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Emmanuel Foiry (Kuoni) : « En 2022, nous avons retrouvé l’équilibre financier »

Reprise de l’activité, recrutement, hausse des prix ou encore RSE : le patron de Travel Lab, qui coiffe certaines marques emblématiques du marché (Kuoni, Scanditours, Donatello…), fait le point sur l’actualité de son groupe.

L’Echo touristique : Lors de notre dernière rencontre au printemps 2021, le marché entrevoyait à peine une éventuelle reprise d’activité. Finalement, l’année 2022 semble avoir été très bonne pour le secteur. C’est le cas pour Travel Lab ?

Emmanuel Foiry : La reprise a été bien meilleure que prévue. Je suis positivement surpris par l’exercice que nous venons de boucler (au 31 décembre, NDLR). Je ne m’attendais pas à un tel retour de l’activité. Nos chiffres ne sont pas encore définitifs. Mais nous allons enregistrer un chiffre d’affaires bien plus important que prévu, d’environ 75 à 80% de celui que nous avons enregistré en 2019 (143 millions d’euros). En 2022, nous avons retrouvé l’équilibre financier. Et nous partions de loin (28 millions d’euros de CA en 2021 pour 3,2M€ de pertes).

Quelles sont les destinations gagnantes en 2022 ?

Emmanuel Foiry : C’est aussi une agréable surprise, l’Italie, via la marque Donatello, est le succès incontestable de cette année 2022. Nous vendons même des séjours en hiver dans le pays, ça n’est pas habituel. La Laponie finlandaise a également rencontré un énorme succès. C’est une valeur sûre, où la concurrence est très forte. Nous y sommes très bien implantés, depuis bientôt trente ans, et nous avons même deux vols charter hebdomadaire tout l’hiver. Elle fait désormais partie intégrante de l’image de Kuoni, au même titre que l’Egypte, qui a aussi très bien marché, principalement pendant le dernier trimestre de l’année. Les destinations d’Europe du Nord, l’Irlande en tête, ou encore la Grèce, où nous avons une proposition qu’on ne trouve pas ailleurs sur le marché, ont également très bien fonctionné.

Ce sont des axes moyen-courriers. Le long-courrier n’a pas encore repris ?

Emmanuel Foiry : Tous les axes n’ont pas repris, mais certains ont été très performants. Les Maldives, qui n’ont jamais vraiment fermé pendant la crise sanitaire, nous ont donné satisfaction. Nous enregistrons également de très bons chiffres vers l’Amérique du Sud, notamment l’Argentine… et cela n’a aucun lien avec l’actualité. Certaines destinations africaines ont également réattiré la clientèle française : Namibie, Afrique du Sud, Tanzanie. Opérer était encore difficile dans la majorité des pays asiatiques, et l’Amérique du Nord – Etats-Unis et Canada – a également constitué un axe compliqué en 2022.

Vacances Fabuleuses, notre marque dédiée à l’Amérique du Nord, n’est plus une marque B2C mais (…) une marque de référence en B2B.

Pourtant, le secteur attendait impatiemment la réouverture des Etats-Unis…

Emmanuel Foiry : C’est normal, c’est une destination-continent, et l’une des préférées du marché français. Il est impossible de ne pas proposer d’offres aux Etats-Unis, même s’il est difficile d’exister dans cette destination. Elle est très désintermédiée, et nous devons faire face à de puissants acteurs, comme Booking.com ou Expedia. Il est difficile de concentrer trop d’efforts sur cette destination. Par exemple, Vacances Fabuleuses, notre marque dédiée à l’Amérique du Nord, n’est plus une marque B2C. Nous avons fermé notre site Internet, qui était le plus difficile à animer parmi toutes nos marques spécialistes. Notre offre B2C est donc désormais sous la marque L’Atelier des Voyages. Mais Vacances Fabuleuses demeure une marque de référence en B2B.

Ces tendances observées pendant l’année 2022 se confirment-elles pour 2023 ?

Emmanuel Foiry : Si le contexte sanitaire, géopolitique ou économique ne se dégrade pas, nous retrouverons toute notre assise en 2023, avec un chiffre d’affaires équivalent à celui de 2019, ou très proche (soit 142 millions d’euros, NDLR). Sur certains mois, nous sommes même en avance ! Le succès de l’Italie, de l’Egypte ou encore de la Finlande se confirment, mais nous constatons avec bonheur le retour d’autres destinations. L’Inde, l’un de nos terrains de jeu historique, repart fortement. En Asie du Sud Est, le Vietnam est le seul pays qui affiche des chiffres satisfaisants. La reprise est encore timide en Thaïlande, en Indonésie ou encore au Laos. Le Costa Rica, Zanzibar, l’Islande, l’Île Maurice… Toutes ces destinations sont en croissance en 2023. A contrario, nous souffrons sur les Maldives, où les prix se sont envolés.

L’inflation galopante et l’incertitude économique ne constituent pas la principale menace pour la reprise définitive du secteur cette année ?

Emmanuel Foiry : C’est un facteur extérieur que l’on surveille mais qui, bizarrement, ne semble pas encore atteindre nos clients. Vu de l’extérieur, l’inflation, la guerre en Ukraine, l’augmentation des prix de l’énergie ou encore les difficultés opérationnelles à voyager devraient paralyser le secteur. Mais ça n’est pas le cas. On apprend que beaucoup de grandes entreprises françaises ont performé pendant la crise sanitaire. Est-ce qu’on en profite par ricochet ? Est-ce l’effet Revenge Travel ? Je ne sais pas vraiment comment expliquer cette tendance, mais je n’y réfléchis pas trop. Les prix augmentent – et nos paniers moyens aussi, en valeur absolu – mais nos clients veulent voyager. Je trouve d’ailleurs que « le monde d’après » ressemble beaucoup au monde d’avant… Hormis pour la question du travail, qui est peut-être la menace principale qui pèse sur notre secteur.

Vous faites allusion aux difficultés de recrutement rencontrées par l’industrie du tourisme ?

Emmanuel Foiry : Par l’industrie du tourisme, et par d’autres aussi. Avec la pandémie, j’ai le sentiment que le rapport au travail a changé pour toute une génération. Je ne sais pas si ce paramètre sera durable, mais il faut en tenir compte. Parce que nous avons besoin de recruter… et nous trouvons difficilement les profils adéquats. Nous y arrivons ! Les profils de spécialistes sont toutefois de plus en plus rares. J’ai aussi l’impression que de nombreux collaborateurs ont quitté le secteur pendant la pandémie. Par exemple, à chaque fois qu’un plan social a lieu chez un grand opérateur, nous nous attendons à recevoir des CV. Ça n’est plus nécessairement le cas. Nous devons travailler sur l’attractivité de notre secteur et de nos métiers.

Nous autorisons désormais à pratiquer le télétravail… y compris pour nos salariés en agence physique.

Quels sont les leviers d’action pour un groupe comme Travel Lab ?

Emmanuel Foiry : Ils ne sont pas si nombreux. Pour caricaturer, on pourrait dire qu’avant, les candidats devaient nous séduire. Désormais, c’est l’inverse : c’est l’entreprise qui doit séduire et convaincre les candidats. Il nous est difficile de promettre des hausses de salaires, tant les marges du secteur sont faibles, et vu la hausse des prix en cours. Par contre, nous pouvons jouer sur les conditions de travail, en favorisant par exemple le télétravail. Chez Travel Lab, nous autorisons désormais à le pratiquer… y compris pour nos salariés en agence physique ! Ça n’était pas envisageable il y a quelques années. Nous travaillons également sur toutes les questions liées à la responsabilité sociétale de l’entreprise (RSE), et à la philosophie véhiculée par l’entreprise. Nous agissons à plusieurs niveaux : en cotisant à la fondation Der Touristik (la maison mère de Travel Lab, NDLR), en participant au fonds de compensation mis en place par le Syndicat des entreprises du tour-operating (Seto) et même en interne, ici, au siège, à Saint-Ouen. Nous devons être attentifs à tous ces sujets et nous avons la chance d’avoir une directrice des ressources humaines qui fait partie de la génération pour qui ces problématiques sont centrales. C’est elle qui pilote tous ces axes stratégiques et nous en sommes ravis.

Ces initiatives seront suffisantes, après les heures terribles vécues par l’industrie du tourisme pendant la pandémie ?

Emmanuel Foiry : Cette période a été très difficile, mais elle a eu de nombreuses vertus concernant l’importance du métier d’agent de voyages ou de tour-opérateur. La valeur ajoutée des voyagistes a été remise en lumière par la pandémie et toutes les difficultés – notamment opérationnelles – qui ont suivi. Nous avons répondu présents à chaque fois qu’il a fallu rapatrier des clients, les reprotéger après une annulation de vol ou encore les accompagner sur l’aspect des formalités sanitaires. Après la pandémie, c’est le retour de l’humain dans le voyage. Et pas nécessairement en agence physique : tout dépend de la zone géographique dans laquelle vous vendez. Et on peut avoir une vraie relation humaine et commerciale sans se rencontrer physiquement.

C’est ce qui vous a conduit à céder plusieurs agences en propre, début 2021 ?

Emmanuel Foiry : Les comportements de nos clients ont changé. Dans Paris et sa région, par exemple, moins de 50% de nos clients se rendent en agence de voyages pour avancer ou conclure une vente. Un voyage sur-mesure, c’est parfois jusqu’à 10 aller-retours entre l’agence et son client. Ce dernier n’a pas nécessairement le temps de se rendre en agence à chaque étape de la construction du voyage. C’est moins vrai en province, même si la tendance s’accélère aussi. Donc, pour l’instant, avec nos cinq agences franciliennes (trois à Paris, une à Vincennes et une à Boulogne-Billancourt, NDLR), et nos agences à Lyon et Nice, nous pensons avoir une surface suffisante. Ça n’est pas à l’ordre du jour d’ouvrir d’autres agences physiques.


Kuoni sous l’ombrelle du voyagiste allemand DER Touristik

Kuoni est la marque emblématique de Travel Lab, qui exploite aussi Donatello, Scanditours, Vacances Fabuleuses… Fondée et dirigée par Emmanuel Foiry, la société a été vendue au voyagiste allemand DER Touristik en 2018. DER Touristik, qui a enregistré un chiffre d’affaires de 6,5 milliards d’euros en 2019, est la filiale voyages du groupe allemand Rewe, un géant mondial de la grande distribution. Rewe a encaissé un chiffre d’affaires de 26,5 milliards d’euros en 2020. 


 

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