[TRIBUNE] Influenceurs, créateurs : quels rôles et quels objectifs pour un tourisme plus responsable ?
Les influenceurs et les créateurs de contenus ont acquis une place prépondérante dans le paysage médiatique actuel. Leur talent est un levier marketing incontournable pour les marques. Leur capacité à orienter les comportements et les décisions d’achat ne fait plus de doute. Pour notre secteur, comment peuvent-ils contribuer aux engagements RSE des entreprises ? Comment peuvent-ils utiliser leur voix pour promouvoir des pratiques plus responsables et quel bénéfice en retirer en tant que marque ?
Ils sont loin d’être un effet de mode. En 2024, les influenceurs exercent toujours un pouvoir de persuasion phénoménal sur le grand public, souvent plus fort que celui des publicités traditionnelles. Ce marché a cependant considérablement évolué ces dernières années. Il s’est étendu à une multitude de créateurs de contenus, talents, vidéastes et photographes. Pour la plupart, ils permettent aux marques de toucher des audiences diversifiées et segmentées. Ils renforcent leurs stratégies de contenus, élargissent l’impact des campagnes marketing, et les rendent plus authentiques.
Quelques dérives et de nouvelles obligations
Transparence, crédibilité, responsabilité : tout n’est pas rose au pays de l’influence. La professionnalisation a connu des déboires et mis en lumière des problématiques éthiques. Du côté du voyage, en glorifiant des destinations idylliques ou des expériences parfaites, certains influenceurs contribuent à invisibiliser un tourisme moins carboné. Ils exercent une forme de pression sociale autour de vacances parfaites. La tendance du « flight hiding » se développe, consistant à effacer toutncontenu lié à l’avion dans un storytelling sur les réseaux sociaux. Les mentalités changent tout de même, et des influenceurs tels que Bruno Maltor ou Tolt (fondateur de Hourrail !) sont passés aux actes en modifiant profondément leurs mobilités. Ce sont des exemples à suivre.
Afin de guider les influenceurs et les marques vers des attitudes plus éthiques, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a renforcé ses exigences sur la transparence des collaborations commerciales. Désormais, les influenceurs doivent indiquer clairement lorsque leurs contenus sont sponsorisés, et ce, dès les premières secondes de visionnage ou les premières lignes d’un post.
Ces mesures légales visent à protéger les consommateurs contre les pratiques trompeuses et à garantir que les décisions d’achat ou de voyage sont prises en toute connaissance de cause. Les sanctions pour non-conformité sont de plus en plus sévères. En parallèle, l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) a mis en place le certificat de l’influence responsable. Bien que facile à obtenir et d’un impact pour l’instant modeste, il vise à encadrer les contenus diffusés par les influenceurs, en leur recommandant une déontologie précise.
Quels objectifs atteindre avec les influenceurs et créateurs de contenus ?
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Valoriser des indicateurs qualitatifs plutôt que des chiffres « wow »
La création de contenus de qualité et la mesure de leur impact sont des objectifs clés dans les collaborations entre marques et influenceurs. L’époque où l’on se contentait de « vanity metrics » tels que le nombre d’abonnés ou de likes semble (presque) révolue. Il ne s’agit plus simplement de viser des millions de vues, mais de s’assurer que les messages véhiculés résonnent vraiment avec l’audience cible.
Les collaborations doivent aujourd’hui s’appuyer sur des indicateurs plus pertinents, tels que : le taux d’engagement, le nombre de clics, le nombre et la tonalité des messages privés reçus, et surtout, les conversions et les leads générés. Selon une étude de Phocuswright en 2024, deux voyageurs de moins de 55 ans sur trois ont déclaré avoir réservé leur séjour grâce à des contenus consultés sur les réseaux sociaux lors de leurs recherches. Ce chiffre démontre que les contenus social media, aujourd’hui en grande partie produits par des créateurs et des influenceurs, ont un poids considérable dans la prise de décision des clients. Le nouvel enjeu est qu’ils incitent à des comportements plus responsables.
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« Rendre sexy le tourisme responsable » grâce à de nouveaux imaginaires
Le tourisme durable a longtemps souffert d’une image austère et moralisatrice. Comme le souligne Antoine Richard, président d’Agir pour un tourisme responsable (ATR), il est crucial de à rendre sexy le tourisme responsable ». Cela implique de repenser les imaginaires associés au voyage, en valorisant des expériences authentiques et enrichissantes, plutôt que des destinations lointaines et spectaculaires.
Certains créateurs de contenus, à l’image de Jamy Gourmaud à travers une collaboration avec Atout France, ont déjà commencé à intégrer cette approche dans leurs publications. Ils mettent en avant des destinations locales, accessibles sans avion, ou font la promotion de modes de transport bas-carbone comme le train ou le vélo. Cela reste marginal : le poids des habitudes, la pression des marques partenaires, et l’attente de contenus spectaculaires de la part de leur audience freinent encore l’émergence d’un discours plus responsable sur le voyage.
Influenceurs et créateurs, en raison de leur proximité avec leur audience, peuvent jouer un rôle clé dans la transformation des comportements de voyage. En collaborant avec des marques qui favorisent des pratiques durables, ils contribuent à la création d’un nouveau modèle de voyage, où la qualité des expériences prime sur la quantité des destinations visitées. Il peut s’agir de réduire l’empreinte carbone du secteur, mais aussi de redéfinir ce que signifie voyager au XXIe siècle et remodeler l’imaginaire collectif du voyage.
En adoptant des pratiques plus durables et en les intégrant à leur contenu, ils peuvent inspirer un large public à revoir ses habitudes. Cela implique de valoriser des destinations plus proches ou des moyens de s’y rendre moins carbonés, et de remettre en question la logique de la surconsommation et des « voyages Kleenex ». Pour une marque engagée dans une stratégie RSE ambitieuse, ce type de collaboration a beaucoup de sens.
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Mieux gérer les flux touristiques
Selon ONU Tourisme, 95 % des voyageurs vont visiter 5 % de la planète. Cette concentration des flux sur quelques sites emblématiques offre une piètre expérience et menace les espaces naturels. Des partenariats innovants par le prisme des créateurs font la promotion d’itinéraires moins connus, loin des zones de tourisme de masse. Ils passent par la mise en avant de destinations alternatives, moins fréquentées, sous-cotées et authentiques.
La valorisation d’autres saisons est également un objectif fort. « Finie la saison des pluies, vive la saison verte ! », évoque Guillaume Linton, directeur d’Asia. Une saison durant laquelle les voyageurs peuvent découvrir des paysages luxuriants sans subir les désagréments du surtourisme. Promouvoir ces périodes moins touristiques, où la nature est encore plus belle, permet de mieux répartir les flux sur l’année. La voix des influenceurs et des créateurs est ici beaucoup plus crédible que celle des voyagistes.
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Systématiser la cession de droits sur les contenus produits
Enfin, pour que les collaborations entre marques et influenceurs-créateurs soient véritablement responsables, il est crucial de systématiser la cession de droits sur les contenus produits. Trop souvent, des talents sont mobilisés pour de simples objectifs de visibilité, avec des contenus de qualité qui ne sont pas pleinement exploités. Chaque voyage « sponsorisé » doit être rentabilisé par une production de contenus qualitative, riche et variée, permettant une diffusion sur le long terme. Cette production nécessite un accord préalable entre la marque et le créateur de contenus, garantissant une juste rémunération et un prix raisonnable pour les usages réels que la marque va en faire. Ne pas trouver d’accord sur ces termes serait irresponsable.
Article rédigé par Nicolas de Dianous, fondateur de NS4 Conseil
non delocalisable….mais la marge produite peut etre delocalisée…..
la planete verte, OK pour tout le monde
mais comment expliquer à mes collegues du SRi Lanka ( ou tout aure pays) dont la vie depend du Tourisme qu’au nom du « non avion » il va devoir mourir de faim. Le Covid a déjà affecté de nombreux pays, cela commence à repartir.
LE TOURISME EST LA SEULE INDUSTRIE NON DÉLOCALISABLE! et c’est super ainsi. Les personnes peuvent rester vivre dans le pays. il faut peser dans la balance toutes les conséquences de nos décisions bobo-européennes.
Ce tourisme tant décrié, fait vivre énormément de pays. Nous sommes aussi responsable de cela si nous leur coupons les vivres.
merci