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Les voyagistes chouchoutent les comités d’entreprise

Les comités d’entreprise ont noué des relations privilégiées avec les TO. Ils bénéficient de rabais importants, provoquant l’ire des agences qui crient à la concurrence déloyale. Les TO considèrent, eux, défricher un marché dont ils n’entendent pas se priver.

Juillet 2003 : une trentaine de personnes décou-vrent l’Inde du Nord lors d’un circuit en autocar organisé par un gros TO généraliste. A bord, les conversations vont bon train : paysages, nourriture, confort des chambres et bien sûr… prix du voyage. Et là, surprise. Si la majorité des participants ont payé plein pot, plusieurs ont obtenu de sérieux rabais sur le prix brochure via leur comité d’entreprise. Des réductions qui atteignent 18 % pour un couple originaire de Blois, grâce au Comité de gestion des oeuvres sociales des établissements hospitaliers publics (CGOS), une association aux 417 000 bénéficiaires.

Cette situation est loin d’être unique. Le nombre de Français partant en vacances en France ou à l’étranger par le biais de leur CE est estimé à 2,5 millions par an. Selon les organisateurs du salon Loisir- expo, qui se tenait du 16 au 18 septembre à Paris, les 36 000 CE et collectivités consacreraient chaque année plus de 6 milliards d’euros au secteur du tourisme et des loisirs. Dans les petites entreprises, l’organisation de voyages reste marginale. En revanche, moyennes et grosses sociétés disposent de structures intégrées (CE, mais aussi associations de loi 1901 pour les fonctionnaires), parfois titulaires de l’agrément tourisme et dotés dans certains cas de budgets très importants, comme EDF-GDF (700 000 bénéficiaires), La Poste-France Télécom, la RATP (120 000) ou Total- FinaElf, etc.

Gros volumes, prix serrés

Ces structures se sont d’abord intéressées aux groupes, négociant directement des voyages auprès de quelques TO généralistes, mais surtout de groupistes comme Touristra, Partir, Capitales Tours, Viva Tours, Traces… Syltours fait ainsi partir près de 800 groupes par an. L’entreprise possède une équipe commerciale dédiée d’une trentaine de personnes et réalise 95 % de son chiffre d’affaires (35ME en 2002) avec CE et associations. Traitant en direct et sur de gros volumes, les CE bénéficient à juste titre de meilleurs prix.

Mais, face à la hausse des demandes de voyages individuels de la part des salariés, les comités d’entreprise sont de plus en plus nombreux à travailler à catalogue ouvert avec les TO. Les brochures individuelles sont ainsi disposées sur des présentoirs dans les locaux du CE. Seule différence, mais de taille, avec les agences de voyages : les produits ainsi vendus bénéficient de réductions sensibles. Par rapport aux prix publics, elles peuvent atteindre 18 %, voire plus, selon la saison (jusqu’à 25 % chez Pierre & Vacances/Maeva). Car, à une ristourne accordée par le voyagiste, le CE ajoute une déduction correspondant à la commission qu’il perçoit du TO, comme n’importe quelle agence. Nous sommes de gros clients pour les voyagistes. Il est logique que nous bénéficions de réductions proportionnelles au chiffre d’affaires que nous générons. Nous ne faisons en réalité que négocier, comme tous les réseaux, avec l’ensemble de nos fournisseurs, estime Jacques Delayens, directeur de Tourisme et Culture. Cette association gère les oeuvres sociales, et donc les voyages, des salariés de La Poste et de France Télécom, soit quelque 500 000 bénéficiaires.

La TVA, un sujet sensible

Cette vente aux individuels est depuis de nombreuses années considérée comme une concurrence déloyale par les agences de voyages, qui dénoncent bien sûr les réductions accordées par les TO. Mais ils pointent aussi du doigt le fait que les coûts de fonctionnement des CE et associations sont pris en charge par les entreprises (salaires, local, fournitures, téléphone…) ou qu’ils ne sont pas soumis à la TVA.Des avantages qui leur permettent de déduire du prix du voyage leur commission, sans mettre en péril leur activité.

A en croire les comités d’entreprise, chacun y trouve son compte. Les TO préfèrent travailler avec nos plateaux de réservation car nos vendeurs connaissent bien leur métier et les produits sélectionnés, affirme le responsable de l’un des plus gros CE de France. Les agences ne savent pas vendre les stocks des TO. Nous sommes donc obligés de nous substituer à elles, renchérit le patron d’un groupiste. Refusant la polémique, un CE fait toutefois valoir qu’ils sont de plus en plus nombreux à posséder l’agrément tourisme et à se mettre en conformité avec la loi. Quant à l’exonération de la TVA, pas question d’y toucher. Nous travaillons en milieu fermé et notre activité est non lucrative, explique une association sous régime loi 1901.

Autre sujet de polémique : certaines personnes bénéficient des avantages d’un CE sans être salariées de l’entreprise. Un gros comité reconnaît ainsi à demi-mot que, s’il vend cinq ou six billets d’avion sous le même nom, il lui est difficile de savoir s’il s’agit d’un couple et ses enfants ou d’autres membres de la famille, oncle ou cousin. Mais nous réfléchissons à la possibilité de faire payer une adhésion à des membres extérieurs, famille ou amis. Quant aux enfants, même s’ils ne sont plus à la charge des parents, nombre de CE les acceptent quand même. Chez Tourisme et Culture, ce sujet a été réglé une fois pour toutes. Un certain laxisme prévalait auparavant et nous avons toujours beaucoup de demandes extérieures, mais nous sommes très stricts depuis plusieurs années. L’association a déjà fort à faire avec les salariés de La Poste et de France Télécom, souligne Jacques Delayens. Nous avons encore un potentiel de croissance. Si le nombre de voyages vendus augmente, c’est que nous répondons aux attentes des salariés.

Visibilité contre remise

Pour attirer davantage de clients, les plus gros CE communiquent avec leurs bénéficiaires via l’intranet de l’entreprise, le site Internet du comité ou à travers leurs propres brochures. Trimestrielles ou bi-annuelles, elles reprennent les produits de TO référencés qui, en échange de cette visibilité, n’hésitent pas à accorder une remise supplémentaire ! Le CE des hôpitaux publics, le CGOS, édite ainsi Escales vacances, un catalogue sur lequel figurent les offres de 22 prestataires (Club Med, Fram, Kuoni, Look Voyages…). Les prix incluent les réductions négociées avec les TO, auxquelles s’ajoute la participation du CGOS, qui s’élève à 15 % pour la France et 7 % pour un voyage à l’étranger. L’année dernière, 47 000 personnes en ont profité, le montant total des subventions atteignant 9,9 ME.

On passe aux salons !

Pas étonnant, au vu des volumes en jeu, que les TO déploient tous leurs efforts. A chaque nouvelle saison, leurs équipes commerciales dédiées aux groupes et collectivités présentent leurs nouveautés, quand elles ne participent pas à des soirées de présentation aux salariés. C’est le cas à la Fondation Louis-Lépine (Temps Libre Vacances) et à l’Association pour la gestion des oeuvres sociales des personnels et des administrations parisiennes (Agospap). Les voyagistes sont également présents sur des salons spécialisés, comme Loisirexpo. Pour l’édition 2003, qui vient de fermer ses portes, Vacances Héliades, Fram, Disneyland Resort Paris, Havas Voyages Vacances et bien d’autres se sont payés un stand. Mais, face aux critiques des agences, la plupart se font discrets. Fram et le Club Méditerranée n’ont pas souhaité répondre à nos questions. Un voyagiste reconnaît, sous couvert d’anonymat, que c’est une forme de concurrence déloyale. Je n’ai pas le choix, car tous les TO font de même et certaines structures, comme le CGOS, n’acceptent de travailler qu’en direct, se défend-il. Un autre voyagiste, tout aussi soucieux de rester anonyme, préfère renvoyer la balle aux agences, rappelant que nombre d’entre elles contournent les TO en réservant chez les réceptifs et hôteliers à l’étranger.

Jet tours est l’un des rares à accepter de jouer cartes sur table. Le voyagiste revendique 500 comptes référencés pour la revente en direct de produits individuels, activité qui représenterait 18 000 clients par an et moins de 10 % de son chiffre d’affaires. Tous les TO font de la vente directe avec des remises importantes, justifie Laurent Milleville, le directeur Groupes et Collectivités du TO. Cette réduction atteint 8 % pour les ventes individuelles pendant les vacances scolaires et 10 % hors vacances. Nous considérons que cette politique contribue à attirer une nouvelle clientèle. Un salarié qui réserve via son CE n’utiliserait pas forcément les services d’une agence de voyages. Il apprécie le fait de connaître les vendeurs de son comité, et il peut de surcroît payer en plusieurs fois, voire en chèques-vacances. Jet tours précise néanmoins que cette vente individuelle directe est passive, le TO ne répondant qu’aux demandes spontanées. Et Laurent Milleville de rappeler que les actions commerciales sont d’abord orientées vers les agences, avec une équipe de vingt et un commerciaux contre trois pour la vente directe.

Des clients à ne pas négliger

Autre TO qui accepte de s’exprimer, Havas Voyages Vacances. Il a dédié une dizaine de personnes à sa nouvelle branche Groupes et collectivités, dirigée par Christine Bouzon. Elle est doublée par une cellule Voyages directs intégrée au sein du plateau téléphonique du groupe. Objectif : réaliser 10 % du chiffre d’affaires de HVV avec les comités d’entreprise cette année. Les CE représentent un segment du marché que l’on ne peut ignorer et qui nous intéresse, tant pour développer la vente individuelle que les groupes constitués, confirme Gilles Gersant, DG du TO qui prend l’année prochaine le nom de Thomas Cook.

TUI France, qui a clairement indiqué son intention de ne pas développer la vente directe, n’est pas en reste mais se veut très clair sur le sujet. Seuls les CE titulaires d’un agrément tourisme peuvent distribuer nos produits. Ils devront de surcroît respecter le prix en catalogue pour les ventes individuelles, assure Jean-Marc Siano, le DG de TUI France. Mais peut-il empêcher un CE de subventionner sur ses fonds propres un voyage ?

Présent dans l’offre de comités et d’associations, au même titre que Pierre & Vacances ou d’autres spécialistes de la location, Lagrange tient aussi à être clair. Nous réalisons 95 % de notre chiffre d’affaires avec les agences de voyages et nous n’entendons pas développer les ventes aux CE. Nous ne travaillons qu’avec quelques structures possédant un agrément et nous leur donnons une commission

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