Face à la menace des GAFA, TO et agences manquent d’unité
Comment TO et distributeurs peuvent-ils se réinventer face à la concurrence croissante des GAFA, des groupes chinois, des compagnies low cost ? C’est la question qui a été posée aux TO présents à une table ronde du congrès de Selectour.
Face à Booking, Expedia et autres Amazon, « comment ensemble, au-delà des problèmes commissions et des contrats, les TO et agences peuvent-ils se réinventer ? », a demandé en ouverture de cette table ronde Jean-Pierre Nadir, fondateur d’Easyvoyage. « Tout le monde doit se réinventer, à commencer par le tour-operating. On pourrait d’ailleurs avoir une phrase un peu provocante, soit Est-ce que le tour-operating a encore un avenir, et quel est-il ? »
Les GAFA ? Plutôt les GAFEB !
« Sur le marché français, il y a une offre pléthorique et excédentaire, a réagi Pascal de Izaguirre, président de TUI France. Nous n’avons pas cité les low-cost, qui (…) m’inquiètent beaucoup. Le patron d’Easyjet a recruté l’ex-directeur des achats hôteliers de TUI ! ». D’ailleurs, s’il est souvent fait référence aux GAFA, un autre acronyme semblerait plus approprié dans le voyage : GAFEB (Google, Airbnb, Facebook, Easyjet, Booking).
Nicolas Delord, président de Thomas Cook France, a insisté sur l’importance de se différencier, notamment avec le produit Club. « Tout l’enjeu avec la distribution est de faire alliance pour vendre cette valeur ajoutée, et surtout de savoir la faire payer aux clients. On a peur de vendre de la valeur en France. Laurent Abitbol (président de Selectour, Ndlr) dit qu’il faut que les agences gagnent de l’argent, il faut aussi que les TO gagnent de l’argent. »
Le risque d’être hors marché
Alain de Mendonça, président de Fram, a renchéri sur l’intérêt du Club et du Framissma, par rapport à Booking et autres Amazon. « Le fait d’avoir un concept club très adapté à clientèle française. Le projet du président Abitbol de créer des (contrats) gold et silver, outre une bataille de commissions, c’est l’occasion pour nous de resserrer le lien entre tour-operating et la distribution. »
« Ce qu’il faut comprendre, c’est que nos destins sont liés », a ajouté Olivier Kervella, président de NG Travel, persuadé que nous sous-estimons le poids futur des GAFA au sens large. « Si les taux de commission continuent d’augmenter, on va se retrouver dans une position où les distributeurs eux-mêmes vont se mettre hors marché. » En l’espace de dix ans, chez Boomerang, le taux de commission a quasiment augmenté de deux points, a-t-il ajouté, au lendemain de l’annonce des contrats de référencement de Selectour. « On est en mode survie », a poursuivi Olivier Kervella, pointant aussi le risque que, demain, des distributeurs créent eux-mêmes leurs forfaits en associant des sièges des low-cost et des chambres d’hôtels piochées sur Booking.
Prix nets ? commission variable ?
« Comment respecter le rôle de chacun ? », a questionné Raouf Benslimane, le patron de Thalasso n°1. « Des TO, par panique, vont chercher le client en direct. Le distributeur est tenté aussi de produire un petit peu. » Pour Aurélien Aufort, DG de Voyamar (Marietton), les agences de voyages n’auront d’ailleurs pas d’autre choix que de faire du pilotage des ventes. « Sinon, les TO iront en direct », a-t-il souligné. Guillaume Linton, directeur général d’Asia, a émis un bémol : « Le coût d’acquisition d’un client en direct via le digital est quasi similaire aujourd’hui à celui du B2B. Etre Google-dépendant représente un coût phénoménal pour un TO de la taille d’Asia.
Alors que Pascale Gaston, directrice générale de Visit Europe, a rappelé l’importance du partenariat noué avec les agences, Nicolas Delord a défendu l’intérêt l’idée d’une commission à la performance : « Un bon agent de voyages devrait pouvoir maximiser sa marge au-delà de la commission moyenne », un principe qui ne fait pas l’unanimité. L’idée de prix nets a également été évoquée, mais là aussi, nombre de professionnels sont contre.
A quand un GIE des TO ?
Cette table ronde a aussi été l’occasion d’échanges assez vifs avec Laurent Abitbol, qui a reproché à TUI d’arroser le marché en sièges, et donc de participer à la guerre des prix entre tour-opérateurs. Le congrès Selectour a aussi montré la toute puissance de Selectour et du GIE ASHA créé avec Havas Voyages (Marietton). Des fournisseurs regrettent d’ailleurs que les TO ne soient pas plus unis pour faire contrepoids à un univers de la distribution très concentré. Quid d’un GIE des voyagistes, lance le patron d’un producteur ? Il serait sans doute compliqué de mettre en place un groupement d’intérêt économique pour discuter tous ensemble des taux de commission et du pilotage des ventes… Mais il pourrait au moins y avoir un Comité de pilotage producteurs ou producteurs/distributeurs – sous l’égide du Seto par exemple – afin de réfléchir à l’avenir de la profession. A l’issue de cette table ronde, certains pros ont déploré que les joutes verbales dans le cadre des congrès manquent d’approches constructives et se contentent souvent d’énumérer année après année les mêmes tensions et problématiques…
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