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L’Europe des voyagistes s’interroge

Alors que le débat sur les relations entre producteurs et distributeurs devient houleux, L’Echo touristique fait le point sur les modèles de rémunération en Europe. A l’inverse du transport aérien, chaque pays conserve ses particularités pour la vente de voyages à forfaits.

Le clash entre le réseau Manor et plusieurs de ses fournisseurs survenu il y a quelques jours, en particulier Kuoni, n’est pas qu’une anecdote de plus dans les relations tumultueuses entre producteurs et distributeurs. Il est au contraire le symbole de la fin d’une époque, celle où les tour-opérateurs rémunéraient toutes les agences d’un réseau au même niveau, quelles que soient leurs performances. Face à la montée en puissance des voyagistes en ligne, les acteurs traditionnels s’interrogent en effet sur la manière d’être plus performants.

Des commissions identiques pour tous qui dérangent

Lors du dernier congrès Afat Voyages, la directrice générale de Jet tours Laurence Berman Clément, en faisant le rapport entre les commissions versées aux agences et le faible montant qu’elle pouvait du coup consacrer à la communication comparé au TO sur Internet Switch, avait jeté un pavé dans la mare. Aujourd’hui, de Tourcom à Afat Voyages en passant par Selectour ou Thomas Cook, chacun se dit prêt à réfléchir à une évolution du modèle. On ne peut plus demander à un TO de commissionner de la même manière les agences qui jouent le jeu et les autres, reconnaissait Jean-Pierre Mas, président d’Afat Voyages, en marge du congrès de Lisbonne.

J’en ai plus qu’assez de voir les tour-opérateurs distribuer les mêmes commissions à tout le monde, aux bons comme aux mauvais, aux gros comme aux petits. Un réseau volontaire ne devrait pas avoir le même taux qu’un intégré, car il coûte moins cher pour un TO de pousser ses ventes chez nous, complétait récemment Olivier de Nicola, président du directoire de Thomas Cook France. Et nul doute que la mise en place d’outils de CRM chez les voyagistes pour identifier les bonnes et les mauvaises agences, est un préalable à tout changement. Reste que les évolutions sur des marchés étrangers plus matures plaident pour la prudence. Revue de détail de ce qui se fait hors de nos frontières.

Observer mais pas forcément transposer

D’une manière générale, les marchés d’Europe du Nord ont des taux de commission de base beaucoup moins élevés qu’en France. Mais dans ces pays, la productivité est plus forte. En Irlande, Thomson a même ramené son taux à 5 % rappelait il y a quelques mois dans nos colonnes Michel de Blust, président de l’Ectaa, l’association des distributeurs européens. La rémunération est ensuite réévaluée en fonction d’objectifs de vente. De même en Belgique, certains TO imposent des seuils minimaux par type de produits, qui conditionnent ensuite le montant global de la rémunération. Les taux sont aussi parfois modulés selon la précocité de la réservation. Autant de modèles pas nécessairement transposables mais qu’il convient d’observer, ne serait-ce que parce que nombre de TO français sont désormais détenus par des groupes allemands ou anglais.

Bien évidemment, tous les regards se tournent vers l’Allemagne, premier marché européen. Outre-Rhin, les commissions variables sont une réalité. Et bonus mais aussi malus viennent sanctionner les performances. Solide leader avec 28 % du marché, TUI est en position de force et continue d’imposer la politique de commissionnement la plus contraignante. Désormais, le TO, vendu dans les deux tiers des 13 000 agences allemandes, applique un malus aux distributeurs dont les ventes ne suivent pas son taux de croissance. Si son exercice comptable se solde par une stagnation ou une baisse d’activité, les agences dont le volume d’affaires a régressé sont toutefois dispensées du malus (jusqu’à un différentiel de 5 %). A l’inverse, six grilles de rémunération, présentées en juillet 2006, récompensent la fidélité (jusqu’à 14,4 % de commission pour les distributeurs exclusifs dont le chiffre d’affaires annuel progresse de plus de 20 %). Et les ventes croisées de deux à cinq produits maison (aérien, hôtellerie, assurance, location de voiture…) apportent jusqu’à un demi-point de bonus.

Thomas Cook, qui appliquait ce principe du malus jusqu’en 2005, l’a quant à lui supprimé. Une catastrophe naturelle ou un incident sur une destination entraînaient des baisses d’activité importantes. Les patrons d’agences étaient dans le doute permanent. Un tiers de nos revendeurs étaient exposés chaque année, reconnaît Mathias Brandes, en charge de la distribution chez Thomas Cook, dont les rémunérations s’échelonnent de 6 à 13,5 %.

L’Allemagne craint la contagion de l’aérien

Derrière les deux leaders, le taux de commission constitue encore un levier important pour les outsiders qui souhaitent gagner des parts de marché. Ainsi le bavarois FTI, avec une politique de rémunération agressive, s’est s’installé au cinquième rang national. Les agences ont été échaudées par la suppression des commissions dans l’aérien, explique Petra Hartmann, porte-parole du TO. Elles sont les partenaires essentiels de notre distribution. Pour les rassurer, nous avons amélioré leurs conditions en 2006. FTI n’intègre aucune référence à des performances passées dans ses taux de commission. Toutefois, la rémunération est variable, s’échelonnant entre 6 % (pour les volumes d’affaires annuels inférieurs à 20 000EE) et 13 %. Par ailleurs, des bonus sont versés au fil de la saison pour soutenir les réservations anticipées.

Les grilles de rémunération sont devenues complexes et dans leur ensemble, les agences ont ressenti une baisse de leur commissionnement, estime toutefois Torsten Schäfer, porte-parole du DRV, le syndicat professionnel allemand. La crainte de la contagion des politiques commerciales des compagnies aériennes est forte depuis deux ans.

Autre marché clé, la Grande-Bretagne. En novembre 2005, Thomson (filiale de TUI), suivi par First Choice (qui possède en France Tourinter et Marmara) annonçaient la réduction des commissions de base pour les forfaits et les vols charters, de 10 à 7 % pour le premier et de 10 à 8 % pour le second. Les deux TO ont invoqué des coûts de distribution trop élevés et la volonté de développer leurs ventes sur Internet. Il leur fallait alors pouvoir offrir un tarif compétitif face aux voyagistes en ligne.

Notre structure de commissions est réexaminée tous les ans et notre décision a été basée sur les performances seulement. Nous avons décidé de réduire les commissions de base des agences qui ne vendaient pas activement nos produits, explique Max Mason, responsable des ventes chez First Choice. Il y a dix ans, cette baisse aurait été vécue comme une catastrophe. Mais avec la montée en puissance d’Internet, elle a été finalement perçue comme une suite logique de la suppression des commissions par les compagnies aériennes, commente Sean Tipton, porte-parole de l’Abta, l’équivalent du Snav. Pour répondre aux deux voyagistes, certaines agences ont décidé d’exploiter justement les potentialités du web, en développant le forfait dynamique. D’autres ont choisi de pousser les ventes de croisières, dont les commissions peuvent atteindre 15 %.

Enfin, certaines ont utilisé l’arme ultime du boycott. Trois réseaux d’agences indépendantes (Global Travel Group, Advantage et Worldchoice) se sont regroupés pour former Triton, qui représente plus de 2 000 points de vente. Les membres de ce consortium se sont engagés à ne plus vendre les produits de First Choice et Thomson et à pousser leurs concurrents.

Les Britanniques s’adaptent, les Espagnols jubilent

Les agences britanniques ont craint un temps une généralisation de cette baisse chez tous les voyagistes. Il n’en fut rien. Notre niveau de rémunération est resté stable et, dans certains cas, il a même augmenté pour les agences réalisant de gros volumes de ventes, commente Barry Moxley, président de l’Aito, un regroupement de petits TO. Les voyagistes de l’Aito se sont par exemple engagés à appliquer un niveau de commission minimal de 10 %, ainsi qu’une politique de prix cohérente, avec un tarif unique pour le client, qu’il réserve dans une agence, par téléphone ou sur Internet. Après une levée de boucliers, les agences britanniques sont donc parvenues pour l’instant à s’adapter aux nouvelles conditions imposées par les géants du secteur.

La situation est bien différente en Espagne, un marché qui n’a pas encore la maturité de l’Europe du Nord. Avec 9 500 agences (+35 % en cinq ans), l’industrie touristique se porte bien, d’autant que les espagnols ont pris goût au voyage. C’est un marché dynamique, avec des réseaux d’agences puissants capables de négocier avec les TO, explique Jordi Isern de l’agence Barcelona Internacional. En ce qui nous concerne, nous bénéficions de commissions qui peuvent grimper jusqu’à 19 %.

Même constat pour Grégory Dupard de Sercom, qui se réjouit de disposer de taux de première division. Les TO n’ont encore jamais essayé de baisser ces taux, complète Enrique Fernandez de Alarcon, président de l’Ucave (Unio catalana d’agencies de viatges). Ils sont conscients que les agences sont irremplaçables et continuent de parier sur elles. Jusqu’au jour où ils les considèreront comme un intermédiaire trop coûteux !

A l’issue de son congrès annuel 2005, l’Aedave (Asociacion empresarial de agencias de viajes españolas) évoquait justement le sujet, en rappelant que la rétribution d’une agence doit être une commission, que la loi espagnole actuelle l’accepte fixe, variable, ou les deux, et que tout changement doit être justifié et accompagné d’une offre compensatrice. Histoire peut-être de préparer les esprits !

Lors de son congrès 2006, l’Aedave recommanda cette fois-ci le rejet de la commission zéro comme système de rétribution de la part de tout fournisseur de services en rappelant que la législation relative aux agences considère le paiement d’une commission comme une condition nécessaire à la reconnaissance de leur statut. Mais l’association se dit toutefois prête, une fois ce statut reconnu, à s’entendre sur d’autres formules complémentaires de rétribution.

Garantir une relative stabilité des prix

Plus loin, outre-Atlantique, les agences se posent également des questions. Les distributeurs canadiens ont connu une première révolution au cours de la seconde moitié des années 90, quand les compagnies aériennes ont peu à peu baissé leurs taux de rémunération. La vague est venue des Etats-Unis et s’est propagée à son voisin du Nord puis à l

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