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APST : l’interview exclusive du manager de transition Cédric Dugardin

Cédric Dugardin, c’est le chevalier blanc des entreprises, celui qu’on appelle pour traiter les cas graves. Prestalis, Quick Conforama notamment. Le CIRI lui a confié un mandat de trois mois pour redresser et pérenniser l’APST. Il nous a reçu, accompagné de la présidente de l’association Alix Philipon.

Cédric Dugardin, à quoi sert un « manager de transition » ?

Cédric Dugardin : Je n’aime pas le terme. Toute entreprise traverse des périodes difficiles. Mon rôle, c’est plutôt d’aider les entreprises à traverser la crise et à la gérer. J’aide l’APST à traverser cette crise qui est née de la faillite de Thomas Cook et à trouver des solutions pérennes pour que l’association puisse continuer à vivre.

Comment allez-vous vous y prendre ?

Cédric Dugardin : Il y a déjà un cadre précis dans la mesure où les ministres de tutelle ont envoyé un courrier définissant ce qu’ils attendaient de l’APST. Avec trois niveaux : savoir si l’APST était capable de faire face à ses engagements immédiats, comment évaluer le risque Covid sur l’avenir de l’Industrie, quel est l’avenir de l’association. Ça, il reste à le déterminer bien sûr avec l’APST mais aussi avec les ministres de tutelle puisque nous sommes dans une activité à mi-chemin de l’association professionnelle et de l’assurance.

Quelle est la durée de votre mission ?

Cédric Dugardin : Ma mission est prévue pour une durée de trois mois, sachant que la partie « court terme » va par définition vite s’achever. Sur la partie Covid, nous avons envoyé à l’ensemble des adhérents de l’APST un questionnaire pour leur demander leurs propres estimations du risque. Après, la réflexion « long terme » dépend surtout de la gestion du risque Covid et des intentions des pouvoirs publics. Je pense que dans un délai relativement court, cette phase de gestion de crise pour l’APST peut s’achever et que l’association peut reprendre une vie normale.

Vous me parlez beaucoup des ministres de tutelle. A terme, ne seraient-ce pas ces ministres, Bercy principalement, qui reprendraient la main sur cette association ?

Cédric Dugardin : Je pense que les pouvoirs publics n’ont pas vocation à « reprendre la main » sur cette association. D’abord, l’APST assure des services professionnels au bénéfice de l’industrie. Ensuite, l’Etat ne doit pas se muer en assureur ou en réassureur. Je pense que l’Etat a plutôt vocation à organiser ou réorganiser cette réassurance de l’industrie du tourisme au bénéfice de tous. Il y a d’autres acteurs que l’APST qui aujourd’hui, traversent probablement les mêmes difficultés, même si elles sont moins prégnantes. Et moi, je suis convaincu qu’il y a une place pour une entité comme l’APST dans cet univers.

Quelles vont être vos priorités durant ces trois mois ? Trouver des fonds ?

Cédric Dugardin : La priorité, c’est de coordonner les différents efforts et d’aider les équipes de l’APST à structurer les différentes démarches. Il y a beaucoup de demandes de la part des pouvoirs publics, des conseils et, mine de rien, c’est un vrai métier.

Un fonds « catastrophe naturelle », comme l’ont fait les Hollandais, serait une très bonne chose et pourquoi pas l’amorcer avec le Covid ?

Quel est le risque Covid ?

Cédric Dugardin : On sait que ce risque s’apparente à un risque systémique industriel. Si ce risque se manifeste, il sera extrêmement difficile pour tout le monde d’y faire face. Il faudra trouver une solution mutualisée, voire appuyée par l’Etat, garantie par l’Etat et je ne dis pas nécessairement financée par l’Etat. En revanche, l’Etat pourrait très bien apporter une garantie sur un fonds qui permettrait de gérer ce risque. C’est l’essentiel de la démarche d’aujourd’hui : sortir le risque Covid des bilans des assureurs de l’industrie pour permettre de reprendre une activité normale.

Mais ce risque, pour l’APST est évalué entre 40 et 150 millions d’euros ? Et encore, il a du augmenter depuis. Il va bien falloir trouver de l’argent…

Cédric Dugardin : Oui, mais ce risque concerne toute l’industrie. L’idée, ce serait de l’isoler, ce qui permettrait, artificiellement, de le sortir des bilans des assureurs. Après il resterait à le financer ou à le garantir. C’est là que le rôle des pouvoirs publics est important, soit en apportant les fonds d’amorçage, soit en garantissant ces fonds qui seraient apportés par les banques. En fait, la difficulté va être de faire face à la soudaineté et à la concomitance des risques. De toute façon, il faudra aussi, dans l’avenir, réfléchir à un fonds « catastrophe naturelle ». Des Covid, il y en aura plein d’autres. On sait bien que ces risques-là sont très difficiles à gérer par des compagnies d’assurances. Un fonds « catastrophe naturelle », comme l’ont fait les Hollandais, serait une très bonne chose et pourquoi pas l’amorcer avec le Covid ? Ce fonds pourrait être alimenté de multiples façons, que ce soit par une cotisation de tous les membres de l’industrie, soit par une surtaxe sur les billets. On peut imaginer beaucoup et pas cher !

Pourtant, l’APST avait proposé cette initiative qui n’avait pas recueillie l’assentiment des pouvoirs publics…

Alix Philipon : Oui, mais l’Etat cherchait un peu plus de visibilité sur le risque Covid.

Cédric Dugardin : Je pense que l’Etat ne peut pas s’engager dans un quelconque fonds ou garantie sans avoir un montant en face.

Mais l’Etat peut au moins donner son aval. Ça ne lui coûte rien…

Cédric Dugardin : Je pense que l’Etat a décidé de traiter d’abord le risque Covid et pour cela il faut l’évaluer. Je comprends son approche, qui était la même sur Prestalis. Avant de dire « oui », il faut savoir combien ça cûute. L’Etat ne peut pas tout faire. Et en fonction du risque, l’intervention de l’Etat sera différente : un prêt, une garantie… Créons d’abord ce fonds Covid, ensuite ce sera à la profession de le transformer en fonds catastrophe naturelle. Quand il aura montré son efficacité, ce sera beaucoup plus facile.

L’APST avait entamé des négociations afin d’envisager une collaboration avec la Maif. Où en sommes nous?

Cédic Dugardin: Pour le moment, le dossier est suspendu. Mais rien n’est bloqué et nous allons reprendre ce sujet très bientôt. Vous savez, rien n’est définitif en ce bas monde.

Juste une légère digression : passer de Prestalis à l’APST…

Cédric Dugardin : C’est très intéressant : changer de sujet, de professions… En revanche, les ressorts du métier restent les mêmes. Il s’agit de management et de coordination. A l’APST, il y a des gens très compétents qui connaissent l’industrie, et me l’expliquent très bien. Mon rôle c’est de coordonner, d’être en relation avec les pouvoirs publics – j’ai beaucoup travaillé avec le CIRI ces dernières années.

Pas de plan social.

Que voulez-vous changer ou pas à l’APST ?

Cédric Dugardin : La question est de savoir quelle sera la mission de l’APST demain, quelle sera sa gouvernance et quelle sera son exposition au risque. Une fois que ce sera décidé, je pense qu’Alix, le bureau, le Conseil auront tous les éléments pour organiser l’APST de demain.

Donc, pas de plan social par exemple ?

Cédric Dugardin : Nous sommes plutôt en sous -effectifs… Il y a tellement de dossiers à traiter. Non, absolument pas. Pas de réorganisation non plus, je pense qu’il faut attendre ce que va devenir l’APST. Et en fonction de ça, on élaborera les scénarios afin d’organiser au mieux.

L’appel à cotisation, calculé sur le CA de 2019, provoque quelques réticences…

Alix Philipon : Nous demandons 30% effectivement. Effectivement, les adhérents avaient jusqu’à la fin du mois de février pour les acquitter. Il va y avoir des mises en demeure de payer qui vont partir. Avec des conséquences rapides… Je signale aussi que nous garantissons les avoirs.

Cédric Dugardin : La cotisation versée à l’APST est composée de deux choses : une partie fixe, une partie variable. La partie fixe est censée couvrir la partie associative, la partie variable la partie assurance. Certes, beaucoup d’adhérents n’ont pas eu beaucoup de chiffre d’affaires en 2020. Mais l’APST continue de fonctionner et le risque est là. La cotisation est là aussi pour financer tous les services : traitement des dossiers, traitement des garanties. Toute une équipe travaille tous les jours…

Effectivement, la peine financière peut sembler rude à certains mais c’est aussi la garantie de pérennité de l’industrie. N’oublions pas que beaucoup disposent d’avoirs qu’il faudra sûrement garantir. C’est pour ça que je trouve que demander 30% en février et 30% en avril, permet d’étaler l’impact sur les trésoreries. Mais il existe des cas très particuliers, ils seront gérés, bien entendu.

Vous ne prenez plus de nouveaux adhérents. Jusqu’à quand ?

Alix Philipon : C’est un point prioritaire et nous y travaillons. Nous voulons bien entendu en prendre de nouveaux, du moins ceux qui sont sans risque, tels les offices de tourisme, les Comités de tourisme et les gestionnaires d’hébergement Quand nous aurons démontré notre viabilité, nous pourrons examiner d’autres dossiers…

Il n’y a pas assez de contre-garanties.

Pensez-vous que l’APST exige suffisamment de contre-garanties ?

Cédric Dugardin : La réponse immédiate est non.

Pourquoi ?

Cédric Dugardin : Cette association a un historique. Beaucoup d’adhérents sont là depuis longtemps. Avant on ne demandait pas trop de contre-garanties, c’était plutôt lâche… Ce qui a été entrepris depuis un an, notamment la création d’un Comité des risques au pouvoir élargi sur les admissions, va dans le bon sens. Maintenant, il ne faut pas se leurrer : obtenir des garanties bancaires sur une entreprise de tourisme, c’est totalement illusoire. Aujourd’hui, les risques ne sont pas assez couverts ou sont couverts par des garanties qui restent illusoires. Une lettre de confort de Thomas Cook n’aurait pas servi à grand-chose… à preuve. Donc, oui, il faut plus de garanties, mais ce ne se fera pas en trois coups de cuillère à pot. C’est un travail qui va être long et qu’il faut prioriser. Des comptes mettent en danger l’APST (on l’a vu avec Thomas Cook) et d’autres pas. Il y a un travail de fond à faire, mais ça va être long. 

Mais finalement, l’APST reste encore en danger ?

Cédric Dugardin : L’association est fragilisée par la crise sanitaire. Et cette crise a fragilisé les grands risques qui étaient couverts par l’association. Mais, hors cet effet Covid, l’association n’est pas en péril. Aujourd’hui, l’APST est capable de faire face au sinistre de Thomas Cook sur ses ressources propres.

Vous avez quelques « gros » adhérents qui, avec la crise, représentent un risque digne de Thomas Cook. Si le cas se présente…

Cédric Dugardin : Oui, je suis inquiet sur certains. Le risque vient de cette concomitance et de la fragilisation des grands acteurs. Aujourd’hui, il n’y a pas que l’APST, c’est toute l’industrie qui est fragilisée.

Vous êtes optimiste sur votre mission ?

Cédric Dugardin : Oui. Quand je suis allé chez Prestalis, nous avions quinze jours de trésorerie. Ici, je dors beaucoup mieux et nous avons du temps pour étudier les différents scénarios et préparer le choc, si choc il y a. Je suis optimiste.

Trois mois, c’est court. Vous faudra-t-il un autre mandat ?

Cédric Dugardin : J’espère que non parce que cela prouvera que j’avais raison d’être optimiste et que nous avons réussi. D’autant et c’est presque le plus important, il y a une réelle volonté de toutes les parties prenantes d’aboutir vite. Tout devient possible.

1 commentaire
  1. Anonyme dit

    Je signale aussi que nous garantissons les avoirs…. en demandant aujourd’hui une garantie additionnelle aux sociétaires !

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