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[NET MANAGERS] Grégory Pourrin : « L’avenir de l’hôtellerie est dans l’humain et le service »

Dans le cadre de la nouvelle édition de Net Managers qui se tient actuellement à bord du navire Costa Toscana, Grégory Pourrin, DG-fondateur associé de Centaurus et directeur général de Maison Albar, a passé en revue les défis qui attentent les hôteliers dans “ce monde d’après”. 

L’hôtellerie, c’est un petit monde, et c’est un petit monde qui change vite. Ou qui le devrait en tout cas, car la pandémie est venue confronter les professionnels du secteur à bien des questionnements sur les attentes des voyageurs, l’évolution de leur modèle ou leur vision du management.

Des questions qui n’ont rien perdu de leur insistance alors que se dessine la sortie de crise, avec une saison qui s’annonce pour beaucoup exceptionnelle… et complexe. Exceptionnelle parce que la demande est là, et les prix à la hausse. Complexe, car les difficultés de recrutement et d’organisation pèseront à nouveau sur l’été.

Première leçon : les voyageurs en veulent plus. « Nous devons être capables de faire un check-in rapide, de renseigner éventuellement sur la meilleure pizza dans le coin, mais le client, il en attend beaucoup plus maintenant. Il va par exemple demander des billets coupe-file pour la tour Eiffel ou pour des événements, parce qu’avant, la chambre qu’il payait 200 euros, il la paye 400. Alors il attend des prestations supplémentaires. Ce n’est même pas tant une question de prix : c’est aussi parce que les clients veulent qu’on s’occupent d’eux, qu’on prenne soin d’euw », observe Grégory Pourrin.

Derrière l’hôtelier, un service de conciergerie

« Je pense que les hôteliers vont être obligés de mettre en place de nouveaux business models, estime Grégory Pourrin. Jusqu’à présent ils ne le faisaient pas parce qu’ils étaient trop riches. Un hôtelier avait de toute façon son flux de clients qui arrivait. Il était à l’aise, il était tranquille, et il ne se posait pas trop de questions.” Une époque révolue ? Sans doute, pour Grégory Pourrin, car c’est une pression qui vient de la part du client. Si beaucoup de choses ont été tentées ces dernières années, avec un succès et une pérennité dans le temps toute relative, pour Grégory Pourrin, l’hôtellerie est vouée à évoluer. « L’hôtelier va être amené à se transformer un petit peu en agence incoming pour ses clients, anticipe-t-il. Parce que le client veut un point de contact. On se rend bien compte qu’il veut un échange avec quelqu’un de solide en face de lui, un vrai interlocuteur. »

Une évolution qui ne devra pas être que de façade. D’ailleurs, elle a – et aura encore plus à l’avenir – une influence sur la distribution des espaces et l’aménagement des lieux, avec des espaces communs devenus essentiels.

« Le point de transformation de notre hôtellerie, globalement, ça va être : comment est-ce que mon hôtel vit avec ses clients, avec ses voisins, avec le monde qui l’entoure », analyse Grégory Pourrin. En clair : les hôtels ne doivent plus être fermés sur eux-mêmes. « D’abord parce que ce n’est pas ce que veut le touriste, note Grégory Pourrin, ensuite parce que parce que nous n’avons pas du tout envie d’avoir les locaux contre nous en ayant ce type de comportement », souligne-t-il.

Pour s’ouvrir à l’extérieur et à d’autres clientèles, beaucoup de choses ont déjà été tentées ces dernières années, rappelle-t-il, citant notamment l’initiative d’Accor avec son application Accor Local, que le groupe hôtelier a finalement fermé en 2017. Au secteur de poursuivre la réflexion pour savoir quelle peut être sa valeur ajoutée dans ce domaine.

Grégory Pourrin met en tout cas en garde contre un piège : chercher à obtenir immédiatement un retour sur investissement. « Nous allons devoir faire évoluer une approche encore mercantile du sujet, pense Grégory Pourrin. On se dit : Si je fais ça, il faut que je monétise. En réalité, il faut prendre le sujet à l’envers. A l’heure actuelle, nous avons des actifs dormants, qui nous coûtent de toute façon de l’argent. Par exemple la salle du petit déjeuner, qui ne sert qu’une petite partie de la journée. Ce qu’il faut c’est, demain, voir comment, tout en continuant à nous coûter de l’argent, elle peut apporter quelque chose à l’hôtel. Il ne faut pas absolument chercher à ce qu’elle rapporte de l’argent, là, la marche est trop haute. Il faut miser sur l’effet indirect. Prenons les spas dans les hôtels. Chez nous, il n’y a pas longtemps que les spas sont rentables. Mais quand nous les avons construits, je n’avais aucun problème avec le fait qu’ils ne soient pas rentables. Parce que je savais que le fait de pouvoir mettre en photo le spa de l’hôtel, que le client l’utilise ou pas, c’était 50 euros de RevPar. »

« Il faut essayer de comprendre pourquoi les gens s’en vont »

Autre défi, et pas des moindres, qui a déjà fait couler beaucoup d’encre : les RH. Comment recruter et fidéliser les talents dans un secteur qui a vu une vague d’employés rendre leur tablier pendant la crise du Covid ? « Il faut essayer de comprendre pourquoi les gens s’en vont, observe Grégory Pourrin. Ils s’en vont parce qu’assez peu d’établissements sont capables de donner des plans de carrières aux équipes. Nous sommes sur un métier très pyramidal. On se rend compte qu’une nouvelle génération a besoin de perspectives. » Pour lui, la question dépasse celle des salaires, qui ont récemment été revalorisés par une nouvelle grille salariale. Associer les équipes aux réflexions sur les évolutions de l’entreprise, permettre à chacun de prendre des initiatives sont aussi des éléments essentiels. « L’autre point c’est la RSE et les ESG. On l’a tous fait, mais la réalité, c’est que ce point là, on l’a adressé pour les clients, mais on a oublié de le faire pour les équipes. Et nos équipes viennent nous le rappeler », souligne-t-il, tout en observant aussi que le collaborateurs peuvent aussi avoir « des attentes fortes et pour autant des envies de donner à l’entreprise qui sont plus limitées ».

Une question RH directement corrélée à celle de la qualité de service, fatalement dégradée par le manque de personnel, un turn-over permanent ou le manque d’engagement des collaborateurs. « Nous avons de gros enjeux sur ce qu’on apporte à nos clients en termes de service et comment on fait évoluer ça, insiste Grégory Pourrin. Moi je vais volontiers dans un hôtel où je vais trouver un service incroyable, où l’on appelle mes enfants par leur prénom, où l’on prend soin de moi sur des détails, même si la déco sera un peu en dessous de ce que j’espère, plutôt que dans un hôtel où il y aura sur ce point un « effet whaou », mais un service zéro. Et je ne pense pas être le seul. Nous sommes tous très sensibles au service, à l’attention. C’est d’ailleurs pour ça que les conciergeries et assimilés se développent énormément. Nous en avons de plus en plus besoin, on veut de la personnalisation, du service. Je pense que l’avenir est vraiment dans l’humain et dans le service. Les business plans et les comptes de résultats avec très peu de masse salariale, sauf si les robots prennent le dessus, je n’y crois pas vraiment. »

Vers une hôtellerie d’expériences

« Je me suis trompé en disant, il y a quelques années, que nous allions avoir deux hôtelleries, avec d’un côté l’hôtellerie de besoin, et de l’autre côté l’hôtellerie d’expériences. Je mettais dans l’hôtellerie de besoin plutôt le segment économique, et dans l’hôtellerie d’expériences le haut de gamme. C’était une grosse erreur. L’hôtellerie de demain sera pour tout le monde une hôtellerie d’expériences. Même celui qui vient pour un besoin veut vivre quelque chose. »

Autant de mutations qui devraient bénéficier d’un partage croissant de bonnes pratiques entre professionnels, observe Grégory Pourrin. « Quand j’ai commencé dans le métier, il n’y avait rien qu’un hôtelier détestait plus qu’un autre hôtelier. Maintenant, les hôteliers se parlent, c’est un pas énorme. Je pense qu’il va y avoir des réseaux qui vont continuer à se développer, pas forcément sur des modèles de marques ou de franchises, qui sont contraignants. » Et de rappeler que si « la toute petite hôtellerie totalement indépendante, vieillissante, qui n’a pas la capacité ou la volonté d’investir dans sa structure est vouée à une disparition assez inéluctable, à l’opposé, l’hôtel de 1000 chambres totalement standardisées, c’est fini aussi ».

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