Corse : les transports de la discorde
L'Assemblée de Corse vient de dessiner l'avenir des dessertes maritime et aérienne de l'île. La SNCM fait figure de grande perdante, quand Air France a conservé, sous pression, son pré-carré.
Objectif réduction des dépenses. Le 23 mars dernier, l'Assemblée de Corse a entériné le principe d'une baisse drastique des subventions publiques aux compagnies de ferries desservant l'île dans les années à venir (voir encadré). Un projet qui, en résumé, consacre le retour au strict principe de la continuité territoriale : les aides doivent profiter aux résidents corses et au fret, pas aux touristes. Ce nouveau schéma, qui n'aura pas d'incidence sur la saison estivale à venir, devrait entrer en vigueur début 2014. Grande perdante, la SNCM, titulaire de l'actuelle délégation de service public (avec La Méridionale), sera a priori obligée de se séparer de ses deux navires amiraux et de 800 salariés. Une perspective qui fait craindre l'an prochain d'importants conflits sociaux, toujours pénalisants pour l'activité touristique.
AIR FRANCEMET LA PRESSION
Dans une moindre mesure, Corsica Ferries pourrait aussi faire les frais de ce tour de vis. Car si l'aide sociale au passager, autre dispositif de subvention publique, est supprimée, alors « on sera obligé d'augmenter les prix, ce qui fera mécaniquement baisser le trafic », estime Pierre Mattei, directeur général de la compagnie. Le secteur touristique ne croit pourtant guère à un tel scénario. « Avec ou sans aide, les compagnies maritimes sauront s'adapter, prédit Jean-Baptiste Pieri, vice-président du Cercle des Grandes maisons corses. De toute façon, le trafic touristique n'a pas besoin d'être subventionné, et surtout pas en été. Le vrai enjeu, c'est de développer l'avant et l'arrière-saison et le tourisme à haute contribution, et cela passe par l'aérien. »
C'est l'autre grand volet des récents débats à l'Assemblée de Corse. Le 22 mars, les nouvelles DSP (délégations de service public) sur la desserte aérienne ont enfin été votées, trois jours seulement avant que les précédentes n'arrivent à terme. Sur les liaisons en bord-à-bord (depuis Marseille et Nice), peu de changement. En revanche, la DSP sur les liaisons avec Paris, renouvelée à Air France et Air Corsica, cristallise la polémique. Les professionnels corses du tourisme sont même vent debout contre Air France. « La compagnie a joué le pourrissement des négociations, menaçant de se retirer de l'île si ses exigences n'étaient pas satisfaites, explique Jean-Marc Ettori, PDG de Corsicatours. Et pour faire monter la pression, elle a attendu le tout dernier moment, début mars, pour communiquer son programme de vols été, ce qui revient à nous saboter la saison. Nous avons perdu une bonne partie de nos groupes, et les hôteliers sont désespérés. » Certains professionnels estiment même que le secteur pourrait perdre 10 à 15 % de chiffre d'affaires cette année.
LA DSP PARIS-ORLY – CORSE BLOQUE LA CONCURRENCE
Plus largement, tous dénoncent le principe même d'une DSP au départ de Paris-Orly. Non seulement, elle finance en partie le trafic touristique (ce qui n'est pas sa vocation), mais elle bloque aussi le développement de l'offre aérienne. Résultat : un manque de sièges, des prix trop élevés et pas de vols à l'année depuis Roissy. « XL voudrait s'y lancer, mais AF aurait fait pression sur ce transporteur en sous-entendant, par exemple qu'elle pouvait se positionner sur Las Vegas (ligne directe opérée par XL, Ndlr) », glisse un acteur du secteur. Seule bonne nouvelle : « le déploiement des bases province d'Air France va nous permettre de construire de nouvelles routes à l'année au départ des régions françaises, avec escale non pas à Paris mais à Nice ou Marseille », se réjouit Didier Leonetti, directeur général de l'Agence du Tourisme de la Corse. De quoi, espère-t-il, attirer des visiteurs non plus 8 mais bien 12 mois par an…
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