives, au prix notamment d'une augmentation du temps de travail des navigants. « Nous évitons le plan social mais nous demandons un effort à nos marins pour essayer de nous rapprocher des conditions de compétitivité des transporteurs britanniques », résume Christophe Mathieu, directeur général adjoint de la compagnie, en charge du pôle stratégie et commercial. France contre Grande Bretagne… Sur le Channel, la bataille navale entre les deux pays ferait donc rage ? Ce qui est sûr, c'est qu'on ne se bat plus à coup de canon. Le nerf de la guerre, désormais, c'est le pavillon. Autrement dit la « nationalité » des navires, et par conséquent le droit (fiscal, social, etc.) qui s'applique à leur bord et aux compagnies qui les exploitent.

 

LE PAVILLON FRANÇAIS « COÛTE » PLUS CHER

 

Sur le transmanche, la quasi-totalité des navires qui desservent la France opèrent sous le pavillon français ou sous celui du Royaume-Uni. Au plan purement juridique, le cadre fixé est à peu près similaire : tous deux imposent à bord des navires les règles de droit commun du pays d'immatriculation. Mais c'est justement là que se fait toute la différence. Car le droit du travail britannique n'a rien à voir avec celui de la France. Salaires minimum, durée légale du travail, fiscalité des entreprises : le pavillon français « coûte » évidemment plus cher que son homologue anglais. « À titre d'exemple, un marin Britannique embarque 183 jours par an, commente Christophe Mathieu. Chez Brittany Ferries, c'était 161 jours avant l'accord que l'on vient de signer, et on va monter à l'avenir à 172, tout en continuant à appliquer les 35 heures. » Officiellement pourtant, aucune compagnie française ne se plaint du pavillon tricolore. « Il est tout à fait compétitif, et puis le patriotisme économique a une vraie valeur pour nous, promet Antoine Person, secrétaire général de Louis Dreyfus Armateurs (dont la marque commerciale est LD Lines). Changer de pavillon pour augmenter nos profits, nous ne le ferions pas. En revanche, si nous perdons de l'argent et que ça peut permettre de limiter les pertes, alors oui. » Or, des pertes, LD Lines en enregistre de « colossales », assure un connaisseur du secteur, mais elles font simplement moins de bruit que celles de SeaFrance en son temps ou de Brittany Ferries aujourd'hui. Selon lui, en tout cas, le mariage de la compagnie avec son homologue danoise DFDS, qui vient d'être officiellement conclu fin septembre pour l'exploitation en commun de plusieurs lignes transmanche, débouchera nécessairement, à terme, sur le basculement vers un pavillon plus « avantageux ». Un scénario à haut risque explosif sur le plan social, et que LD Lines dément.

Pour Brittany Ferries, cependant, plus que le pavillon, c'est surtout la perte de valeur de la livre-sterling par rapport à l'euro ces dernières années qui plombe les comptes. Une dévaluation dont la compagnie (comme toutes ses concurrentes françaises) a d'autant plus souffert que 85 % de sa clientèle est britannique, donc paie en livres, alors que tous les coûts d'exploitation sont en euros. À l'inverse, P et O Ferries, dont le siège est à Douvres et les bateaux sont sous pavillon britannique, a mieux résisté. « La compagnie emploie une immense majorité de marins anglais, et seulement une vingtaine de Français sur la ligne Calais-Douvres, qui bénéficient néanmoins d'un contrat français et de la législation du travail française », explique un porte-parole.

Au-delà des obligations du pavillon et du contexte monétaire, ce sont aussi les accords sociaux négociés chez certains transporteurs qui sont mis en cause pour expliquer leurs difficultés. « Certains prévoient par exemple trois marins par poste embarqué alors que deux suffisent, commente Antoine Person. Ces avantages acquis ont un coût énorme, c'est cela qui fait couler les compagnies. » Un diagnostic évidemment partagé par Pierre Mattei, DG de Corsica Ferries, jamais avare de critiques à l'égard de la SNCM. « Nos navires battent pavillon italien, mais sur la desserte de la Corse au départ du continent français, c'est de toute façon le droit français qui s'applique à toutes les compagnies, commente-t-il. Les conventions sociales sont françaises, les salaires minimaux aussi, exactement comme pour notre concurrente dont les syndicats nous accusent de dumping. La vraie différence, c'est que la SNCM est régie par des accords sociaux qui lui sont propres et qui vont bien au-delà des conventions collectives. »

S'il ne lui permet pas de se soustraire au droit du travail français, le pavillon italien apporte en revanche à Corsica Ferries de substantiels avantages sur le plan fiscal. « Les compagnies sont totalement exonérées de charges sociales et les revenus des navigants ne sont pas imposables », résume Lisa Sutto, qui travaille à la mission de la Flotte de commerce au sein du ministère du Développement durable. « Mais on oublie toujours de dire que les compagnies sous pavillon français bénéficient aussi d'une exemption de charges patronales en France, rétorque Pierre Mattei. D'autre part, nous payons en Italie une taxe professionnelle qui n'existe pas en France. » Reste à savoir, désormais, si la crise financière et budgétaire que traverse l'Italie ne forcera pas, un jour, Rome à revoir les « avantages acquis » de son pavillon. Une remise à plat que les armateurs ont jusqu'à présent réussi à repousser.

 

Le nerf de la guerre, désormais, c'est le pavillon. Autrement dit, la « nationalité » des navires.

Les accords sociaux négociés chez certains transporteurs sont mis en cause pour expliquer les difficultés.

 

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