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Agence Cap Mystère : « L’avoir n’est pas une solution miracle »

Nous publions la tribune d’Arnaud Huillin, cofondateur de l’agence Cap Mystère, qui exprime ses inquiétudes et questionnements sur l’avenir de la profession.

Comment est-il possible que le cas de force majeure s’applique aux assurances qui se dédouanent en toute légalité, comme le font aussi un nombre trop important de compagnies aériennes (à se demander lesquelles sont d’ailleurs vraiment les low-cost aujourd’hui…).

Arnaud Huillin, cofondateur de Cap Mystère à Périgny (17)

Mais nous les agences de voyages, nous devrions assumer le cas de force majeure, seule, sans aucune contrepartie. Un client qui a souscrit une assurance voyage classique ne sera pas remboursé à cause de cette clause, mais nous agence, nous n’y avons pas droit, nous devrions par contre le rembourser intégralement ? N’y a-t-il pas deux poids, deux mesures ? Bien entendu ce n’est pas la faute du client, mais est ce que la situation sanitaire actuelle est notre faute ? Cette pandémie mondiale autorise-t-elle donc que nous soyons les seuls à devoir en porter le chapeau, pour l’intégralité des voyages que nous avons vendus et pour lesquels, évidemment nous ne pouvions présager du futur ?

Il y a là assurément une protection de notre profession à revoir très rapidement, pour garantir notre crédibilité future auprès des clients et pour qu’ils puissent être légitimement rassurés en nous faisant confiance. Et qu’ils puissent aussi avoir ce plus qui nous différenciera, de l’organisation d’un voyage préparé tout seul, sans l’appui d’un professionnel. Nous aurions un plus commercial indéniable… Est-il normal aujourd’hui que nous ne puissions réellement pas offrir plus de garanties en tant que professionnel ? Pourquoi une assurance obligatoire « cas de force majeure pour les grèves, pandémies, aléas climatiques, politiques » n’est-elle pas automatiquement intégrée à tous les voyages vendus par une agence, une assurance qui couvrirait chacun de nos voyages quoiqu’il arrive, sans besoin de la souscrire à chaque vente. Nous avons Atout France, nous avons une garantie financière, alors un acteur de plus ne serait sûrement pas un obstacle infranchissable pour beaucoup d’entre nous, si cela nous amène plus de sérénité au quotidien.

Nous, les agences, nous allons donc devoir rembourser la totalité des voyages annulés à cause du Covid-19, sans rechigner, parce que c’est la loi… Et composer avec des prestataires qui ne remboursent pas, d’autres qui font seulement des avoirs. Aujourd’hui l’avoir est devenu une possibilité, mais une possibilité de quoi ? De mettre la clé sous la porte dans un an et demi ? Si le remboursement n’est pas possible aujourd’hui, il ne le sera pas plus dans 18 mois (via cette ordonnance, Ndlr). Ce n’est pas, en tout cas pour notre agence, un problème de trésorerie. Ce sera bien plus grave que cela si nous respectons la loi. Il s’agira d’une perte sèche, c’est à dire le remboursement intégral – les avoirs, les frais non remboursés et le double temps de travail.

L’avoir permet de régler un problème immédiat. Mais quand sera-t-il quand les 18 mois seront écoulés ? Le problème sera toujours là. Même si pour l’Etat, plus de médiatisation = 0 problème… Nous allons nous retrouver avec des procédures juridiques pour beaucoup d’entre-nous, cela semble inévitable, ou des fermetures forcées pour s’affranchir de ce désastre judiciaire annoncé. Si le consommateur perdra le montant total ou partiel d’un voyage (cela peut être une somme très importante j’en ai bien conscience), de notre côté, nous perdrons bien plus. Et il y a fort à parier que le premier qui repartira en voyage, ce ne sera pas l’ex-salarié ou l’ex-gérant de l’agence de voyages.

J’ajoute aussi que l’avoir n’est pas non plus la solution miracle. Il permet évidemment de chercher un compromis avec les clients compréhensifs, de leur proposer le voyage à une autre date, ce qui est tout à fait normal. Ils nous font confiance pour un voyage, nous devons pouvoir leur rendre cette confiance, mais pas à n’importe quel prix. Devons-nous rappeler à l’Etat que nous ne sommes pas des associations, que nos salariés et nous-mêmes ne travaillons pas simplement pour le plaisir de vendre des voyages (même si ce métier est très plaisant) ? Je sais que c’est compliqué en France de parler de bénéfices, de rentabilité, mais c’est toute la base d’une entreprise.

Arnaud Huillin, cofondateur de Cap Mystère

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