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Jean-Charles Martin (Sulema) : « Le Covid empêche la rencontre, le comble pour un commercial »

Je l’appelle Tonton Valises. Jean-Charles Martin, c‘est un homme extraordinaire, connu de toute la profession. Il connaît pratiquement toutes les agences de France… et de Navarre. Tonton Valises, il a le cœur sur la main, il aime les gens. C’est sûrement l’un des plus émouvants entretiens que j’ai eu à réaliser. J’ai même vu quelques larmes humecter ses yeux pourtant si joyeux…

Jean-Charles Martin, qui êtes-vous ?

Jean-Charles Martin : Qui suis-je ? Bonne question ! Je ne sais même pas si je suis capable de répondre à ça… Je vais dire que je suis un Pyrénéen gourmand de la vie, des relations humaines et des bons moments. Pourquoi Pyrénéen ? Parce que je suis né dans le Pays basque, j’ai poussé en Béarn, mes enfants sont nés dans les Hautes-Pyrénées. Je suis comme les vieux éléphants qui, sentant la fin arriver, repartent vers le lieu de naissance, je suis de plus en plus attiré par les belles Pyrénées, par mon Pays basque natal. Gourmand de rencontrer les gens, de passer des bons moments ou même des tensions professionnelles. En en ce moment, c’est ce qui manque le plus.

Vous êtes une figure du tourisme, comment ça s’est passé ?

Jean-Charles Martin : Une figure du tourisme je ne sais pas… C’est bien gentil. Disons que j’ai rencontré il y a 17 ans bientôt José Luis, le gérant de Sulema, un peu par hasard. Il y avait une annonce dans la presse régionale disant qu’il cherchait un commercial bilingue. Je l’ai appelé, j’ai eu un entretien téléphonique assez rapide avec lui à l’issue duquel il m’a dit : « tu ne corresponds pas du tout à ce que je recherche, je veux quelqu’un implanté dans le milieu du tourisme, tu ne feras pas l’affaire. » Ça m’a tellement gonflé que j’ai pris ma voiture et je suis descendu le voir à la Provincia de la Rioja pour lui dire comment je concevais le métier de commercial. Et que si on ne connaissait pas une corporation, on pouvait très bien s’y intéresser et développer le business. À la suite de cet entretien, il m’a dit : « je crois que je me suis trompé sur ton cas, je veux bien faire un essai avec toi. »

Effectivement quand j’ai démarré, je ne connaissais personne dans le tourisme. Je me souviens encore de ma première visite à (l’IFTM, NDLR) Top Resa à Deauville où je me sentais complétement perdu. Je trouvais que c’était plus un cadre festif qu’un cadre professionnel. Après j’ai compris le fonctionnement et j’ai su m’adapter. Avec beaucoup de travail, on arrive à se faire connaître. Notre démarche chez Sulema – et la mienne en particulier que j’applique depuis plus de 35 ans – est d’aller vers les gens et ne pas travailler uniquement derrière un ordinateur… C’est aller à la rencontre. Jusqu’à cette putain de pandémie, je tournais entre 1000 et 1200 visites annuelles dans les agences, plus les conventions, les salons…

Comment expliquez-vous que vous êtes devenu populaire dans ce secteur d’activité ?

Jean-Charles Martin : Tout simplement parce que je crois que je suis moi-même. Je suis naturel et entier… On peut être très sérieux dans son travail tout en travaillant dans la convivialité, en respectant les gens. De toutes les actions commerciales que j’ai pu mener, j’ai toujours été vers les autres. Je dois beaucoup à mon premier patron dans le commercial. Je travaillais dans la bureautique et un jour une institutrice d’Aire-sur-l’Adour m’a demandé de la documentation sur les machines à écrire. Je vais voir mon patron, qui me dit : « Je n’ai plus de documentations, tu te démerdes ! » donc je me démerde. J’ai été à l’atelier, j’ai pris une machine à écrire et tapé mon texte. Je l’ai montré à l’institutrice, lui ai expliqué le fonctionnement, lui ai laissé 24H. Le lendemain, elle m’a dit : « Est-ce que je peux vous payer en trois fois »?  Ma vente été faite. Ce jour-là, j’ai compris que la meilleure façon de vendre, c’est d’aller vers les autres et de leur montrer les produits. Chez Sulema, je passe dans les agences, je montre les pochettes, les étiquettes, les sacs à dos, les valises… Tout en restant moi-même et de bonne humeur.

Finalement la vente par Internet, vous y croyez ou vous n’y croyez pas ?

Jean-Charles Martin :  Internet, c’est un bel outil. Il faut s’en servir mais rien ne vaut la rencontre. Cette année, je suis dans ma soixantième année, on ne va pas me changer. Je ne vois pas ce qu’il y a de plus important que d’aller vers les gens et leur montrer les produits pour les vendre. Il n’y a que ça de vrai que ce soit en agence, sur des salons, des conventions, des séminaires.

C’est quoi la vie pour vous Jean-Charles Martin ?

Jean-Charles Martin :  La vie c’est… les amis, mais avant tout mes trois enfants, ma compagne, ma maman avec qui j’étais encore hier. C’est rencontrer du monde, prendre du plaisir à courir. La vie c’est le partage, les sourires, la bonne humeur… Après, il y a des moments difficiles. C’est compliqué depuis un an, mais ça fait partie de la vie (petit moment d’émotion…). Quand je faisais de la formation aux commerciaux, je leur disais : « quand vous avez des moments de doute, vous tirez un trait au milieu d’une feuille, vous mettez d’un côté les + et les – et s’il y a plus de + que de -, c’est qu’on est bien. » Aujourd’hui, il est vrai qu’on a un moins énorme, il est gras. Mais il y a tellement de plus à côté que finalement, il faut y croire et les choses vont s’arranger.

La crise vous a affecté particulièrement ? Vous gardez quand même le sourire, comment faites-vous ?

Martin : Ce n’est pas tous les jours facile. La crise nous a affectés avant tout le monde puisque nos usines de production en Chine ont été bloquées dès le mois de décembre 2019. Comment on garde le sourire ? La bonne humeur est communicative, la peine et l’anxiété aussi. Quand tu n’es pas très bien, tu regardes les choses positives de ta vie. Aujourd’hui par exemple, j’ai récupéré mon labrador et mon fils vient déjeuner à la maison. C’est du bonheur. Il y a aussi des amis de la profession qui appellent régulièrement, il y a un soutien. Je fais partie de deux associations d’agents commerciaux du tourisme, la TORA en Aquitaine, IMPAC sur Midi-Pyrénées. Quand il y en a un qui a un coup de mou, les autres lui remontent le moral. On fait des visios deux à trois fois par semaine, on essaie de garder cette dynamique. C’est important d’entendre ce milieu du tourisme même si tout n’est pas forcement positif. Après, je suis plutôt dans la bonne humeur, et j’ai un entourage fabuleux : des enfants phénoménaux, une compagne formidable, je suis très amoureux, ça aide…

Ce qui me manque, c’est de rencontrer les gens.

Le sport et la chanson, c’est important pour vous j’ai l’impression… ?

Jean-Charles Martin : Chez nous dans le Pays basque, dans les Pyrénées en général, la chanson c’est chaque jour à tous les moments de la vie qu’ils soient gais ou tristes. J’ai la chance de voir tous les jours les Pyrénées. Même parfois seul dans ma voiture, je chante les Pyrénées parce qu’elles sont belles. A tous les moments de la vie, pour toutes les personnes que je connais, y a une chanson. Le sport, suivant le temps dont je dispose c’est entre 6 et 15 bornes tous les matins. Je fais à peu près 50km de footing chaque semaine. Ça permet d’extérioriser les tensions, de réfléchir, d’oxygéner les méninges et physiquement c’est important. Pour moi, c’est devenu une drogue. Avant j’étais un drogué de la cigarette puisque je fumais jusqu’à deux paquets par jour, aujourd’hui j’ai besoin de mon footing. Ce qui me manque aujourd’hui, ce sont des rencontres sportives – des semi-marathons ou des corridas (courses de 10km) – pour courir avec les autres, être dans cette ambiance de partage. Quand ça va un peu moins bien, le gars à côté te dit : « allez, lâche rien ! ». Ou quand tu passes à côté de quelqu’un dans la difficulté, tu lui dis « allez accroche-toi, je t’emmène pendant quelques kilomètres ». Ici, les courses, au Pays-Basque, en Béarn, dans les Landes, souvent terminent à la buvette en chanson !

Le confinement a été une épreuve terrible pour vous ?

Jean-Charles Martin : Les 15 premiers jours du premier confinement ont été très difficiles. Beaucoup d’angoisses et une incertitude très pesante. La nature humaine heureusement ou malheureusement s’habitue. Le reste des confinements se sont mieux passés. C’est contre nature d’être confiné. Moi j’ai la chance d’avoir un jardin, un potager, des conditions « idéales » par rapport à beaucoup de personnes qui sont dans des immeubles, dans des surfaces réduites. C’est compliqué… Le couvre-feu, c’est pesant.

Si on vous proposait, dans un cadre commercial, de travailler dans un autre secteur que le tourisme, ça vous ennuierait ?

Jean-Charles Martin : Sincèrement, je ne connaissais pas du tout le monde du tourisme et je suis tombé amoureux de cette famille du tourisme avec tout ce qu’implique une famille : des bons moments, des moins bons moments, des coups de gueule, des joies, des bonheurs… Il y a beaucoup plus de « plus » que de « moins ». Devoir le quitter, ça serait un arrache-cœur. Il y a un facteur qu’il faut prendre en compte, c’est mon âge. A 60 ans, devoir quitter le tourisme pour quelques années pour partir sur un autre secteur d’activité, ça serait très compliqué. Maintenant, pour des raisons alimentaires – et je suis obligé de le faire parce que les prévisions de reprise sont plutôt sur du moyen ou long terme -, je m’adapterai. Même si je travaille dans un autre secteur d’activité, je ne couperai pas les ponts avec le tourisme parce que j’ai rencontré beaucoup de personnes, beaucoup sont devenus des amis et je ne pourrais plus vivre sans eux.

Comment vous voyez la vie d’après ?

Jean-Charles Martin : Pour moi, la vie d’après, c’est dans quelques années une retraite bien méritée, en toute modestie. J’espère que mes enfants me feront le bonheur de m’apporter des petits-enfants et pouvoir partager des nouveaux moments de bonheur avec ma famille.

Vous qui passez la moitié de l’année au minimum sur les routes ou dans les hôtels, comment arrive-t-on à concilier avec la famille, dont vous parlez beaucoup ?

Jean-Charles Martin : Les moments familiaux, ce n’est pas la durée de temps que tu passes avec ta famille qui est importante mais c’est la qualité des moments que tu passes avec eux. L’important c’est l’amour que tu as pour ces gens-là même si tu n’es pas avec eux. Quand tu donnes beaucoup d’amour, tu en reçois énormément et quand tu en reçois, tu en donnes. C’est un échange.

Si vous aviez quelque chose à refaire… ?

Jean-Charles Martin : Toujours des petits regrets… Si j’avais quelque chose à modifier dans ce que j’ai vécu : quand mes enfants étaient plus jeunes, passer plus de temps avec eux. Parce que c’est vrai que la vie de commercial, c’est beaucoup d’heures dehors, des nuits d’hôtel en pagaille… Même si aujourd’hui je suis très présent avec eux alors qu’ils sont grands, je pense que j’ai dû louper des choses quand ils étaient plus petits. Si j’avais quelque chose à modifier, ça serait ça.

3 commentaires
  1. REVIL Françoise et Nicolas dit

    Merci mon ami de tous les bons moments partagés et bientôt on continue

    Françoise et Nicolas

  2. Stéphane d'Amécourt dit

    Merci pour ce moment de simplicité et de partage. On sent l’authenticité de ton discours plein d’amour Jean-Charles, un vrai plaisir de te connaitre et de te lire !

  3. Marc Guérin dit

    Merci Jean Charles et l’écho touristique pour ce beau partage!
    Pour les associations de commerciaux dans le Sud Ouest, c’est l’ IMACT à Toulouse (Implication Midi Pyrénées des Acteurs et Commerciaux du Tourisme), et l’ ATORA à Bordeaux (Association des Tours Opérateurs de la Région Aquitaine).
    Très bonne journée

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