En répercutant la hausse de la taxe de solidarité, Air France et consorts sont-elles dans l’illégalité ?
Air France a répercuté par anticipation l’augmentation de la taxe de solidarité. Et de nombreuses compagnies lui ont emboîté le pas. Mais le principe est-il vraiment légal ? Il y a débat sur la question.
Le 24 octobre 2024, Air France, Transavia et KLM ont décidé de répercuter, par anticipation, la hausse de la taxe de solidarité sur les billets d’avion (TSBA) vendus pour des voyages à compter du 1er janvier 2025. Et ce, sans attendre l’adoption définitive du projet de loi de finances pour 2025.
Corsair la répercute depuis le 9 novembre
Une mesure que nombre de compagnies aériennes françaises et étrangères ont adopté à leur tour. A l’image de Corsair, depuis le 9 novembre, nous confie une agence de voyages.
« Nous avons suivi Air France, Air Caraïbes et Frenchbee », confirme à L’Echo touristique Pascal de Izaguirre, PDG de Corsair et président de la Fédération nationale de l’aviation et de ses métiers (Fnam).
Pourtant, des voix s’élèvent pour contester le principe. « Anticiper une hausse de taxe non votée est illégal… Et donc, les compagnies doivent soit assumer leur hausse de prix – sans invoquer l’augmentation de la taxe – soit arrêter cette mesure d’anticipation », estime Emmanuelle Llop, fondatrice d’Equinoxe Avocats. La situation étant inédite, c’est ce que je pense compte tenu des principes de droit applicable. »
Et l’avocate d’ajouter : « Il serait intéressant que les instances se mobilisent contre Iata ou Air France pour demander à la compagnie d’arrêter. »
Air France-KLM invoque des dispositions de IATA
Le groupe Air France-KLM, lui, reste persuadé d’être dans son bon droit, mais n’invoque pas directement la loi : « Cette mesure est prévue par les dispositions IATA, appelée « Tax Exception », elle a déjà été activée par le passé aux Pays-Bas », indique un porte-parole du groupe. Les compagnies auraient vérifié la conformité de cette « Tax Exception » avec les réglementations, y compris en France.
« L’application de cette mesure s’explique par l’ampleur inédite de cette augmentation de la taxe de solidarité, l’impact financier significatif pour Air France-KLM si le groupe devait verser à l’Etat des taxes non collectées. »
Pascal de Izaguirre est sur la même longueur d’onde que le groupe franco-néerlandais. « Les compagnies ont dit au gouvernement qu’elles devraient répercuter l’augmentation de la taxe. Leur objectif n’est pas de faire de l’argent, mais bien d’en perdre le moins possible. » Pour le patron de la Fnam, l’augmentation de la TSBA représente un impact de 850 millions d’euros à l’échelle de l’ensemble des compagnies, dont 450 millions pour le pavillon français dont « une quinzaine de millions » pour Corsair.
Quid en cas de report ?
Pour la Fnam, la hausse de la taxe de solidarité semble bien engagée. Mais la loi n’est pas votée, le gouvernement dans une phase d’instabilité. Et donc, les compagnies continuent d’envisager tous les scénarios.
« En cas de modification du barème ou d’abandon de l’amendement, les compagnies du groupe procèderont à une régularisation pour que le montant collecté soit égal au montant effectivement dû au titre de la taxe de solidarité », assure le porte-parole d’Air France-KLM. Pascal de Izaguirre a la même approche : « Si la hausse de taxe n’a pas lieu, ou si le projet est avorté, nous rembourserons. »
« Air France m’a prévenue que si la taxe était plus élevée que prévue, le client paierait plus cher, même sur des billets émis », s’étonne pour sa part Caroline Texier, membre du CDMV et directrice générale du groupiste Horizons Du Monde. Et la dirigeante se réjouit d’émettre sur des compagnies qui, pour l’instant, ne répercutent pas : Iberia, Lufthansa, Volotea, Vueling… « Sur un séjour en Europe, la concurrence se joue à un euro par client pour un groupe comme nous », explique-t-elle. Tout en regrettant cette période d’incertitude, qui l’amène à faire beaucoup de pédagogie auprès de ses clients.
L’exemption des DROM impossible selon la Fnam
Désormais, la fédération continue son lobbying sur trois points : une diminution du montant de la hausse, son maintien limité à un an – alors qu’un récent amendement prévoit sa pérennisation – et le fléchage des recettes ainsi collectées vers la décarbonation de l’aérien.
En revanche, Pascal de Izaguirre ne se battra pas pour l’exemption des territoires d’Outre-mer, pour une simple raison : « L’exemption des DROM, la réglementation européenne ne le permet pas. »
Pendant ce temps, les agences s’arrachent parfois les cheveux avec leurs clients.
*de 2,63€ à 9,5€ sur les vols France, Europe et DOM en cabine Economy et Premium, par exemple. Et, sur les vols de plus de 5500 km, de 63,07€ à 120€ en cabine Business et La Première.
Je comprends les compagnies qui ne veulent pas perdre autant d’argent sur une décision rétroactive du gouvernement. Même s’il sera difficile de contester les taxes, plus proches d’une marge supplémentaire tant que le vote n’a pas eu lieu, je ne vois pas comment les compagnies peuvent légalement réclamer ce « supplément » quand le billet est émis. Juridiquement, une fois un billet émis, on ne peut pas y toucher sauf éventuelle modification demandée par le client. Si c’est le cas, la justice pourrait « donner son avis »…