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Les incentives se bousculent à la porte des agences

En vogue depuis des années aux Etats-Unis, les incentives trouvent leur place en France. Après avoir fait florès dans de nombreux secteurs d’activité, ces programmes de motivation envahissent peu à peu les agences.

Chaque semaine, la rubrique Vos rendez-vous de L’Echo touristique déborde d’opérations de motivation et de récompenses – les fameux incentives destinés aux agents de voyages – que multiplient voyagistes, assureurs, hôteliers, compagnies aériennes et autres loueurs.

Chèques-cadeaux, billets d’avion et voyages, mais aussi paires de chaussures de sport, TV plasma, diamant, invitations pour une projection privée du Da Vinci Code ou de Basic Instinct 2, dîner dans un grand restaurant, places pour un concert ou un événement sportif… les fournisseurs sortent chaque semaine le grand jeu. Une politique commerciale qui n’est pas toujours du goût des réseaux de distribution, qui tentent tant bien que mal de contenir les excès et d’enca-drer ces pratiques nouvelles.

Un moyen de coller à l’actualité ou aux saisons

L’objectif de ces incentives est clairement de fidéliser le vendeur, de pousser les ventes dans une période difficile, de promouvoir un produit (ou une destination) sur lequel le TO s’est engagé financièrement ou de récompenser les meilleures performances.

Mais l’impact espéré sur les ventes n’est pas le seul enjeu. Les programmes de motivation animent le réseau, montrent que le fournisseur est présent, affirme son dynamisme, considère Yannick Baras, directeur commercial du groupe Pauli. Avec quatre à six challenges par an, le TO colle à l’actualité (avec le réseau Thomas Cook à l’occasion de l’année Mozart par exemple) ou aux saisons (aux Antilles avec Karibea). Ces opérations sont aussi plébiscitées par les voyagistes lors du lancement d’une destination ou d’un site professionnel. Look Voyages et Costa ont ainsi distribué des dizaines de chèques-cadeaux pour inciter les vendeurs à utiliser look-pro.fr et costaclick.fr. Les challenges qui visent à améliorer la productivité des agences sont bien acceptés par les réseaux ; ils tiquent plus dès lors qu’il s’agit d’argent, ajoute Patrice Régnier, directeur marketing de Costa France.

C’est pour cette raison que la plupart des fournisseurs privilégient des récompenses autres que des espèces. Hertz invite par exemple les vendeurs à un éductour sur l’île Maurice ou à des soirées dans sa loge du Palais Omnisport de Paris-Bercy, lors de concerts ou d’événements. L’an dernier, Holiday Autos a pour sa part organisé une opération baptisée Holiday VIP avec, pour les gagnants, des soirées étonnantes : balade dans Paris en limousine avec dîner à l’hôtel Meurice ou concert d’Elton John avec souper au Fouquet’s.

Dans un métier où l’une des principales motivations des vendeurs reste l’envie de voyager, la distribution de billets d’avion, de nuits d’hôtel et de voyages est également importante. Le fournisseur en profite pour faire coup double, en faisant découvrir sa production. Des voyages qui ne sont pas toujours bien perçus. Chez Selectour, on considère qu’ils peuvent vider les petites agences de leurs effectifs et constituer un cadeau empoisonné, lorsque les vols ne sont pas compris, ou que le prix des repas sur place est prohibitif !

Un budget tenu secret

Pour se simplifier la tâche et laisser le choix aux agents de voyages, les fournisseurs ont toutefois en majorité opté pour la distribution de chèques- cadeaux. Afin d’éviter toute surenchère, les sommes avoisinent 20 E pour un dossier vendu (mais cela peut grimper jusqu’à 100 E chez Australie Tours pour la vente d’un forfait qui dépasse 20 000 E).

Autant dire que certains vendeurs sont friands de ces opérations ! Ils nous contactent immédiatement si nous avons oublié de les créditer de leurs points, s’amuse Pascal Boyer, directeur des ventes chez TUI France. En plus d’opérations ponctuelles, le TO a pérennisé cette politique de stimulation toute l’année, au travers d’un Espace Premium sur TUI.fr, sur lequel le vendeur peut gérer son cumul de points et commander ses lots : chèques-cadeaux ou voyages à choisir dans la brochure TUI. Quelque 5 000 agents de voyages sont inscrits, mais certaines agences jouent collectivement pour engranger des points plus rapidement, et gagner des cadeaux plus importants (il faut 2 500 points pour une semaine de vacances en Méditerranée). Libre à l’agence de faire ensuite le partage. Si ces opérations annuelles représentent un gros budget (maintenu secret), elles ne sont pas dénuées d’arrière-pensées. Nous constituons un fichier avec les adresses e-mails, pour envoyer aux vendeurs des informations, lancer des promotions…, reconnaît Pascal Boyer.

Pour être efficaces, ces incentives ne supportent pas l’à-peu-près. Ils supposent une bonne organisation. Pour que cela marche et pour quantifier les résultats, il faut disposer d’outils informatiques et de personnes dédiées à la gestion de l’opération, estime Aymeric Becaud, directeur commercial de Marsans. Le TO va lancer un challenge à l’occasion de l’ouverture de son site professionnel marsans.to. Les incentives ont un coût, confirme Patrice Régnier, chez Costa Croisières. En général, je n’y suis pas très favorable, au vu des résultats. Il n’existe parfois pas de relais de la part des chefs d’agences. Et souvent, on récompense au final des ventes qui auraient eu lieu de toute façon, ainsi que les meilleurs vendeurs qui sont déjà de bons promoteurs de nos produits. Costa privilégie de fait des opérations exclusives avec un distributeur, un miniréseau ou une agence qui souhaite pousser la croisière.

Au service d’une politique commerciale

Le problème, c’est la mesure de la performance, ajoute Jacky Cailleau, directeur des ventes tourisme chez Hertz. Et il est devenu difficile de récompenser le vendeur qui est à la base de l’acte commercial. Le loueur s’engage donc plutôt sur des challenges liés à un produit sur lequel le vendeur peut apporter une valeur ajoutée. Et récompense surtout la croissance des ventes par rapport à l’année précédente. Kuoni préfère également rémunérer la perfor- mance. Nous organisons des voyages de récompense pour les vendeurs qui ont réalisé les plus belles progressions, explique Louisa Rouar, directrice des ventes du TO. Nous travaillons aussi sur la reconnaissance, avec des dîners dans des restaurants gastronomiques en région pour nos vendeurs les plus fidèles.

Le succès d’un challenge dépend aussi de l’implication des réseaux de distribution. Pour optimiser leurs chances, les fournisseurs tentent donc d’abord de décrocher l’aval de la direction, allant jusqu’à mettre en place des challenges exclusifs avec certains distributeurs. On réalise beaucoup d’incentives avec nos fournisseurs référencés, se félicite Eric Szynkier, directeur commercial de Jancarthier Voyages. C’est à la fois une valorisation de l’acte de vente et une belle récompense pour les vendeurs qui ne voient pas la couleur des fonds marketing.

Si les réseaux intégrés sont jugés comme les plus performants (à noter que Thomas Cook n’a pas souhaité s’exprimer sur ce sujet en raison d’un contrôle URSSAF sur les avantages en nature consentis aux salariés), les structures volontaires ont également développé des relais d’informations (Selectour Info, Tam Tam Tourcom, sites Web…) pour tenter d’impliquer les chefs d’agences et leurs vendeurs. Un incentive sera refusé s’il ne correspond pas à la politique définie par le siège, insiste néanmoins Bernard Saur, directeur tourisme de Selectour. Et d’ajouter : Un incentive est au service d’une politique commerciale. Il faut un but : un lancement de produit ou une action correctrice sur les ventes.

Le réseau accomplit donc un tri parmi toutes les opérations proposées. Selectour n’est pas une auberge espagnole. Il faut savoir si le réseau a besoin de telle ou telle opération, si l’investissement est justifié, si l’on ne va pas créer un risque pour un autre fournisseur en soutenant un TO qui lance une nouvelle destination. Une fois acceptés, les incentives font l’objet de supports cologotés, pour se démarquer des autres réseaux et donner l’impression aux vendeurs que le produit est exclusif.

La position des réseaux de la grande distribution est pour sa part très claire. Nos agences dépendent des patrons de magasins Leclerc. Ces derniers définissent leur politique, privilégiant les primes liées un résultat global du point de vente ou du vendeur, pré-cise Bernard Boisson, DG d’E.Leclerc Voyages. La politique de distribution, c’est nous qui la maîtrisons et pas les TO, affirme de son côté Isabelle Cordier-Archer, DG de Voyages Carrefour. Il faut être cohérent, sinon c’est la prime à celui qui offrira le plus de bons d’achat. Et de considérer que les incentives mettent en porte-à-faux le réseau vis-à-vis des engagements signés avec ses fournisseurs.

Pour autant, Voyages Carrefour ne ferme pas la porte à ces animations. Le distributeur organise des opérations de stimulation pour certains produits à sa marque, ses coups notamment. Pour l’opération réalisée avant l’été en Polynésie, les meilleurs vendeurs ont ainsi pu gagner un voyage à Tahiti, les suivants des perles noires ! Après accord avec des fournisseurs référencés, Voyages Carrefour accepte également la mise en place dans ses 95 agences d’incentives exclusifs, avec chèques-cadeaux à la clé.

Enfin, le réseau lance à intervalles réguliers un jeu-concours en partenariat avec un TO. Les agences sont alors divisées en trois groupes, en fonction de leur localisation, de leur typologie de clientèle et de leur volume d’affaires annuel. Les cinq meilleures remportent la mise !

Plus que jamais, les incentives apparaissent comme un élément parmi d’autres dans la politique commerciale des fournisseurs. Reste que, pour être efficaces, ils doivent être définis en commun avec les distributeurs autour d’objectifs précis, afin que chaque partenaire y trouve son compte. Par ailleurs, trop d’incentives tuent les incentives ! Leur multiplication entraînerait des résultats mitigés. Tous les TO s’y sont mis. Je ne pense pas que les agences s’y retrouvent dans cette forêt d’opérations, regrette Yannick Baras. Aux fournisseurs d’éviter la surenchère…

Les incentives ont un coût… dit-on chez Costa. Souvent, on récompense des ventes qui auraient eu lieu de toute façon.

La politique de distribution, c’est nous qui la maîtrisons, pas les TO, affirme la directrice générale de Voyages Carrefour.

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