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Les Antilles françaises en convalescence

Face à l’érosion du nombre de visiteurs depuis 5 ans, la Martinique et la Guadeloupe ont revu leur communication. Si les ventes en agences redémarrent, les TO continuent de dénoncer des tarifs aériens élevés et un parc hôtelier désuet.

Nichées au coeur des Caraïbes, les Antilles françaises ont, sur le papier, tout pour séduire : un climat ensoleillé, une mer chaude toute l’année, une grande diversité de paysages et des plages magnifiques… La Martinique et la Guadeloupe présentent également l’avantage d’être des régions sûres, équipées de structures médicales modernes, où l’on parle français et où l’on règle ses achats en euros.

Difficile de trouver une destination concentrant autant d’atouts pour les touristes français. Et pourtant, ces îles du bout du monde enregistrent depuis 5 ans une baisse continue de leur fréquentation. Entre 2000 et 2004, le nombre de visiteurs, toutes nationalités confondues, a chuté de 27,5 % en Martinique et de 25 % en Guadeloupe !

Les raisons de cette déconfiture sont multiples et dénoncées depuis plusieurs années : une offre hôtelière vieillissante, un trafic aérien fragilisé par la cessation d’activité d’Air Lib en février 2003, des conflits sociaux récurrents (particulièrement en Guadeloupe), des structures inadaptées pour accueillir les croisiéristes en Martinique, une communication inexistante, ou presque, et, surtout, la concurrence de nouvelles destinations moins chères comme la République dominicaine et Cuba.

Accueillir 1 million de visiteurs dans 10 ans

La situation est cependant en train de changer. Après s’être contenté de dénoncer les médias de la métropole, accusés de véhiculer à tort (et délibérément !), une mauvaise image de la destination, le Comité martiniquais du tourisme et la Direction régionale du tourisme des îles de Guadeloupe ont commencé à revoir leur copie. Créé en décembre 2003, le Comité régional du tourisme des îles de Guadeloupe s’est fixé deux priorités : améliorer l’accueil des voyageurs à l’aéroport et au port de Pointe-à-Pitre et promouvoir les îles de l’archipel sur les principaux marchés émetteurs, explique Christophe Adlé, directeur marketing. Avec pour objectif d’accueillir 1 million de visiteurs dans 10 ans contre 550 000 à 600 000 actuellement (dont environ 80 % de Français).

Ainsi, l’année dernière, le Comité a initié diverses mesures destinées à redorer l’image de la destination, en partenariat avec les professionnels du secteur : achat d’espaces pour présenter les îles de l’archipel (et plus seulement la Guadeloupe) dans les brochures des tour-opérateurs spécialistes, organisation de plusieurs éductours, formation de vendeurs en agence ou envoi aux réseaux de distribution d’affiches relayant les campagnes de promotion et d’image.

Outre cet important plan média en métropole (affichage, radio, presse), le CRT a également communiqué à deux reprises auprès des Guadeloupéens (en mars et en octobre 2004), via une campagne d’affichage, afin de leur faire comprendre l’importance du tourisme et la nécessité de mieux recevoir les visiteurs. Autant d’efforts (6 millions d’euros ont été dépensés) qui commencent à porter leurs fruits : en 2004, le nombre de visiteurs en provenance de l’Hexagone a progressé de 4,7 %, une première après la chute continue depuis l’an 2000. Une enquête aux frontières, engagée par l’Insee en mai 2004, devrait être dévoilée début septembre et permettre d’affiner les chiffres.

Une offre selon les styles de vie et de voyages

Les professionnels du tourisme de la Martinique se sont également remis en question. En 2001, nous misions sur un tourisme familial, sans positionnement clair, reconnaît Pascal Reine-Adelaide, directeur Europe du Comité martiniquais du tourisme. Or, les comportements d’achat ont changé. Aujourd’hui, il faut proposer une offre segmentée selon les styles de vie, de consommation et de voyages.

Fort d’une hausse de 3,7 % du nombre de séjours enregistrés l’an dernier, le Comité lancera en septembre une importante campagne de communication dotée d’un budget de 600 000 euros mettant l’accent sur la nature, la mer, la culture et le tourisme d’affaires. Au programme : affichage, annonces dans la presse, éductours, roadshow dans les différents réseaux de distribution et de nombreuses offres promotionnelles proposées en partenariat avec les compagnies aériennes. Avec ce plan de bataille, Pascal Reine-Adelaide espère enregistrer une hausse de 10 % du nombre de visiteurs en 2006.

Un foisonnement d’initiatives

Si toutes ces mesures vont dans le bon sens, beaucoup de TO restent prudents. Selon les chiffres publiés par l’association des tour-opérateurs (Ceto), le nombre de forfaits vendus aux Antilles a encore reculé de 7,7 % entre le 1er novembre 2004 et le 30 avril 2005 (83 281). Mais il est vrai que de plus en plus de touristes sont tentés de se débrouiller seuls pour rejoindre les îles. Même prudence chez Air France et Corsair, dont le nombre de passagers vers la Guadeloupe a respectivement reculé de 4,2 % et 15,5 % entre 2003 et 2004, selon la Chambre de commerce et d’industrie de Pointe-à-Pitre. Mais, là encore, il faut nuancer ces données, l’arrivée d’Air Caraïbes sur le trafic Antilles/Métropole ayant modifié la donne.

Nous n’avons pas enregistré de reprise en 2004. Mais les ventes redémarrent depuis le 1er novembre dernier, précise Godeleine Vérin, directrice de production chez Jet tours. Pour autant, le TO ne baisse pas les bras et programmera pour la première fois cet hiver dans sa brochure groupes le Novotel Bas du Fort et le Mercure Diamant. Mêmes efforts chez Look Voyages qui, du 6 septembre au 17 octobre, proposera les deux Lookéco Amandiers Resort et Salako Beach Resort de Martinique et de Guadeloupe (en partenariat avec Air France) à partir de 666 E TTC la semaine en petit déjeuner.

Si JV, l’un des spécialistes des Antilles, espère seulement stabiliser ses ventes cette année, après des mois de mai et de juin difficiles (-15 %), Thomas Cook se montre plus optimiste avec des ventes en hausse de 20 % sur la Guadeloupe et de 26,5 % sur la Martinique l’hiver dernier, note Serge Lamberti, directeur général de Thomas Cook. Présent aux Antilles avec deux villages figurant parmi les plus belles infrastructures de la région, Pierre & Vacances fait également état d’une progression de ses ventes de 18 % dans les brochures des tour-opérateurs.

Enfin, chez Exotismes, tous les voyants sont au vert. Pendant les six premiers mois de l’année, les ventes du spécialiste des îles ont bondi de 45 %, grâce à une politique de prix agressive à l’image de l’offre Poker de l’été proposant, pour 1 E de plus, la location d’une voiture sur place ou le prolongement du séjour sur une autre île.

Des freins subsistent néanmoins, tant au niveau de l’aérien que celui de l’hôtellerie. L’arrivée d’Air Caraïbes en décembre 2003, afin de combler la disparition d’Air Lib, a apporté un nouveau souffle à la desserte. Ainsi, selon la DGAC, le nombre de sièges offerts est très excédentaire par rapport au nombre de passagers transportés vers la Guadeloupe. En Martinique, la marge est plus étroite, avec des mois de saturation (en particulier pendant la haute saison), même si la situation semble s’améliorer.

En revanche, de vraies difficultés subsistent pour les prix. Air France, Corsair et Air Caraïbes sont naturellement libres de fixer les tarifs de leur choix. Entre 1998 et 2003, le prix du billet pour les Antilles a augmenté de 28 % selon la DGAC ! Et avec la hausse du carburant, les choses ne devraient pas s’arranger cette année, même si l’arrivée d’Air Caraïbes s’est traduite par une guerre tarifaire à certaines périodes plus creuses, avec des prix d’appel autour de 500 E l’A-R.

Nombreux sont les voyagistes à dénoncer en particulier les prix élevés pratiqués pendant l’été par les compagnies, sûres de remplir leurs avions avec les congés bonifiés des Martiniquais et Guadeloupéens travaillant en Métropole. Cette situation déséquilibre l’offre touristique, dénonce Gérard La Rocca, directeur général de Tourinter. L’Etat devrait affréter des charters réservés à ces populations pour éviter une hausse des prix dans l’aérien. Gilles de la Ruelle, directeur marketing de Nouvelles Frontières et TUI, souligne par ailleurs qu’en raison du nombre important de touristes qui se rendent aux Antilles par leurs propres moyens, les compagnies sont plus réticentes que par le passé à vendre des sièges aux TO. Même si, grâce à la compagnie maison Corsair, Nouvelles Frontières et TUI bénéficient d’importantes capacités… comparées à leurs concurrents.

Contrer la concurrence de la République dominicaine

Autre frein au développement de la destination : son parc hôtelier. Vieillissantes, les infrastructures ne sont plus en adéquation avec les attentes de la clientèle. Confrontées à la concurrence de la République dominicaine qui cible le marché moyen de gamme avec de grosses unités, les Antilles françaises doivent miser sur une hôtellerie plus haut de gamme. Or, à l’exception de l’hôtel Cap Est inauguré il y a deux ans en Martinique (et membre de la chaîne Relais & Châteaux ) ou de l’Eden Palm en Guadeloupe, ce type d’établissements est quasi inexistant. Et la situation met du temps à s’arranger, malgré les mesures gouvernementales prises l’an dernier, avec à la clé des exonérations fiscales pour les opérations de rénovation.

Les grands groupes continuent d’ailleurs de faire leurs bagages : en mars dernier, la Société des hôtels Méridien, deux ans après avoir cédé les fonds de commerce, a revendu à Kalenda Resort SAS les murs de ses deux établissements des Trois-Ilets et de Saint-François. Le Méridien ne possède plus que La Cocoteraie en Guadeloupe. Acteur historique de la destination avec jusqu’à une dizaine d’hôtels, le groupe Accor ne dispose plus que de deux Sofitel (Bakoua, La Vieille Tour), un Mercure (Le Diamant) et un Novotel (Bas du Fort). Même chose chez Fram. Présent en location en Guadeloupe, le TO toulousain cherche à vendre son établissement de la Martinique (La Batelière), un gouffre financier…

Séduire par les prix et une hôtellerie de charme

Il est urgent de repositionner la destination, avec d’un côté une offre club proposant des prix attractifs et, de l’autre, une hôtellerie de charme moyen haut de gamme avec des petites unités, confirme Godeleine Verin. Présente avec 11 hôtels (pour seulement 1 000 chambres), la chaîne Des hôtels et des îles entend jouer cette carte, en rénovant et en repositionnant ses établissements (La Toubana actuellement, La Créole Beach en 2006) les uns après les autres, sur le créneau 4*. De quoi satisfaire les TO moyen haut de gamme, à l’image de Kuoni ou Jet tours.

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