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Olivia Grégoire : « Le tourisme est un fleuron national »

Qui est Olivia Grégoire ? Comment est-elle arrivée « en politique » ? Quelle est sa vision de l’entrepreneuriat et du tourisme ? La ministre déléguée au Tourisme a répondu à toutes ces questions de sa voix à la tonalité grave et au verbe clair, les Yeux dans les yeux.

L’Echo touristique : Olivia Grégoire, madame la Ministre, qui êtes-vous ?

Olivia Grégoire : Je suis avant tout la maman d’une petite fille, adorable, depuis huit mois. Je suis aussi ministre en charge du commerce, des petites et moyennes entreprises, de l’artisanat et du tourisme. Si je devais résumer ce périmètre assez large, je dirais que j’ai l’honneur d’être la ministre de tous ceux et celles qui font tous les jours, l’économie de notre pays. Je pense à nos artisans, premier employeur de France ; je pense aux commerçants qui, quotidiennement, nous permettent de manger de la bonne viande, qui permettent d’avoir des fruits, des légumes, du bon pain, des gâteaux du chocolat, dans ce merveilleux pays qui est le nôtre, cet immense pays de la gastronomie.

Je suis aussi en charge des PME qui sont très nombreuses dans le secteur du tourisme, de l’artisanat ou dans le commerce. Les PME c’est 99% de nos entreprises. La majeure partie des Français travaille dans des entreprises de moins de 10 à 50 salariés. C’est le poumon, le cœur vivant de notre économie. On appelle parfois cette économie, « l’économie de proximité ».

Très tôt, j’ai été confrontée à la réalité économique.

Je suis moi-même la fille de deux entrepreneurs. Mon papa avait créé une entreprise lorsque j’avais 4 ans. J’ai vu mes parents se battre pour vendre leurs solutions de mobilier de bureaux,  – l’entreprise était dans la bureautique. Je les ai vus heureux de remporter des commandes, je les ai vus stressés de perdre des collaborateurs.

Très tôt, j’ai été confrontée à la réalité économique puisque j’ai intégralement financé mes études. Dès l’âge de 17 ans, j’ai assumé le loyer de ma chambre de bonne et ai été hôtesse sur des salons professionnels. Tout en menant mes études, j’ai travaillé à mi-temps dans une agence de communication évènementielle à Boulogne. Il m’est arrivé d’avoir trois activités en même temps afin que mes parents n’aient pas à se soucier de financer mes études.

Je viens de l’entreprise, j’aime l’entreprise. J’ai à cœur, le temps que l’on me laissera dans cette belle maison (Bercy, ndDG), au-delà de mener des actions utiles pour ces entreprises, de leur rendre la considération et la reconnaissance que méritent leurs dirigeants.

Je crains que nous soyons dans une époque de caricature et d’excès. On entend souvent dans les débats, notamment de la part de certaines formations politiques, « les grands patrons, les dirigeants, les dividendes ». La vraie vie économique de notre beau pays, ce n’est pas ça ! Vous savez, quand on parle de dividendes à un patron d’entreprise qui a 5 salariés, qui se paye avec son dividende annuel, je pense que l’on ne peut pas tout comparer.

Comme souvent dans notre pays, on caricature beaucoup le monde économique qui est aujourd’hui peuplé de petits entrepreneurs à qui, au plus profond de mon âme, j’ai envie de dire bravo. Mon rôle est  de faire en sorte qu’on les aide concrètement dans les mois qui viennent.

La politique, ça vous a pris comme ça ?

Olivia Grégoire : Non, pas du tout.  Je suis depuis ma classe de 4ème une férue d’histoire. Passionnée par la Grèce antique, l’histoire romaine, j’ai d’ailleurs étudié beaucoup de langues « mortes », je me suis intéressée à la « Polis », la gestion de la Cité au sens noble. En fait mon parcours, mon éducation, mes parents m’ont, très tôt, appris deux choses de par la vie que nous avons eue.  D’abord, le fait que, dans une vie, il était important d’agir pour les autres. La vie est courte, et dans une époque très individualiste, l’idée de mener sa vie tout en essayant d’avoir un impact positif favorable à l’endroit des autres est quelque chose qui m’anime depuis toute petite.

Ensuite, mon père m’a toujours dit, « nous avons la chance de grandir dans un pays dont le sens de la solidarité nationale est aussi fort, avec autant de compétences et d’humanité. » J’ai grandi dans cette idée qui a nourri mon engagement politique.

J’ai beaucoup travaillé durant la campagne de 2017 sur la problématique « santé », sans jamais penser à entrer dans la vie politique. J’avais plus envie, mais finalement, je me suis prêtée au jeu et d’aventure en aventure, j’ai été élue à la 12ème circonscription de Paris.

Le tourisme, pour vous c’est l’importation de touristes étrangers ou l’exportation de nos concitoyens vers l’étranger ?

Olivia Grégoire : Les deux mon général ! Pour moi, le tourisme est un fleuron national. On parle souvent de réussite industrielle, que ce soit dans l’automobile, l’aéronautique, j’ai à cœur qu’hisse le tourisme au même niveau que ces fleurons.

Il n’y a pas de hasard, disait Paul Eluard, il n’y a que des rendez-vous. Ce n’est pas un hasard si le monde entier parle toujours de la France avec les yeux qui brillent. Ce n’est pas non plus un hasard que notre pays soit la première destination touristique mondiale : ce pays a été béni, avec des entrées de mer et d’océans, des montagnes fantastiques, une campagne magnifique… Il y a quand même très peu d’endroits au monde, tel par exemple le Pays basque que j’aime particulièrement, ou en moins de deux heures, vous pouvez passer de la montagne à la campagne la plus traditionnelle et de là, vous retrouver face à l’océan!

Il y a la réalité de la France et ce que les professionnels du tourisme ont su en faire : c’est un fleuron. A moi, à nous de le consolider et de faire en sorte que ce secteur soit reconnu dans le débat politique.

Votre prédécesseur, Jean Baptiste Lemoyne était très apprécié des professionnels du tourisme qui se demandent si vous allez continuer à les soutenir ?

Olivia Grégoire : Jean-Baptiste Lemoyne et moi nous connaissons très bien. Nous avons eu les mêmes parcours politiques, il y a beaucoup de fraternité, de proximité entre nous. Les professionnels du tourisme que j’ai rencontrés ont, sans aucune exception, salué la qualité de l’action de Jean-Baptiste Lemoyne et j’ai à cœur de perpétuer ce qu’il a su faire dans le même état d’esprit.

Cet état d’esprit c’est protéger et accompagner, quand c’est nécessaire puisque le tourisme est une économie exposée. Mais cet état d’esprit, c’est aussi d’avoir une approche lucide et ambitieuse auprès des acteurs du tourisme. Et j’ai à cœur que tourisme soit reconnu pour ce qu’il est, c’est-à-dire un fleuron national qui représente 8% de notre PIB, une économie pourvoyeuse d’emplois et de richesses. Bien sûr il faut de l’accompagnement mais aussi de l’exigence et de l’ambition : c’est important d’être premier, ce qui compte c’est de le rester !

Je crois qu’il est important de ne pas infantiliser les acteurs du tourisme, ce serait antinomique avec l’opinion que j’en ai, c’est-à-dire celui d’une force économique à part entière.

Bien sûr, il y a certains sujets qu’il nous faut clore, aux enjeux de post covid et de PGE, mais j’ai aussi envie de continuer, d’amplifier ce qu’a fait Jean-Baptiste Lemoyne avec le plan Destination France dans le quel il y a beaucoup d’ambition et de moyens. Ce sont près de 2 milliards d’euros mobilisés pour 2 millions de professionnels du tourisme. J’ai également à cœur que l’on relève ensemble les défis qui sont devant nous, parmi lesquels cette recherche de l’excellence, cette amélioration de la qualité touristique dans notre pays.

Nous avons également les défis de la transition économique, le tourisme durable et responsable. Je pense aussi au tourisme social : cet été, 3 Français sur 10 ne sont pas partis en vacances. C’est moins que les précédentes années, mais on doit pouvoir faire plus. Cela fait des années que l’on n’a pas touché au tourisme social, peut-être faut-il aussi le revigorer, le moderniser et le déployer encore davantage.

Nous devrons servir le tourisme, pas le détruire.

Tourisme et écologie, compatibles ? Quels sont vos défis ?

Olivia Grégoire : Le tourisme d’il y a 20 ans peut-il être le même que dans 20 ans ? Non ! Les acteurs du tourisme ont un regard lucide. Et, vous savez, ces acteurs du tourisme n’ont pas attendu une nouvelle ministre du tourisme pour l’avoir.  Ils ont ce regard parce que, comme souvent, c’est le marché qui dicte les conditions de l’offre. Et j’ai envie de relever avec eux  ces défis qui sont devant nous. Je le ferai avec un langage de vérité qui est d’ailleurs le mien depuis toujours.

Nous devrons servir le tourisme, pas le détruire. Il y a par exemple des enjeux passionnants sur lesquels je travaille, notamment sur l’hôtellerie de plein air, dont les structures sont un peu vétustes et qui ne sont plus entretenues. Qu’en fait-on ? Doit-on les détruire, perdant par là même des dizaines de milliers de nuitées et donc des centaines de millions d’euros pour les acteurs du tourisme ? Est-ce qu’on les aide pour se moderniser avec des matériaux durables pour leur permettre d’accueillir des clientèles modestes, jeunes et répondre à cette nouvelle demande ? L’hôtellerie de plein air a des idées, des projets. Il y a énormément de créativité dans le tourisme.

En fait je ne crois pas que ce soit le tourisme qu’il faille incriminer, interdire. La question est plutôt comment on l’accompagne, en tant qu’Etat, mais aussi avec les acteurs privés – ce n’est pas à l’Etat de faire des ingérences dans les systèmes économiques – et donc d’accompagner les acteurs afin qu’ils puissent mener ces transformations.

Nous sommes la première destination touristique mondiale. Mais nous ne sommes pas les premiers en termes de recettes. On peut le faire, réduire cet écart par rapport à nos voisins espagnols. C’est un enjeu de rapport qualité/prix. Comment aborder ce sujet ? Nous avons une opportunité formidable avec les Jeux Olympiques de 2024 : des dizaines de millions de gens vont venir en France à cette occasion. Comment accompagner, dans les deux ans qui viennent les acteurs du tourisme pour pivoter, monter en gamme tout en restant dans des prix compétitifs ? Ce sont avant tout des défis économiques !

Justement, est-ce un avantage d’être à Bercy ?

Olivia Grégoire : Je vous dirai, sans aucune flagornerie, que c’est un immense avantage d’être aux côtés de Bruno Le Maire. C’est un homme qui a une grande sensibilité sur le tourisme. Il a aussi une belle connaissance de notre pays, il est profondément amoureux des terroirs de France.

Le président Macron a annoncé récemment, « fini l’abondance, finie l’insouciance ». Pour votre ministère, est-ce inquiétant ? Qu’est-ce que ça veut dire ?

Olivia Grégoire : Le Président a fait un constat lucide : nous sortons d’un été terrible, de l’Ardèche à la Corse, de l’ensemble du pays, je pense aussi à la sécheresse, au feu et plus de 50.000 hectares détruits, je pense aux températures caniculaires que nous avons vécues. Et il faudrait être sourd, aveugle et totalement déconnecté pour ne pas voir que les grandes bascules sont déjà en cours. Oui, il y avait, ces dernières années, une abondance de liquidités ; oui, il y avait, ces dernières décennies, une abondance de paix ; oui, il y avait ces derniers siècles, une abondance de ressources.

Pour moi, ici à Bercy, cela veut dire qu’il faut accompagner les acteurs à mener les révolutions de la décarbonation et de la transition énergétique dans les prochaines années, de façon très opérationnelle afin de faire face à cette fin de l’abondance énergétique. Il faut aussi qu’ensemble – ce que j’aurai à cœur de faire le plus rapidement dans le cadre du Comité de filière – nous regardions avec pragmatisme, avec courage, les grands défis qui sont devant les acteurs du Tourisme.  Certains seront difficiles à résoudre, mais il faut les regarder avec franchise.

La situation en Ukraine, ça vous inquiète ?

Olivia Grégoire : Le Président dit à ses ministres durant le Conseil des ministres que cette guerre sera longue. Bien évidemment, c’est inquiétant. Vous savez, avant d’être ministre, je suis la maman d’un tout petit bébé. Je me suis posée la question de savoir, avant de mettre cette petite fille au monde, dans quel monde allait-elle arriver.

Nous sommes une grande nation, nous avons d’immenses qualités, avec parfois une certaine incapacité à nous le dire que nous sommes un grand pays. Parfois, ça fait du bien d’entendre des Canadiens, des Espagnols, des Portugais, des Anglais, de lire la presse étrangère telle la Suisse vanter les réussites de la France.

Je crois que notre pays s’en sort mieux que beaucoup d’autres, qui est peuplé d’hommes et de femmes à l’énergie incommensurable. Je pense que nous sommes une immense nation et que, ainsi que le Président nous l’a rappelé, l’unité doit être notre obsession. Ce sera la mienne !

Beaucoup de formations politiques ont intérêt à la division afin de gagner des élections. J’aurai à cœur de les combattre et de rappeler aux Français tout ce qui les rassemble. On critique, les acteurs du tourisme le savent bien, le chauvinisme des Français. C’est peut-être le moment d’être fiers d’être français dans ces moments difficiles, de nous serrer les coudes, ne pas ouvrir de fausses brèches entre les plus aisés et ceux qui souffrent le plus.

Olivia Grégoire, femme, maman, ministre, comment faîtes-vous ?

Olivia Grégoire : J’ai la chance d’être accompagnée dans ma vie par un mari génial qui comprend beaucoup de mes engagements, qui les soulage. Ce qui me permet de mener ma mission.

J’ai aussi et j’y attache beaucoup d’importance, une équipe de jeunes femmes, de jeunes hommes, qui m’accompagnent et à qui je délègue et je fais confiance.

Je crois en ce que nous faisons, j’aime notre pays profondément et même, si parfois les yeux piquent le matin parce que j’ai des réveils nocturnes de ma petite fille, je n’oublie jamais le matin le grand honneur qui est le mien de servir ce pays ; à quel point mes parents, qui ne sont plus de ce monde, auraient été fiers que leur fille donne tant à ce pays fantastique. J’y met beaucoup de cœur, je crois à ce que je fais.

Elisabeth Borne l’a dit mieux que moi : il est important que les jeunes filles qui font leurs études aujourd’hui, qui parfois galèrent et  qui pour certaines n’ont pas l’aide de leurs parents, puissent se dire que tout est possible. Des femmes comme moi ont bien réussi à le faire, je ne dis pas que c’est facile mais c’est possible. C’est formidablement gratifiant de servir son pays !

1 commentaire
  1. Jean-Louis Baroux dit

    Voilà un message que nous aimerions avoir plus souvent. Bravo pour cet interview aussi bien pour les questions que pour les réponses

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